De Zofkova à Ceccon, la relève italienne a de beaux jours devant elle

Le relai 4x100 mètres mixte a rapporté une nouvelle médaille de bronze à l'Italie, sa 11e breloque depuis le début des joutes continentales. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]
Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)

Ils ont entre 17 et 31 ans. La délégation italienne à la natation est très riche; de ses talents, plusieurs se démarquent au plus haut niveau continental. Il y a, bien sûr, les nageurs et nageuses plus côtés – Federica Pellegrini, Gregorio Paltrinieri, Simona Quadarella – mais il y a aussi les jeunes qui émergent – Carlotta Zofkova, Thomas Ceccon, Simone Sabbioni, Alessandro Miressi –, puis il y a les “vieux garçons” qui se révèlent (un peu) sur le tard – Luca Pizzini. Ensemble, ils ont pourtant un point commun, une passion et un talent reconnu. Nul doute, avec 11 médailles cumulées [ce lundi], autant que la Grande-Bretagne, l’Italie est l’une des très grandes nations de ces championnats d’Europe.

La natation italienne est prospère. L’on connaît les grands noms de la délégation, parmi lesquels Federica Pellegrini – comptant pas moins de 13 médailles d’or en grand bassin, dont un titre olympique et sept championnats d’Europe en nage libre, des 200 aux 800 mètres – ou encore le spécialiste reconnu des longues distances et des grandes traversées Gregorio Paltrinieri. Il y a aussi les plus discrets; Luca Pizzini qui vient de décrocher sa deuxième grande médaille en Championnats d’Europe sur 200m brasse [lire chapitre suivant], sans oublier l’or aux 18e Jeux de la Méditerranée à Terragona en juin dernier. Et il y a la relève. Et là, il y a du beau monde. En Italie, la grande presse se galvanise sur l’indispensable mercato estival du calcio, sans pour autant fournir aussi grande tribune à ses athlètes aquatiques, pourtant connus et largement reconnus dans les bassins continentaux et mondiaux. Mais personne n’ignore la puissance de la relève transalpine; en bassin, le potentiel est tangible. Déjà onze médailles sur les quatre premières journées de championnats, dont deux en or sur les 100 mètres nage libre d’Alessandro Miressi et sur les 800 mètres de Simona Quadarella, avec un nouveau record d’Italie canon sur la distance en 8’16”35. « La natation italienne est vraiment en train de grandir et dans tous les domaines; du 100m avec Alessandro Miressi qui a dominé sa finale [en 48”01] ou encore Federico Burdisso [ndlr, bronze sur les 200m papillon dimanche, 1’55”97], qui avait été repêché en finale après le forfait de James Guy », aiguillonne à notre micro Christian Minotti, entraîneur de Simona Quadarella. « [Federico] a réussi une belle troisième place en partant de la ligne numéro 8, ce qui se révèle être une extraordinaire performance. Cela prouve que la croissance de la natation italienne est palpable et que les bases s’y révèlent également bien solides. L’Italie a des jeunes qui ont envie d’émerger au plus haut niveau et cela est très, sinon le plus, important. » Les relais masculins ne sont pas non plus en reste; avec un quatuor paré d’argent sur les 4×100 et un bronze sur les 4×200 mètres, la formation italienne se défend à tous les niveaux et avec des relayeurs toujours plus jeunes. « Le mouvement italien est vraiment en train de grandir, il y a tellement de jeunes qui s’illustrent sur les grands bassins dans le monde. Ce n’est par ailleurs pas un cas à part si l’équipe du relai cet après-midi était composée de beaucoup de jeunes, qui sont aussi ceux qui ont le plus montré leurs qualités ces derniers jours, souvent médaillés. Il est certain que de gagner des médailles, en tant que Nation, est très gratifiant, autant que porteur de grandes émotions », confiait alors la Pouillaise et relayeuse du 4×100 mixte Elena Di Liddo.

« Cette médaille de bronze m’a certainement gratifiée des nombreux sacrifices réalisés ces derniers temps. Il y a cependant maintenant une petite chute de tension qu’il faudra gérer pour les jours restants de compétition »

Elena Di Liddo, nageuse italienne

La native de Bisceglie (24 ans) n’est par ailleurs pas déçue de son début dans ces Européens; médaillée de bronze sur les 100 mètres papillon (57”58), elle a également contribué au podium du relai mixte, justement, lors des finales lundi après-midi, en fin de session, avant de défendre mercredi son statut sur la distance la plus courte, les 50m. Sur ses 100 mètres papillon de samedi, elle s’est exprimée: « Cette médaille de bronze [ndlr, sur les 100m papillon] m’a certainement gratifiée des nombreux sacrifices réalisés ces derniers temps et m’a immanquablement projetée dans une nouvelle prospective – réalisait-elle alors en zone mixte avant de continuer – Il y a cependant maintenant une petite chute de tension qu’il faudra gérer pour les jours restants de compétition. » Des sacrifices rendus en bénéfice, même si le temps rapide de Sarah Sjöström, en or, lui étaient pleinement hors de portée (56”13), seule nageuse à être descendue en-dessous des 57 secondes. Mais au-delà de son bronze personnel, elle exhibe désormais également la médaille obtenue sur le relai mixte. Une satisfaction qui contribue à dessiner toujours plus le sourire de satisfaction sur les visages de la délégation italienne. « Tout commence par aller vers la juste direction. Nous sommes très content de notre résultat, en montant sur le podium à côté de deux colosses du relai mixte [ndlr, la Grande-Bretagne forte de leur recordman du monde Adam Peaty et la Russie]. De plus, le fait que nous ayons tous déjà été médaillés [au sein de l’équipe] en individuel a rendu la course très intéressante », concluait-elle alors en zone mixte en fin d’après-midi au Tollcross International Center.

De Pellegrini à Zofkova, le groupe élargi du coach Matteo Giunta

« Je me sens plus fort d’avant, aussi parce que les chronos parlent pour eux. Je continuerai à faire le travail que me dira de faire Matteo [Giunta] et qui sait ce qui peut arriver… » Luca Pizzini est heureux. Frais médaillé de bronze ce lundi après-midi sur les 200 mètres brasse (2’08”54), le Véronais de 29 ans touche au meilleur de sa carrière ces derniers mois. Resté (pratiquement) muet dans les grands rendez-vous jusqu’aux Européens de Londres en 2016, où il a remporté sa première grande médaille continentale à 27 ans, Luca Pizzini peut savourer en terminant derrière le Russe Anton Chupkov (2’06”80) et le Britannique, local de l’étape, James Wilby (2’08”39). « J’ai peut-être perdu un peu de temps sur la fin de ma course, mais le temps est quasiment le même que celui de mes qualifications hier. Je voulais sans doute l’améliorer mais ma finale me convient déjà parfaitement », avouait-il alors au terme de sa course, sur le fil de son ode à la natation: « J’aime la natation, ses aspects positifs comme négatifs, à l’image des sacrifices que l’on fait, les tensions d’avant-course – conçoit-il alors avant de continuer – Puis, travailler avec ce groupe est un grand catalyseur de motivation et d’énergie. Quand on entre dans le bassin et que l’on commence à nager, tout un monde s’ouvre automatiquement à soi et c’est ce qui me donne l’inspiration. »

« Je voulais battre la minute mais le temps n’a pas d’importance aujourd’hui. J’espérais ma qualification en finale et je l’ai obtenue »

Carlotta Zofkova, qualifiée pour la finale des 100 mètres dos

Ce groupe n’est nul autre que celui de l’entraîneur Matteo Giunta, celui qui a rendu ses plus grandes gloires à Federica Pellegrini (30 ans) au plus long de sa carrière. L’homme est à la tête d’un nid d’athlètes qui se révèlent – et révèlent éloges et compliments sur la personne – au plus haut niveau international. Matteo Giunta figure, à vrai dire, parmi les coaches les plus appréciés de sa génération et cela va sans dire; de Pellegrini aux plus jeunes talents de son contingent, les résultats parlent souvent d’eux-mêmes. L’exemple le plus flagrant s’illustre sur la tabelle de résultats de Carlotta Zofkova. Alignée sur deux disciplines personnelles dans ces Championnats d’Europe de Glasgow, la native de Lugo en province de Ravenne (25 ans) se révèle pleinement. Ce lundi, elle a montré le feu, dominant sa série des 100 mètres dos en 1’00”07 puis se qualifiant sur la deuxième demi-finale de l’après-midi en 59”88, juste derrière la terdecies championne d’Europe, septuple championne du monde et triple championne olympique Katinka Hosszú (59”67). « Je me sens mieux qu’hier », avouait-elle le matin après sa série. La veille, pourtant, elle était parvenue à décrocher le sixième temps de sa finale des 50m (28”31). Une course qui avait été remportée par la détentrice du record d’Europe Georgia Davies (27”23). « Hier, j’étais plus tendue et plus éprouvée des compétitions du jour d’avant [ndlr, où elle avait hérité à chaque fois d’une cinquième place qualificative aux séries et en demi-finale]. Les 50 mètres m’ont un peu harassée », complétait-elle alors. Dirons-nous, acté, sur la simple traversée, elle n’aura pas trouvé ses marques. Alors que dire des 100m, dont la finale est prévue mardi soir [ndlr, 7 août] ? En attendant, elle a obtenu sa qualification. Et cela n’est de loin pas anecdotique: « Je voulais battre la minute mais le temps n’a pas d’importance aujourd’hui. J’espérais ma qualification en finale et je l’ai obtenue. »

« Dans notre groupe d’entraînement, l’arrivée de [Simone] Sabbioni et Aglaia [Pezzato] ont permis d’étoffer et de fonder nos entraînements sur le sprint. C’est définitivement ce dont j’avais besoin et que je n’ai pas assez eu l’année passée »

Carlotta Zofkova, qualifiée pour la finale des 100 mètres dos

Carlotta Zofkova se sent bien et elle le fait bien comprendre. « Je suis très contente de ce que je produis actuellement, ce qui est le fruit d’une saison particulièrement bien gérée. Par rapport à l’année dernière, j’arrive à donner plus de vitesse dans mes courses. De plus, dans notre groupe d’entraînement, l’arrivée de [Simone] Sabbioni et Aglaia [ndlr, Pezzato, double médaillée en bronze et argent aux relais 4×50 et 4×100 nage libre féminins aux Mondiaux 2016 de Windsor en petit bassin] ont permis d’étoffer et de fonder nos entraînements sur le sprint. C’est définitivement ce dont j’avais besoin et que je n’ai pas assez eu l’année passée. Nous avons changé nos entraînements avec Matteo [Giunta] et cela va d’autant mieux. Nous avons un feeling direct; il me comprend parfaitement et c’est ce dont j’ai vraiment besoin », confiait-elle alors en zone mixte. Alors quoi ? la meilleure Carlotta depuis toujours ? « Je le crois bien », rit-elle alors. « C’est une période durant laquelle je suis très en forme et je me sens très bien dans l’eau. Très peu de fois, je me suis sentie tenir autant la forme. » Légère et rapide dans l’eau, Carlotta s’est muée en véritable sprinteuse et sans doute que la décision et le “virage” de Federica Pellegrini de se tourner davantage sur les 100 mètres que sur les longues distances n’y est pas pour rien; à l’entraînement, la vitesse en devient fondamentale. Alignée à Glasgow sur les deux relais 4×100 et 4x200m mixtes et sur les 100 mètres en nage libre dès mardi matin, la trentenaire aura décidément tout expérimenté, parfois au plaisir de son groupe tout entier. « Cela peut en effet influer quelque peu sur ma bonne forme, il est vrai », avoue alors Carlotta Zofkova.

« Depuis avril, nous avons d’ailleurs pris le travail très au sérieux, notamment sur les phases sous l’eau qui étaient mon faible ces derniers temps. C’est pourquoi, je m’en vais les travailler une fois par semaine avec Mike Maric, qui est un grand apnéiste »

Carlotta Zofkova, qualifiée pour la finale des 100 mètres dos

Aussi l’autre véritable atout de la nageuse italienne est son professionnalisme et son perfectionnisme; longtemps indisposée dans les phases sous l’eau, au départ et dans les transitions, la Ravennate s’indispose désormais pour combler ses lacunes. « Depuis avril, nous avons d’ailleurs pris le travail très au sérieux, notamment sur les phases sous l’eau qui étaient mon faible ces derniers temps. C’est pourquoi, je m’en vais les travailler une fois par semaine – [quatre heures de voiture aller-retour] – avec Mike Maric, qui est un grand apnéiste. À peine commencé, j’en suis très satisfaite; le travail paye même si cela ne fait que quelques mois que je travaille avec lui. » L’association avec le spécialiste de la respiration, né à Milan en 1973, devrait donc durer jusqu’en 2020, année des Jeux Olympiques de Tokyo. Voilà la jeune finisseuse qui regarde, comme l’ensemble de sa classe, vers les fondamentales joutes olympiques. L’Italienne de 25 ans y apparaîtra sans doute parfaitement préparée: « Tout va très bien. C’est un moment où tout fonctionne parfaitement ces derniers temps », ajoutait-elle alors au sortir du bassin au Tollcross International Swimming Centre de Glasgow. De fort bon augure pour sa deuxième finale de la compétition en Écosse.

Ceccon et Sabbioni, même temps mais humeurs différentes

Parmi le groupe d’athlète entraîné par Matteo Giunta figure également Simone Sabbioni. Finaliste des 100 mètres dos, le natif de Rimini a été déçu de sa cinquième place ex-æquo avec… Thomas Ceccon, un autre Italien au talent prometteur. Mais au-delà de la course, c’est la gestion de celle-ci qui l’a porté à l’ire. « Je n’ai pas nagé comme j’aurai dû – aiguillonnait-il alors – Je suis passé au split en 25”60 alors que je n’aurais pas dû. Je me suis brûlé les ailes tout seul parce qu’au retour, je n’avais plus la force d’y aller, d’autant plus sur les dix derniers mètres où j’étais mort. Mon mauvais résultat est imputable à ma grossière erreur de jugement. » Parti trop vite, il est arrivé à la transition entre cinq et sept dixièmes… d’avance sur son temps; une énormité quand l’on est pleinement conscient de ses capacités. Une erreur que le jeune homme (classe 1996) impute toutefois à une vision plus large de sa finale; surmotivé, suractivé, il a littéralement confondu la vitesse avec une immense précipitation. Fatale. « J’avais en tête de battre tout le monde, de les écraser mais ce ne sont pas des manières d’entamer une course, mentalement – évoquait-il alors en zone mixte avant de poursuivre – Il faut donner de son mieux, être conscient de ses capacités mais pas virer dans le surréalisme. Ma course en est l’exemple flagrant. Désormais, j’ai de l’expérience – ça oui –, mais ça ne suffit jamais. Voilà une gifle qui me servira, encore une fois, pour plus tard. » Une leçon que son collègue et ami d’entraînement, Luca Pizzini connaît même parfaitement: « Nous avions bien travaillé ensemble sur certains aspects [avec Sabbioni]. Je suis désolé pour sa course. Mais dans le sport, on paye parfois aussi l’inertie. » Parfois, c’est certain.

« Pour une première dans des Championnats d’Europe, c’est largement réjouissant. Je souhaitais aller en finale, puis faire du mieux possible. J’y suis parvenu et j’en suis très fier »

Thomas Ceccon, nageur italien, cinquième des 100 mètres dos

De toute autre réalité, Thomas Ceccon, natif de Thiene dans la province de Vicence se déclarait heureux de son résultat. Il faut dire que le jeune homme (classe 2001), haut néanmoins de 1,94 mètre peut se satisfaire d’une première finale continentale pour sa première participation à des Européens en grand bassin. « Mon objectif était de me qualifier, battre mon temps de référence et de ne pas terminer dernier », aiguillonnait-il alors en zone mixte. Le pari lui fut alors une franche réussite; en 53”85, le Transalpin a dominé son ancien temps de référence d’un peu plus d’une seconde et s’est même placé à 13 centièmes du podium. Une performance qui donne à voir sur sa progression à moyen et très long terme. Parti pourtant plus doucement que son compatriote Sabbioni, il est parvenu à maîtriser sa course de manière intéressante, même si son court manque de résistance lui retire encore quelques centièmes à un chrono qui méritera une très nette amélioration par le futur. « Le passage [des 50m] allait bien [ndlr, en 26”24], mais il faut dire que je suis parti un peu plus doucement pour pouvoir progresser plus sûrement, mais cela n’a pas empêché que je termine la course à court de souffle », consentait-il alors, sourire aux lèvres. Il faut le dire, néanmoins: « Pour une première à ce niveau, c’est largement réjouissant. Je souhaitais aller en finale, puis faire du mieux possible. J’y suis parvenu et j’en suis très heureux. » Thomas Ceccon vient donc de disputer sa première finale continentale à 17 ans. Et ce n’est que le début.