Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)
Si les qualifications de l’avant-dernière journée de ces Championnats d’Europe de Natation se sont avérées plutôt calmes, le bassin du Tollcross International Swimming Centre, que l’on ne présente plus, était en feu ce mercredi soir. Les spectateurs ont notamment usés de leurs cordes vocales pour la finale du 200 mètres quatre nages féminin. Si Katinka Hosszú avait tout à perdre après une surprenante quatrième place sur 100m dos la veille, Maria Ugolkova avait quant à elle tout à gagner.
Le public venu assister ce matin aux qualifications ne s’attendait probablement pas à une telle surprise. La presse accréditée non plus d’ailleurs. Katinka Hosszú, la dame de fer de la natation mondiale, ne se présentait pas devant sa ligne 4 de favorite lors de la troisième série qualificative du 200m dos. Alors comment interpréter cette absence ? Les mauvaises langues y verront volontiers un aveu de faiblesse : la Hongroise ne se sent pas assez forte pour enchaîner les demi-finales du 200m dos et sa finale du 200m 4 nages le soir. À l’inverse, les bienveillants parieront plutôt sur un message lancé à ses concurrentes du soir : la Hongroise allait tout donner pour remporter le titre du 200m quatre nages. Un titre européen qui file dans sa besace depuis désormais huit ans, avant Glasgow. C’est bien simple, depuis 2010, elle n’a perdu qu’une seule fois sur la scène internationale sur les quatre longueurs de quatre nages. C’était en 2012 et une 8e place amère qui l’a métamorphosée en boulimique de compétition. Dès lors, la Magyare est passée dans une autre dimension pour gagner son surnom d’Iron Lady et ainsi entrer de plein pied dans l’histoire de son sport. Quadruple championne d’Europe, triple championne du monde et championne olympique, Hosszú règne en maître sur la discipline : « Durant, les cinq dernières années j’avais l’impression d’être assise sur le trône du quatre nages féminins, j’ai toujours cette impression ». Un sentiment de domination sans rivale et pourtant, pourtant la Hongroise ne s’est pas présentée au départ du 400m 4 nages.
![HosszuKatinka-3 Triple championne d’Europe, quadruple championne du monde et championne olympique de cette terrible distance, la nageuse originaire de Pécs, Katinka Hosszú a enfin remporté une médaille à Glasgow après deux 4e place au 100m dos et au relai 4x200m nage libre mixte. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/08/hosszukatinka-3.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![HosszuKatinka-2 Une préparation des plus houleuses ces derniers mois qui a énormément fait douter l’athlète : « Cela a été la période la plus difficile de ma vie. Je me posais beaucoup de questions, je ne savais pas ce que je faisais et ce qui se passait autour de moi. » © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/08/hosszukatinka-21.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
Une préparation plus que chamboulée
Triple championne d’Europe, quadruple championne du monde et championne olympique de cette terrible distance, la nageuse originaire de Pécs, a renoncé avec beaucoup de regrets à sa distance fétiche : « Quand je suis devant le plot au départ d’un 400m quatre nages, je veux avoir le sentiment que j’ai tout entrepris dans ma préparation pour réaliser la meilleure performance possible. Malheureusement ce n’était pas le cas cette année, je ne suis pas prête. » Une année 2018 à mettre aux oubliettes. Le millésime 2017 n’avait alors été qu’une année de transition entre les Jeux olympiques 2016 plus que réussis avec trois titres et un nouveau cycle de travail pour Tokyo 2020. La préparation pour ces prochaines Olympiades avait alors été dit et répété lorsque nous l’avions rencontrée fin 2017 à la Lausanne Swim Cup. Quelques mois plus tard, c’est sans son entraîneur et ex-mari Shane Tusup (USA), qu’entame Katinka Hosszú la dernière ligne droite menant à la cité écossaise. Dévoilés à la lumière du grand jour, les coulisses de leur séparation particulièrement virulente font couler beaucoup d’encre et s’entremêlent ainsi avec la préparation de la Magyare pour ces Européens. Une préparation des plus houleuses qui a énormément fait douter l’athlète : « Cela a été la période la plus difficile de ma vie. Je me posais beaucoup de questions, je ne savais pas ce que je faisais et ce qui se passait autour de moi. » Plus qu’un simple divorce, l’homme qui partageait sa vie en dehors des bassins n’était autre que le coach avec qui elle a connu ses plus beaux succès. Aux côtés de Tusup, dont la collaboration a débutée en 2013, elle est devenue la machine qu’elle est aujourd’hui. Sans lui, l’Iron Lady n’aurait peut-être jamais gagné son surnom représentant l’aplomb et l’abnégation dont les athlètes ont besoin pour inscrire leur nom dans le palmarès de l’histoire. De par cette relation particulièrement difficile, le plaisir de nager et l’odeur du chlore n’avaient décidément plus la même senteur au nez de la nageuse européenne de l’année 2014 : « Mon mari était mon coach alors c’est vrai que pour moi ça été dur de retourner dans la piscine. J’ai néanmoins découvert que j’aimais vraiment ce sport », livre en toute honnêteté la championne olympique. Cet amour pour la natation, elle le clame haut et fort à Glasgow : « Nager est vraiment ce qui me donne de la force et m’inspire. » Une force et une inspiration qui l’ont aidée à traverser cette crise et à disputer la finale ce mercredi. Après un bref intérim à Los Angeles cet été, la championne a désormais trouvé un coach de « valeur » selon ses mots. Avec Arpad Petrov, ancien entraîneur de l’équipe suisse de natation et du Schwimmclub Uster Wallisellen, la Hongroise a désormais les yeux tournés vers l’avenir : « Je suis impatiente de retourner à l’entraînement dimanche prochain pour préparer Tokyo ».
« Cette médaille, c’est mon cœur, c’est ce que je fais, c’est mon travail, j’aime la natation »
À côté de ce monument, dit-on vacillant, de la natation s’avançait Maria Ugolkova. Comme hier lors des demi-finales les deux femmes se retrouvaient côte à côte pour cette finale du 200m quatre nages que la piscine attendait avec impatience. La Suissesse avait alors su maîtriser sa partition pour assurer sa qualification en finale tout en égalant son record de Suisse. Aujourd’hui, elle a fait bien mieux et c’est peu de le dire. Dans une finale dans laquelle tout pouvait se passer aux vues des féroces concurrentes qui se présentaient devant Ugolkova. L’Italienne Illaria Cusinato faisait figure d’épouvantail alors que le meilleur temps des demi-finales avait été l’œuvre de la Britannique Siobhan-Marie O’Connor. Une nageuse de Grande-Bretagne en finale oblige forcément une ambiance électrique. Plus qu’un euphémisme, le public était déchainé dans un 200m quatre nages de folie où le podium s’est dessiné dans les dix derniers mètres de course. Partie en papillon en 28”23, Ugolkova pointait à la quatrième place au premier intermédiaire. Technique et puissante, elle se voyait tutoyer la reine Hosszú dans la deuxième longueur de dos pour aller tourner en seconde position à la mi-course. En brasse, la nageuse d’Uster Wallisellen se payait même le luxe de tourner avant la Magyare. Si l’Italienne Cusinato vola la vedette à notre Suissesse pour la lutte avec Hosszú pour la victoire finale, Ugolkova, dans un sprint haletant, a réussi l’exploit de faire taire tout un peuple : en devançant pour seulement deux centièmes la Britannique O’Connor, devant son public, la quatre-nageuse helvétique est allée cueillir une médaille de bronze aussi inattendue qu’éblouissante. « C’était une bataille avec les autres nanas ! Je ne pensais à rien, je voulais juste arriver à la fin ». En plus de s’adjuger une médaille européenne, Maria Ugolkova, a explosé son record de Suisse de plus de six dixièmes pour le tabler à un temps de 2’10”83. La nageuse née à Moscou, a d’ailleurs remporté une médaille que la Suisse n’avait pas forcément vu venir. Il y a deux ans, aux derniers Championnats d’Europe à Londres, elle avait terminé à la dernière place de cette finale à six secondes de la vainqueur… Katinka Hosszú.
« Après Rio, nous avons décidé de préparer spécifiquement cette course. Le 200m quatre nages est définitivement devenu “Casa mia, dolce casa” »
Maria Ugolkova, médaillée de bronze du 200 mètres quatre nages
« C’était différent car je venais de découvrir cette course et l’objectif était de me qualifier pour les Jeux [ndlr : Jeux Olympiques 2016 de Rio]. Après Rio, nous avons décidé de préparer spécifiquement cette course. Le 200m quatre nages est définitivement devenu “Casa mia, dolce casa” », nous livre une nageuse parée de bronze à bout de souffle et avec les jambes bourrées de lactate. À force de travail et d’abnégation, Maria Ugolkova a réussi à gravir tous les échelons menant à son triomphe du jour. Après une finale européenne, suivie d’une demi-finale mondiale l’année passée à Budapest, l’ancienne nageuse de la délégation russe est parvenue à faire son trou parmi les meilleures quatre nageuses d’Europe. « Cette médaille, c’est mon cœur, c’est ce que je fais, c’est mon travail. J’aime la natation. Je vais essayer de ne pas verser de larmes sur le podium ». Première Suissesse à monter sur un podium d’un grand championnat international depuis 2011 et le sacre de Swann Oberson sur 5km aux Championnats du Monde de Shanghai (Chine), Maria Ugolkova a dorénavant les yeux tournés sur le Japon et les Jeux olympiques de Tokyo. Son dernier grand objectif ?
![TouretskiSasha2-1 Sasha Touretski est sortie de sa course avec le sentiment d’un travail bien fait. Il y a deux ans aux Championnats d’Europe 2016 de Londres, la nageuse née en Australie n’avait pas réussi à atteindre les demi-finales. Deux ans plus tard à Glasgow, elle repart avec deux demi-finales et un record suisse sur le 50m nage libre. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/08/touretskisasha2-1.jpg?w=623&resize=623%2C416&h=416#038;h=416)
![TouretskiSasha-1 La Suisse a pu compter sur une belle génération à Glasgow. Avec Sasha Touretski [à l'image], Maria Ugolkova et Jérémy Desplanches, la natation suisse peut nourir de grands espoirs pour le futur. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/08/touretskisasha-1.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![TouretskiSasha-12 Sasha Touretski fût, en effet, la seule membre de l’équipe à passer l’écueil des qualifications. 16e temps du 50m papillon dans un bon chrono de 26”77, la pensionnaire du Schwimmclub Uster Wallisellen a réalisé une coulée de bien belle qualité pour débuter sa course. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/08/touretskisasha-12.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
Des Européens définitivement réussis pour Touretski
Aux côtés de la horde de journalistes qui attendaient les Ugolkova, Cusinato et Hosszú, une personne en maillot de bain essayait de se frayer un chemin du regard sur la sortie des athlètes. Cette personne, c’est la nageuse Sasha Touretski qui attendait patiemment sa copine Maria pour la serrer dans ses bras. Les deux « Russes » du Uster Wallisellen étaient les uniques représentantes de la délégation suisse pour la session du soir. Sasha Touretski fût, en effet, la seule membre de l’équipe à passer l’écueil des qualifications. 16e temps du 50m papillon dans un bon chrono de 26”77, la pensionnaire du Schwimmclub Uster Wallisellen a réalisé une coulée de bien belle qualité pour débuter sa course. La vitesse engrangée lui a alors permis de maintenir sa place dans le top 5 de sa série lui accordant ainsi le droit d’accrocher une place en demi-finale, sa deuxième dans ses Championnats d’Europe. « Je suis très satisfaite. J’ai eu trois jours de pause alors je dois me réimprégner de l’atmosphère de la piscine pour aller plus vite ce soir. » Lors de sa demi-finale, malgré une nouvelle coulée éclair, il lui a manqué un surplus de vitesse, indispensable sur les courtes distances, pour battre son record de Suisse : « Il m’a manqué ce petit quelque chose pour réaliser la course parfaite mais ça reste une satisfaction ». 14e rang final dans un temps de 26”66, Sasha Touretski est sortie de sa course avec le sentiment d’un travail bien fait. Il y a deux ans aux Championnats d’Europe 2016 de Londres, la nageuse née en Australie n’avait pas réussi à atteindre les demi-finales. Deux ans plus tard à Glasgow, elle repart avec deux demi-finales et un record suisse sur le 50m nage libre. « C’est un grand succès pour moi. J’ai beaucoup travaillé dans tous les domaines et je ne peux qu’être contente ». Après avoir franchi le pallier des demi-finales cette année, la sprinteuse montra logiquement à l’échelon supérieur dans deux ans.
La revanche de Hosszú
Les spécialistes n’auraient pas forcément parié sur sa victoire. On a beau s’appeler Katinka Hosszú et détenir 52 médailles d’or sur la scène internationale, quand notre préparation est « mouvementée » et que l’on finit quatrième la veille d’une course que l’on est censé maîtriser, les voyants ne s’annoncent pas forcément aux verts. Et pourtant, la Hongroise avait tout prévu. En ne prenant pas le départ du 200m dos ce matin, la Dame de fer préparait en cachette sa finale du soir. En s’imposant sur le 200m quatre nages, Katinka Hosszú est devenue la première nageuse de l’histoire à remporter la même distance dans cinq championnats d’Europe à la suite : « Cela prouve que je peux nager vite et ce dans n’importe quelles circonstances. Venir concourir ici était un challenge mais cette victoire est venue du cœur. » Une course historique sur tous les plans et dont la Suissesse Maria Ugolkova a joué les premiers rôles. La suite, on s’en rappelle…