Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)
Les Championnats Européens permettent aux athlètes de se confronter aux meilleurs sportif du continent dans la lutte au podium. Si la compétition offre complicité et émulations à des athlètes provenant de pays et de culture différentes, ces championnats de Glasgow offrent également le même processus de partage aux journalistes. Idées, visions et théories divergentes sur la natation, les façons de pensées peuvent varier selon les nations. Nous avons ainsi profité de cette occasion pour aller rencontrer le consultant phare de France Télévisions, Florent Manaudou.
Le champion olympique du 50m nage libre en 2012 ne passe en effet pas inaperçu en salle de presse. Du haut de ses 1m99, l’ancien nageur du Cercle des nageurs de Marseille a troqué son maillot de bain et ses combinaisons pour les chemises, et autres micros, des plateaux de télévision. Passé désormais de l’autre « côté », ce n’est plus lui qui fait sauter les cordes vocales des commentateurs français par ses exploits mais l’inverse. Au côté de l’explosif Alexandre Boyon, Florent Manaudou fait dorénavant partager aux téléspectateurs son expertise de son sport. Championnats d’Europe, relève et natation Suisse, le quadruple champion du monde en grand bassin nous a livré avec passion sa vision de la natation. Une natation qu’il a dominée de la tête et de ses larges épaules.
Aux derniers Championnats d’Europe de natation à Londres, il y a deux ans, vous avez conquis deux titres dont un en individuel sur le 50m nage libre. Depuis ces Européens londoniens, est-ce que vous avez perçu une évolution dans la natation européenne ?
Dans un premier temps, il faut être conscient qu’il y a deux types de Championnats d’Europe. Il y a premièrement les Championnats d’Europe qui se déroulent en mars-avril [ndlr : les derniers Championnats d’Europe se sont déroulés à Londres du 9 au 22 mai 2016], l’année des Jeux Olympiques. Ces derniers ne sont pas du tout une référence car tous les nageurs sont en préparation pour l’objectif ultime, les Jeux Olympiques. Au contraire, le deuxième type sont des Championnats qui se déroulent en août comme ceux auxquels nous assistons cette année à Glasgow. Il est ainsi plus pertinent de comparer cette année à 2014 [ndlr : qui se sont déroulés à Berlin]. On constate alors une petite différence. Il n’y a pas forcément une grosse progression en terme de temps mais je parlerai plus de densité. C’est beaucoup plus dense qu’avant. Dans certaines courses, on sait déjà que le leader et favori va gagner. C’est notamment le cas avec les disciplines de brasse et Adam Peaty [ndlr : le Britannique a réalisé le doublé 50-100m brasse en individuel en écrasant la concurrence et en établissant un nouveau record du monde sur la double traversée en 57”10]. Dans d’autres disciplines en revanche, et il y en a de plus en plus, la densité est nettement plus forte. Je pense, par exemple, au 50m dos des messieurs lors duquel nous avons pu vivre un record du monde [ndlr : réalisé par le Russe Kliment Kolesnikov en 24”00] et pas moins de quatre nageurs ont nagé en 24”2-. Ce genre de course démontre ainsi que c’est plus la densité que le niveau des meilleurs nageurs qui a évolué.
Durant ces Européens, nous avons vu des jeunes loups qui viennent frapper à la porte des podiums mettant de plus en plus de pressions aux nageurs expérimentés. Cela a notamment été le cas avec le Hongrois Kristof Milak vainqueur surprise du 200m papillon. Assiste-t-on réellement à une montée en puissance de la relève ou n’est-ce simplement qu’un feu de paille ?
Cela s’est toujours déroulé ainsi. C’est vrai qu’entre les Kristof Milak ou Kliment Kolesnikov [ndlr : tous les deux sont nés dans l’année 2000] – mais également chez les filles avec des nageuses de 16 ans qui nagent en finale – on peut penser que c’est tôt mais c’est comme ça que fonctionne ce sport. Ma sœur [ndlr, Laure Manaudou] a été championne olympique à 17 ans [ndlr : à Athènes en 2004 sur le 400m nage libre], je fais mon entrée en équipe de France à 20 ans et je deviens champion olympique à 21 ans. On se rend désormais plus facilement compte aujourd’hui de ce phénomène. Les nageurs deviennent très forts sur la scène internationale de plus en plus tôt, à l’âge de 18 ans alors qu’avant c’était beaucoup plus tard, à 20-22 ans. Mais il ne faut pas forcement en faire une généralité, rares sont les pépites qui brillent et performent à l’âge de 18 ans, la norme se situe vraiment à 22 ans.
De quel œil observez-vous la natation helvétique avec une équipe qui ne cesse de surprendre durant ces Championnats d’Europe ?
Ça fait plaisir sincèrement. On en entend de plus en plus parler en France grâce notamment à Jérémy Desplanches qui nage à l’Olympic Nice Natation. Pour l’anecdote je l’avais placé parmi les deux favoris au titre sur 200m quatre nages. Entre lui et l’Allemand Philip Heintz [ndlr : finalement 2e de la finale], je ne savais pas trop ce que ça allait donner parce que les deux nageurs s’étaient cachés lors des séries et des demi-finales. Je perçois d’un bon œil la progression de l’équipe Suisse. Ma sœur avait d’ailleurs nagé avec votre nageuse Flavia Rigamonti à l’époque, dernière championne d’Europe pour votre pays en plus !
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Titre que l’on attendait depuis 10 ans…
Tout simplement cela témoigne de la progression du pays. La natation européenne a vraiment besoin de nouveaux vainqueurs parce que l’on retrouve toujours des Italiens, des Russes ou des Anglais. Donc cela fait vraiment du bien de voir de plus petits pays venir s’immiscer dans la lutte pour les premiers rôles. Ça apporte du changement et entre francophone, enfin certains [Rires], ça fait vraiment plaisir.