Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)
Quelques heures après un titre historique acquis avec une domination sans partage sur le 200m quatre nages. Le nouveau champion d’Europe de la distance Jérémy Desplanches est revenu avec nous sur sa victoire, ses sensations et son bonheur partagé avec sa compagne Charlotte Bonnet, nouvelle championne d’Europe du 200m nage libre avec un record continental en prime (1’54”95). Malgré son couronnement récompensant le travail d’une vie, le genevois a déjà la tête tournée vers l’avenir.
Tu as parlé d’une médaille, tu es désormais champion d’Europe. Qu’est ce que ça fait ?
Je suis aux anges, c’est vraiment super je voulais une médaille, la couleur m’importait peu pour l’instant. J’ai vu la course de Charlotte avant moi et j’avais vraiment envie de faire pareil. C’était vraiment une super course pour moi et je ne peux qu’être content.
Qu’est ce qu’il s’est passé quand tu as réalisé que tu avais gagné une médaille et que cette médaille était de couleur d’or, synonyme de sacre européen ?
Quand j’ai touché le mur, que j’ai vu mon nom affiché et que mes concurrents n’étaient pas encore arrivés pour quelques centièmes, j’ai su que j’étais premier mais il m’a fallu une demi-seconde pour voir s’il n’y avait pas un imprévu ou une imperfection technique. Quand j’ai réalisé que j’étais premier, j’étais abasourdi. Je ne me suis même pas aperçu du temps. J’ai juste vu un “Desplanches” écrit au tableau avec un petit 1 à coté et c’est tout ce que je voulais voir.
Comment s’est déroulée ta course, saurais-tu même l’analyser ?
Alors je ne sais pas vraiment. La course s’est déroulée de façon extrêmement rapide. C’est vraiment passé vite. J’ai essayé de partir rapidement dans les deux premières longueurs en papillon et en dos sans trop me brûler. J’ai attendu patiemment la brasse pour prendre un peu d’avance et enfin sur la dernière longueur en crawl, j’ai serré les dents jusqu’à la fin. Au niveau du chrono, ce n’est pas le meilleur mais ce n’est pas le pire non plus. Pour être honnête, le temps m’importait peu. C’était une finale donc l’important, c’était la médaille. Il faut savoir que ce sont deux courses différentes quand on vise un meilleur temps ou quand on vise une médaille. Je suis néanmoins satisfait par ce dernier.
Depuis maintenant deux ans, une médaille aux Championnats Européens revenait souvent dans tes interviews. Comment s’est déroulée la préparation pour atteindre ce Graal ?
C’est dur de décrire ce fonctionnement. Quand on s’entraîne on ne sait jamais si les résultats vont venir au bout. Je le voulais alors je m’y suis consacré à fond. Je me suis entrainé énormément et je me suis beaucoup impliqué dans ce qui est autour de la natation. Plus spécialement, tout ce qui touche à la nourriture, l’entraînement physique et le mental. Tout s’est véritablement mis en place au bon moment pour Glasgow. Néanmoins, cela faisait depuis une semaine que j’avais un peu le trac, parce que c’est une finale européenne, j’avais un objectif de médaille donc ça ne me laisse pas trop de marge d’erreur. Tout s’est bien profilé heureusement. Ma famille était là, mes amis, ma copine aussi et mon entraîneur (Fabrice Pellerin) était également confiant donc tout était optimal pour moi.
Lire aussi : Fabrice Pellerin : « C’est un bonheur que je vis également »
Tu as gagné une médaille avec la Suisse, un pays – et non un club comme vous en avez l’habitude – qui reste une petite nation en natation. Qu’est ce que cela représente pour toi ?
Ma victoire démontre que c’est possible. J’espère que ma médaille va être la première pierre à l’édifice. Cela va démontrer à mes coéquipiers que tout est possible : même en tant que nageur suisse, un petit pays, c’est possible de se qualifier pour des demi-finales, de passer le cap pour les finales et pourquoi pas gagner. Dans mon cas, ce n’est pas venu d’un coup. Il y a quatre ans je n’étais même pas en finale, il y a deux ans je me suis planté également. L’année passée, j’avais fait une première finale au niveau international mais la suite s’est avérée difficile. Il faut grimper les étapes petit à petit et c’est ce que j’ai fait.
La délégation compte beaucoup de jeunes nageurs. Est-ce que tu as vêtu le costume de leader dans cette équipe ?
Oui, je pense que dorénavant il y a beaucoup de jeunes nageurs qui me regardent et m’ont regardé et qui peuvent se dire que maintenant c’est possible…
Même des grands nageurs !
[Rires] Peut-être également des grands nageurs. Maintenant, ils peuvent s’identifier à mon parcours. Jusqu’à encore quelques années, on ne peut pas dire que j’étais un “touriste” mais je nageais seulement parce que j’aimais ça. Un titre européen était inimaginable. Je ne me suis jamais mis en tête de remporter un jour un titre. C’était seulement une idée, un désir mais en aucun cas un objectif.
Le prochain objectif ce sont les Jeux Olympiques à Tokyo en 2020. Que dois-tu maintenant améliorer pour passer à un échelon supérieur ?
Tout, je dois absolument tout améliorer. Il ne faut pas se leurrer, il y a une grosse différence entre les Jeux Olympiques [ndlr, il a disputé ses premiers Jeux Olympiques à Rio en 2016] et les Championnats d’Europe. Le niveau est tout autre, il est complètement différent. Faire un titre ici à Glasgow, c’est super mais les Jeux c’est encore entre chose. L’atmosphère et la tension sont totalement différentes. À Tokyo, je n’aurais du reste pas le même rôle que celui que j’avais il y a deux ans à Rio où j’étais un outsider. Maintenant, je ne suis plus un outsider, je peux me qualifier en finale et là tout peut se passer. On l’a vu aujourd’hui, j’ai le troisième temps des finales et j’ai quand même gagné. Il me reste du boulot et je vais y retourner rapidement.
Tu es arrivé à Nice il y a quatre ans et durant cette période tu as indéniablement changé de catégorie. Corollaire, est-ce que ta relation avec ton coach a également changée ?
En toute sincérité, je ne pense pas qu’il y a eu de réels changements dans nos relations. Quand je suis arrivé, j’étais un nageur beaucoup moins bon qu’aujourd’hui. Il m’a toujours considéré comme un nageur avec du potentiel, qui pouvait atteindre un bon niveau et même maintenant, il ne me considère pas comme un nageur de haut niveau ou non. Pour lui, je suis toujours un nageur qui a du potentiel et je le répète, il y a encore du travail. Notre relation a néanmoins évolué. Nous sommes plus proches et beaucoup plus complices. J’ai pris l’habitude de le voir à mes côtés et je pense que c’est réciproque. Une chose est sûre, nous ne sommes pas encore arrivés à la fin.
Revenons à la compétition, comment vas-tu préparer ton 400 mètres quatre nages de jeudi ?
Je ne sais pas encore [Rires]. Il me reste encore deux jours et je pense que cette nuit je ne vais pas beaucoup dormir, je ne vais pas fêter ça mais juste profiter un petit peu. Le 400m quatre nages est encore une course différente, il me reste à récupérer et faire en sorte que ça se passe du mieux possible.
Charlotte Bonnet a également gagné le titre sur 200m nage libre. Qu’est-ce que ça fait de gagner ensemble et d’être déjà surnommé le « couple en or » ?
On va y avoir droit pendant longtemps à ce surnom [Rires]. Avant ma course, j’étais dans la chambre d’appel et j’étais en train de regarder sa finale. Déjà à mi-course, elle était en tête et c’était certains qu’elle allait s’imposer avec un super temps [ndlr, record d’Europe de la distance en 1’54”95]. J’étais assis, j’avais mes écouteurs et c’était super dur de me contenir car j’avais envie de sauter partout. Elle m’avait prévenu avant ma finale, de rester assis et de rester calme pendant sa course. Je suis super content pour elle.