Simona Quadarella: « Réussir à être constant tout du long d’une saison complète requiert énormément, mais s’avère aussi être la clef d’un succès prestigieux »

La Romaine Simona Quadarella a été sacrée championne d'Europe des 1500 mètres à Glasgow, dominant la concurrence de Sarah Köhler de plus de six secondes (+6'24). Elle en est à son deuxième titre continental en Écosse cette semaine, après les 800 mètres remportés samedi après-midi. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]
Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)

« [Alessia Filippi, la championne du monde 2009 à Rome des 1500 mètres] m’a écrit après mon titre sur les 800 mètres. Elle m’a félicité et j’étais émue parce que, si j’avais déjà avoué n’avoir jamais eu de véritables idoles par le passé, Alessia est sans doute l’athlète à qui il m’a été le plus donné l’occasion de lui demander un autographe. » Simona Quadarella était au meilleur de sa forme mardi soir en finale des 1500 mètres. Après avoir décrocher la breloque en or sur les 800m, elle a réitéré sur le fond le plus long de ces Championnats d’Europe. « Ce sont des instants magiques que je vis à Glasgow », livrait-elle alors.

Tu es une authentique dominatrice sur les longues distances en Europe…

[Elle pleure] Cette année a été celle d’une très grande préparation, marquée par un grand travail. Je suis émue d’arriver à l’idée que je viens de remporter deux médailles d’or. Aujourd’hui, j’espérais un peu mieux sur le chrono [ndlr, en 15’51”61] mais je ne peux franchement rien regretter d’une course qui m’a amenée sur le toit de l’Europe. J’ai vraiment l’impression de vivre un rêve. Je savais, depuis l’année passée, que cette saison sera splendide mais je ne l’imaginais pas aussi propice. J’ai tellement souffert aujourd’hui dans l’eau que je suis fière de mon résultat. Aujourd’hui, je ne m’attendais pas à ce que je sois supérieure à mes concurrentes. Avant de venir à Glasgow, je rêvais de remporter l’or sur les 800 mètres, qui pour moi, déjà constituaient un très grand accomplissement, sans pour autant penser qu’il soit possible de doubler la mise sur les 1500m. Et pourtant: je l’ai eu, l’or.

Cela s’est avéré tout de même un peu plus dur. Avec mon entraîneur, nous avions tablé sur le fait que Sarah Köhler ne tienne mon rythme que sur les 600 mètres. Or à mi-course, vers les 800 mètres, j’ai vu qu’elle était toujours proche de moi. J’ai eu l’appréhension, un moment, qu’elle tiendrait jusqu’au bout. Mais elle a lâché ensuite.

Quel a été le prix d’une telle médaille ? Quels ont été les ressors qui t’ont permis, en préparation, d’envisager à un moment donné le titre sur le fond ?

Ils sont multiples, nombreux, presque incalculables. En tant qu’athlète, non seulement nous travaillons aux entraînement mais il est aussi difficile de maintenir la concentration nécessaire pour parvenir aux résultats espérés. C’est un travail sur soi-même qui doit être régulier et que l’on pratique toute l’année. Il ne nous suffit souvent pas d’aller nager en piscine pour travailler l’endurance et les mouvements, encore est-il que le plus grand de la préparation se fait au niveau mental. Christian [ndlr, Minotti, entraîneur de Simona Quadarella] le sait et m’a toujours apporté le soutien nécessaire pour garder un esprit sain. Réussir à être constant tout du long d’une saison complète requiert énormément, mais s’avère aussi être la clef d’un succès prestigieux.

Ton prochain objectif est de remporter un Championnat du Monde, en 2019 à Gwangju (Corée du Sud) peut-être ? Même si tu sais que Katie Ledecky y sera presque indétrônable…

Ce sera très compliqué. Mais – enfin –, si j’ai remporté deux médailles d’or aux Européens, ce que je ne pensais pas accomplir avant Glasgow, c’est que je peux aller encore plus loin; les championnats du monde et même les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 peuvent être l’occasion de présider, au niveau international désormais. Mais il faut dire que Katie n’a en réalité qu’une seule année de plus que moi (21 ans) donc l’âge ne peut pas m’aider plus que ça. Peut-être qu’elle arrivera en Corée du Sud plus lasse (de toujours gagner) [Rires]. Federica Pellegrini y était déjà parvenue [ndlr, le 26 juillet 2017 aux Mondiaux de Budapest sur les 200 mètres nage libre en 1’54”73] donc c’est que c’est possible. Nous avons vu dans ces Européens que si les Italiens se donnent à cœur de nager avec l’implication qui s’impose, nous pouvons arriver à dominer le continent.

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Tu nageras encore les 400 mètres nage libre jeudi, dernier jour de compétition à la natation. Que t’attends-tu désormais de la discipline maintenant que tu es doublement championne d’Europe ?

Je m’en irai de bon cœur chercher une nouvelle finale. C’est mon objectif affiché quand bien même les 400 mètres sont un peu plus difficiles pour moi. L’important est toujours d’arriver en finale parce qu’une fois qualifiée, je donne de mon mieux pour un podium. On verra bien ce que le futur me réservera encore à Glasgow. Je sais désormais que mes deux courses les plus importantes sont terminées donc je peux aborder les 400 mètres plus détendue. Je veux m’amuser et jouer mes possibilités de finale jusqu’au bout. Sans doute que je pourrai tester de nouvelles sensations et pourquoi pas de nouveaux frissons. Il y aura une belle lutte avec des adversaires de niveau [ndlr, à nouveau l’Allemande Sarah Köhler mais aussi la Russe Anna Egorova, tout comme la Liechtensteinoise Julia Hassler sur sa quatrième série jeudi matin], c’est pourquoi j’ai envie d’essayer. Je me suis habituée au rythme des courses et j’ai aussi gagné en endurance depuis quelques années. Je me souviens que l’année passée, après deux courses de 1500 mètres, j’étais déjà rincée. Désormais, je les tiens mieux. Je me suis parfaitement entraînée sur la résistance et cela m’ouvre des portes. Voyons lesquelles…

Te sens-tu arriver au niveau de course de Gregorio Paltrinieri, le fondeur italien des 800 et 1500 mètres ?

Disons… Je me sens (un peu) proche de son statut, mais pour y parvenir, il faudra encore énormément. Greg a déjà gagné les Championnats du Monde [ndlr, à Kazan en 2015, puis Budapest en 2017] et Jeux Olympiques de Rio [ndlr, en 2016], ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Je ne peux pas prétendre être à son niveau, mais sans doute que j’y arrive petit à petit. Je l’espère.

Gregorio Paltrinieri a terminé deuxième de sa finale des 800 mètres. Il a fait mieux que dimanche, “seulement” troisième des 1500m. La victoire est revenue à l’Ukrainien Mykhaylo Romanchuk. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]

Gregorio Paltrinieri en argent sur les 800 mètres

Gregorio Paltrinieri, touché depuis le début de ces joutes européenne par un virus, n’aura pas réussi à se parer d’or à Glasgow. En bronze sur les 1500 mètres dimanche soir, le natif de Carpi n’aura obtenu “que” l’argent sur le fond plus court. Sur les 800 mètres, l’Italien de 23 ans aura tenté de résister à l’Ukrainien Mykhaylo Romanchuk (vainqueur en 7’42”96) du début jusqu’à la presque fin. Mais son corps ne réagissait pas plus. « Je suis sûr d’être en meilleur forme que lors de ma finale des 1500 mètres dimanche mais, cela dit, je ne suis pas au top de ma forme. J’ai tout de même donné tout ce que j’avais, une course à 100%. J’ai essayé jusqu’au bout de rester près de lui mais à la fin, je n’ai pas pu le suivre – lâchait-il en zone mixte non sans un sourire évocateur – Je le félicite pour sa victoire et je me remettrai au travail pour l’année prochaine [ndlr, pour les championnats du monde de Gwangju, Corée du Sud, en 2019], à moins que je retombe malade », plaisantait-il encore.

« Ce que je viens de démontrer à Glasgow est nettement en-deça de mes capacités »

Gregorio Paltrieri, vice-champion d’Europe des 800 mètres

Se préparer en longueur pour ne pas être en mesure d’étaler son talent pleinement dans des Championnats d’Europe lui relève d’une frustration qu’il relativise pourtant avec une curieuse parcimonie. « Je suis très heureux de l’argent, cela reste une médaille européenne. Mais mon temps, en 7’45”12, est juste ce que j’ai l’habitude de faire au trophée Settecolli [ndlr, l’un des meeting de natation plus mythiques en Italie, qui a lieu chaque année au Foro Italico de Rome depuis 55 ans] ou que je réalise généralement aux championnats d’Italie. Donc certainement, ce que je viens de démontrer à Glasgow est nettement en-deça de mes capacités. Mais c’est comme ça. » Tout du moins, la grande maturité du garçon relève bien d’un fait; il a été jusqu’à la semaine passée, double tenant du titre sur les 800 mètres et même triple sur les 1500m. « J’ai gagné les Européens deux fois de suite [ndlr à Berlin en 2014, puis à Londres en 2016], donc on ne peut pas dire que je ne suis pas fait pour les Championnats d’Europe. Seulement, par le futur, tout le monde sera toujours plus compétitif et j’aurai encore l’occasion de me tester face à eux d’ici deux ans. » Il misera pleinement – au-delà des Mondiaux de 2019 – les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, dont il est encore pleinement champion en titre, mais cette fois, avec une revanche nette à prendre sur la concurrence.