Anna von Hausswolff : Carrie au bal du diable

Anna Von Hausswolff sur la scène du Montreux Jazz Festival. Elle se produisait en première partie de soirée à l'Auditorium Stravinski jeudi soir. © 2018 FFJM - Marc Ducrest

La Suède était à l’honneur, pour anticiper la venue de Nick Cave au Stravinski. Anna Von Hausswolff, très émotionnée de jouer à Montreux, est venue présenter son nouvel album « Dead Magic ». Après avoir sillonné les routes en première partie des Swans – de qui elle tient sans nul doute la vilaine manie de pousser la sono au maximum, gare aux tympans – les bords de la Riviera ont marqué le dernier arrêt de sa tournée avant une pause estivale bien méritée. Retour sur un concert mystique.

Avec leurs têtes blondes et leurs accoutrements vintage, les musiciens de Hausswolff n’ont pas vraiment la carrure prédisposée d’une formation qui envoie des nappes de drone d’une noirceur lancinante. Pourtant, cela fait maintenant près de dix ans que le groupe officie. Propulsé par le remarqué Ceremony (2012), Anna et sa bande ont une prédilection – comme la pochette de l’album le suggère – pour l’orgue, dans tous ses états. Tantôt macabre, tantôt léger, il est la véritable boîte de pandore. Leur post rock, oscillant entre le drone et le doom se veut épique, ritualisé. Anna von Hausswolff et ses compagnons nous emmènent dans une véritable traversée nordique : univers celtique où le culte n’est pas en reste, dédale macabre, timide remontée à la surface… Mais ce qui fait la signature de ce cette formation montante, c’est sa voix. L’impressionnante capacité vocale de l’interprète – parfois crispante – est au cœur de la machine Hausswolff. « Liturgy Of Light » et « Harmonica », pour ne citer qu’eux, démontrent la force de son timbre vocal dans un genre liturgique alors que « No body » délivre, une entrée en matière brutale, animale. Ce mélange entre religieux et lugubre, on le retrouve dans la dernière prière du groupe, « Dead Magic » (2018). Enregistré au sein même d’une église dans la cité de Copenhague, l’album se compose de cinq pistes qui s’étendent sur une dizaine de minutes chacune. Choix qui sied bien à l’ambiant et aux textures gothiques de la suédoise, permettant une montée en tension et en puissance envoûtante.

Montreux comme expérience unique

L’autel des Hausswolff prend place sur une partie restreinte du Stravinski, en demi-cercle. Les créatures des limbes sont prêtes à être invoquées. Dans cet espace réservé aux initiés s’invite un special guest, en la présence de Maria von Hausswolff. Discrètes, camouflées derrières leurs musiciens, les deux sœurs évoquent une autre fratrie : celle des sœurs Lisbon du film Virgins Suicide. Harmonieusement, les deux voix s’entremêlent et ouvrent la voie à un set d’un peu moins d’une heure. Une belle intensité dirige l’ensemble de la prestation, guidée par des percussions tonitruantes. Ajouter à celles-ci, la voix perçante d’Anna ainsi que l’explosion des décibels, l’expérience d’écoute est quelque peu altérée. Qu’importe, le masterpiece de la dernière mouture, « Ugly And Vengeful » soulève la foule au plus profond de son inconscient, dans un crescendo qui atteint une sauvagerie primitive d’une violence inouïe. Dernière date de son actuelle tournée, Hausswolff est très émue sur scène : d’une part elle se réjouit d’être programmée en première partie de Cave et de pouvoir assister au concert de “la légende”. D’autre part, elle évoque un ami disparu ayant vécu chez les helvètes qui lui avait fait promettre de venir un jour se produire au sein du festival montreusien. C’est désormais chose faite, et avec panache.