Renaud Lavillenie venait tout droit de Clermont-Ferrand. Après avoir disputé le meeting à Paris, le perchiste tricolore a pris la route de la Suisse pour “inaugurer” la première épreuve du saut à la perche hors stade du meeting Atletissima de Lausanne. Réunissant les meilleurs mondiaux – parmi lesquels apparaissaient Sam Kendricks et Armand Duplantis –, le plateau de la perche délocalisé à Ouchy, sur les bords du lac Léman, a tenu des promesses élevées, sur le plan de la compétition devant un millier de curieux. Le Tricolore prendra ensuite la route d’Albi pour y disputer les championnats de France, puis celle du Maroc pour la neuvième étape de la Diamond League à Rabat.
En réalité, il ne s’essaie pas au hors-piste puisqu’il organise également une épreuve hors stade dans le meeting qu’il organise, le All Star Perche by Quartus. Renaud Lavillenie s’est réjoui du concours lancé ce mercredi après-midi sur les quais d’Ouchy, à un peu plus de 24 heures de la 43e édition d’Athletissima à Lausanne. D’une part car l’organisation a su innover en proposant une épreuve de perche au bord du lac et d’autre part car le recordman du monde de la discipline (6,16 mètres) reste un fervent coutumier de l’épreuve en Suisse romande: « Je reste très fidèle à Lausanne, c’est le deuxième meeting “à la maison” après Paris », évoquait-il au terme de la compétition. D’autant plus que les conditions de saut ne furent pas mauvaises; il faisait chaud (26 degrés) et un vent très fin, presque sans influence quand bien même il courait en sens contraire, est venu rafraîchir les organismes. « C’était ne effet plus de l’air que du vent. On avait toujours un petit brin d’air en face et cela nous empêchait de nous libérer totalement. Mais je préfère tout de même avoir de telles conditions que des vents tournants que l’on peut difficilement maîtriser. C’est le cas de certains stades. » Renaud Lavillenie ne le dira pas ouvertement, mais il est justement un stade qu’il n’apprécie guère vraiment, en vertu, justement, de ses bouffées de vent imprévisibles. Il en vient par ailleurs, il y détient le record du stade et pourtant, il ne l’aime pas beaucoup, l’enceinte de Sébastien Charléty à Paris, antre nouvelle depuis quelques années du Meeting de Paris. « Ce n’est pas parce que l’on saute haut à un endroit que l’on est obligé de l’aimer – plaisantait-il alors il y a quelques jours en capitale française – Ce qui est un peu paradoxal et que je ne suis pas le seul. L’on aime pas les vents tournants compliqués à gérer, comme à Charléty [ndlr, où Renaud a justement demandé aux organisateurs de placer le sautoir de la perche dans le sens courant du vent, dans le sens des départs des 300 mètres]. Je ne suis pas trop mal expert en météo et je sais plus ou moins repérer les bons vents », assurait-il alors. Les bon vents, néanmoins, il les trouve à Lausanne, à la Pontaise entre autres, une enceinte dont il a volontiers pris ses quartiers depuis dix éditions déjà. Et le voilà, en cette année 2018, qu’il découvre les conditions nouvelles au sein desquelles les organisateurs de Jacky Delapierre ont installé le sautoir de l’épreuve diurne. Et ce qui en ressort n’est que positif. « Il n’y a pas de carambolages entre les épreuves, aujourd’hui, nous étions les seuls à concourir, nous étions seuls au cœur de l’attention – débute-t-il alors avant de poursuivre – L’atmosphère est souvent plus électrique. Sauter hors stade de temps en temps est vraiment un plus dans la préparation. Parfois, l’on se plaint aussi que l’épreuve n’est pas assez rapide. Aujourd’hui, le concours a été vite et cela fait aussi plaisir. »
« Je ne suis pas de ceux qui ont l’habitude du tout terrain. Mes adversaires ont sans doute plus d’expérience que moi »
Renaud Lavillenie, champion du monde indoor du saut à la perche
Le hors piste. Le tout terrain a évidemment un quelque chose d’excitant. Même si le vents est parfois (très) imprévisible ? « Nous profitons souvent d’avoir de bonnes conditions de vent pour pouvoir sauter haut mais il faut parfois aussi savoir tirer les performances même dans de mauvaises situations », explique alors le champion du monde en salle de Birmingham en zone mixte à Ouchy. Une pensée aussitôt confirmée par le champion du monde de Londres Sam Kendricks: « Nous sommes des professionnels, nous devons regarder de courir quelques soient les conditions et les directions du vent. » Pourtant, dans certains cas, certains s’avèrent être plus expérimentés que d’autres et cela n’est qu’un euphémisme. Renaud s’avoue appartenir des moins habitués à l’exercice hors stade. Pourtant, il s’y est prêté au moins à deux reprises dernièrement, à Montreuil et donc à Ouchy. « Je ne suis pas de ceux qui ont l’expérience du tout terrain. Mes adversaires qui font la tournée germanique ont certainement plus l’habitude. » Il n’empêche que la discipline reste passablement mobile, exportable à tout environnement, quoique hospitalier de l’épreuve, tant qu’une piste et un sautoir soient présents. « Nous avons l’avantage de pouvoir organiser du saut à la perche un peu n’importe où. Cela est juste fabuleux. Nous pouvons offrir le spectacle à tout le monde », avoue alors le Tricolore. « Le public est vraiment proche, et parfois, l’on peut reprocher à certains stades – les plus grands souvent – d’être loin du public. Il faut parfois un haut parleur pour parler à son coach. Sentir les gens à côté est très agréable et ce sont de bonnes expériences. » Expériences certaines où les performances sont homologuées, à Lausanne, mais sans enjeu supplémentaire alors que l’épreuve n’était pas estampillée Diamond League. « Nous sommes très près des fans et cela porte un grand soutien à nos performances, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agissait d’une exhibition – constate alors l’Américain Sam Kendricks au terme de l’épreuve au bord du lac Léman – Toujours est-il que ma première Diamond League était à Lausanne et c’est l’une des pistes que je juge meilleures pour moi. C’est ici que j’ai réussi mes meilleurs résultats dans mon parcours jeune, notamment les 5,93m de l’année dernière. »
Hors-piste ou non: une épreuve aux risques sérieux
Renaud Lavillenie n’oublie pas les dangers d’une discipline dont il mesure prises de risques et règlements sécuritaires. Le Français fait par ailleurs partie de ceux qui luttent au quotidien pour la bonne tenue des conditions de saut sur les pistes et en dehors. Et cette discussion n’a jamais vraiment eu lieu à Lausanne, où le hors stade était prévu depuis déjà quelques longues semaines. Elle a pourtant éclaté dans un environnement plus insolite qu’il ne pourrait paraître. Le stade Sébastien Charléty, dans le 14e arrondissement de Paris avait élancé les inquiétudes du perchiste de Clermont-Ferrand en raison des interstices latéraux qui longeaient tout le tour de l’enceinte, rendant un vent qui pouvait parfaitement s’avérer plus impraticable qu’à l’intérieur de tout autre stade plus fermé (Shanghai, Londres) ou plus allongé et régulier (Doha, Rabat, Lausanne). « Je ne pense pas trop aux risques et aux possibles blessures. Je pense aussi que je suis un peu à part. Tous les concurrents qui me connaissent savent que je suis celui qui se pose moins de questions sur les problèmes liés à la perche », avouait alors le tenant du record du monde de la discipline à Paris. Il n’en reste toutefois pas moins prudent. « Quand il y a de bonnes conditions, il y a d’une part une possibilité d’aller haut, mais il y a, d’autre part, aussi un aspect sécuritaire important. Ce n’est pas anecdotique si je dis que, cette année, nous sommes seulement six perchistes français à avoir dépassé les minimas pour les Européens de Berlin [ndlr, établis à 5,70 mètres pour être sélectionné en équipe de France] et que pour l’heure, je sois le seul à 100%, les autres étant sur le carreau. Deux sont en béquilles, un a un problème à l’épaule, l’autre au dos et le dernier a des problèmes psychologiques. Ce n’est pas anodin et les problèmes sont souvent dus à des accidents en sautant à la perche, dans des conditions pas terribles et qui nous poussent en conséquences à prendre des risques. Et quelques fois, cela se termine dans des conditions dramatiques. Nous avons déjà tellement de risques à prendre quand on saute à bloc que limiter les aléas extérieurs n’est pas sans intérêt », complétait-il alors.
« Nous sommes dans une société qui évolue énormément et qui pense que le spectacle passe à tout prix. Cela est une énorme bêtise. Il faut savoir juger dans le compromis et la sécurité n’est pas un domaine négociable »
Renaud Lavillenie, recordman du monde du saut à la perche
« Je me bats beaucoup pour que l’on puisse tous sauter dans des conditions viables. Quand l’on souhaitait passer le temps de saut à 30 secondes, au lieu d’une minute, je suis monté au créneau pour assurer notre répit. Si l’on a déjà beaucoup de mal à tenir le saut dans la minute, je n’imagine même pas quel serait le résultat si l’on divisait notre temps imparti. Sauter en 30 secondes aurait été envoyer les perchistes à l’abattoir. Il est clair qu’il faille savoir sauter avec son temps, mais il faut aussi savoir garder nos (bonnes) bases », continuait le Tricolore, installé sur sa chaise, quelques heures avant le Meeting de Paris il y a six jours de cela. « Le problème est que nous sommes dans une société qui évolue énormément et qui pense que le spectacle passe à tout prix. Cela est une énorme bêtise. Il faut savoir juger dans le compromis et la sécurité n’est pas un domaine négociable. Car à défaut de ne pas avoir de grandes performances, au moins, il n’y aura pas de blessés. Tous les athlètes connaissent les limites de leur corps et savent que les blessures sont possibles. » Alors le hors stade dans l’histoire ? Et bien, à première vue, il n’entre pas en ligne de compte dans les discussions, même si tous les paramètres de jeu sont étroitement et longuement vérifiés. Et puis, à vrai dire, le sujet – même s’il reste très fédérateur entre les différents et différentes perchistes mondiaux – laisse place à l’expression de vents, sinon contraires, quelque peu discordants. C’est le cas notamment de la Grecque Ekateríni Stefanídi qui émit quelques réserves sur l’exportation de la discipline hors des cadres traditionnels: « Je pense qu’il soit très bien de donner la possibilité d’ouvrir le saut à la perche à un public (moins averti) mais je viens d’une famille d’athlètes – mon père et ma mère appartenaient à l’équipe nationale – et cela m’a appris que le stade offre des émotions uniques », aiguillonnait-elle alors en conférence de presse ce mercredi matin à l’Hôtel Mövenpick d’Ouchy. « Le public y est très proche, c’est bien, mais il n’y a pas vraiment de règles qui permettent d’établir la qualité nécessaire pour que le saut soit véritablement intéressant. Il peut y avoir des difficultés à rebondir sur ces pistes et le risque de se blesser avec. » Voilà donc la championne du monde 2017 émettre les réserves que nombreux réfutent catégoriquement.
« Ce sont des ambiances différentes; il faut tenir compte de la foule dans les stades alors qu’en dehors, l’équilibre change complètement. Mais dans tous les cas, il ne faut pas nécessairement regarder la piste et seuls les résultats comptent véritablement »
Jennifer Suhr, recordwoman du monde du saut à la perche
Il n’est même pas question de décalage générationnel puisque la championne du monde grecque tient les 28 ans et que nombre de perchistes plus expérimentés se laissent surprendre par la beauté de l’action du tout terrain. Renaud Lavillenie (31 ans) en premier: « J’espère que l’on aura l’occasion de le refaire prochainement, c’est fantastique », avouait-il alors au terme de la compétition à Ouchy. Suivent également Sam Kendricks (25 ans) chez les hommes mais aussi Jennifer Suhr (36 ans), championne olympique 2012 et Sandi Morris (25 ans). « Ce sont des ambiances différentes; il faut tenir compte de la foule dans les stades alors qu’en dehors, l’équilibre change complètement. C’est pour cela que l’on parle aussi de “Freestyle results” dans ces conditions. Mais dans tous les cas, il ne faut pas nécessairement regarder la piste et seuls les résultats comptent véritablement », lâchait alors la recordwoman du monde (5,03 mètres) ce mercredi matin. « Les éléments sont changeants bien évidemment – confirme à son tour Sandi Morris avant de continuer – Mais je pense que l’on peut ressentir le plaisir où que l’on soit, dans un stade ou dans la rue. Ce n’est pas à nous de décider si les résultats hors stade peuvent être classés dans la même catégorie que les autres. »
Des amis avant d’être des concurrents
« Depuis que je suis entré sur le circuit, j’ai essayé d’être ami avec tout le monde et cela m’a pris un certain temps avant d’y parvenir parce que tout le monde était plus âgé et tenaient plus d’expérience que moi. Quand j’ai commencé, à 21 ans, Pawel et Renaud avaient déjà 26 ans et étaient déjà dans leur pleine carrière. » Les souvenirs des débuts de Sam Kendricks sur le circuit professionnel a trait du parfait récit de l’athlétisme mondial. Car si les athlètes, entre eux, toutes disciplines confondues, apparaissent très proches, cela est d’autant plus marqué chez les perchistes. « Nous faisons une discipline où peut régner une certaine peur. Chacun est obligé de se livrer à une certaine prise de risque. L’on ne peut pas se faire de mauvais coups », expliquait alors le perchiste de Clermont-Ferrand, attablé au point presse d’avant-meeting de Paris. « Les liens se créent automatiquement avec Sam [Kendricks] et Armand [Duplantis]. L’on s’entend tous très bien. » Cela est d’autant plus évident que les entraînements ne sont jamais solitaires. Il arrive par ailleurs que Renaud partage le sautoir avec quelques amis de compétition, comme à Montreuil et Clermont-Ferrand où il a invité les deux jeunes prometteurs de la disciplines, l’Américain et le Suédois justement. Cela n’est pas anodin dans la mesure où, au-delà de l’amitié et le respect réciproque, l’expérience de la perche passe par le partage et l’émulation, parfois. L’arrivée dernièrement du talent prodige de 18 ans Armand Duplantis a justement marqué le petit monde: « Je pense être son plus grand fan, je le suis maintenant depuis dix ans », expliquait également en capitale française Sam Kendricks.
« Il y a deux mois, le jeune Romain Gavillon (classe 1998) a rejoint le groupe d’entraînement et nous permet de ne pas être seuls à l’entraînement. Mais je sais que d’ici Berlin, je vais à nouveau devoir me contenter de séances individuelles. Dans l’absolu, cela ne change pas beaucoup dans la qualité de travail »
Renaud Lavillenie, champion du monde indoor du saut à la perche
Mais au-delà du partage inter-circuit, tous les athlètes ne manquent pas de partager les expériences au sein de leur propre équipe nationale. Il n’était, il n’y de cela pas si longtemps, pas incroyable de voir Renaud Lavillenie s’entraîner avec des compagnons de cordée, en France. Ces dernières années, il a surtout partagé la piste avec Stanley Joseph, mais aussi Kévin Ménaldo depuis quelques mois. Mais voilà, ces temps, ils sont forfaits tous les deux pour les Européens de Berlin (7 au 12 août), le premier blessé à une cheville au pont d’Arcole, le second souffrant de fatigue psychologique. C’est ce qui a mené, donc, Renaud à mener nombre de séances individuelles depuis ce début de saison. « On en rigole ensemble car cela fait plusieurs fois que l’on arrive jamais vraiment à s’entraîner ensemble. Quand j’étais blessé, Stan était tout seul et quand j’allais bien, il ne pouvait pas s’entraîner pour d’autres petits problèmes. Ce qui fait que l’année dernière, nous avons passé les trois quart de la saison à nous entraîner seuls. Puis, cette année, Kévin est arrivé et l’on accueillait sa venue avec plaisir. Sauf que voilà, plus l’on a avancé et pire cela a été », rigole alors le perchiste tricolore, alors confié à des journalistes parisiens. « Néanmoins, il y a deux mois, le jeune Romain Gavillon (classe 1998) a rejoint le groupe d’entraînement et nous permet de ne pas être seuls à l’entraînement. Mais je sais que d’ici Berlin, je vais à nouveau devoir me contenter de séances individuelles. Dans l’absolu, cela ne change pas beaucoup dans la qualité de travail, cela ne change pas les objectifs, cela ne change pas grand chose dans la mise en place des séances. Il y a simplement moins de partage et parfois l’on ressent le besoin de boost pour aller plus loin. Seul le côté affectif est véritablement touché; avec Stan on est assez proches, cela fait depuis 2013 que l’on s’entraîne ensemble et c’est bien la première fois qu’il est vraiment blessé pour plusieurs semaines. » Puis, il rappelle, le regard porté immanquablement sur le prochain grand championnat futur: « Le fait est que le jour du championnat, seules les performances personnelles compteront. »
Renaud se “rassure” avec 5,90m sur les bords du lac Léman
Il aura eu le temps de le rappeler, à juste titre. Renaud Lavillenie choisit scrupuleusement ses meetings, ses apparitions sur le circuit mondial et ne se livre pas facilement non plus à l’inconnu. Mais il y a les rendez-vous qui lui sont incontournables. Paris, Lausanne et Monaco, dans l’agenda de la Ligue de Diamant font justement partie de ceux-ci et il ne s’en cache nullement. Mais l’affect ne lui tient pas aussi grande rigueur non plus, le plus important étant pour lui d’assurer sa bonne préparation en vue du grand championnat futur, à savoir les Européens de Berlin cet été. Et pour cela, l’étude du calendrier apparaît fondamental. « Je saute généralement moins que les autres mais je reste dans une moyenne de 20 à 25 concours par an, avec quelques concours qui comptent parfois pour du beurre. En revanche, ce que j’ai essayé de faire cette année, était de cibler plus minutieusement les compétitions pour lesquelles je voulais m’aligner et de faire le choix de certaines impasses où les conditions ne sont pas réputées pour être bonnes. Autant rester travailler chez soi et se projeter dans des conditions idylliques, chose que l’on a plus ou moins réussi à Montreuil [ndlr, 5,86 mètres le 19 juin dernier] », expliquait-il alors avant d’ajouter vouloir encore concourir pour les grands titres internationaux. « J’envisage encore les grands titres; j’ai été champion du monde il y a trois mois, ce n’est pas pour m’arrêter ici. Sinon, à quoi bon concourir. Il y a toujours l’ambition et la motivation pour aller chercher des médailles. Je sens que je peux encore aller chercher les 6 mètres et cette année, cela reste dans mes cordes. Il me suffit de donner de mon maximum pour que cela soit rendu possible », avouait-il alors à Paris. Et sa capacité à aller franchir à nouveau le seuil des 6 mètres ne fait l’ombre d’un doute. À Lausanne, le Tricolore a littéralement survolé l’épreuve sur les bords du lac Léman et ses trois tentatives manquée à six mètres témoignent encore de la marge de progression restante en vue des prochaines échéances continentales. « Je suis plutôt régulier autour de 5,90m, c’est la quatrième fois de l’été que je les réussis. J’aimerais toutefois bien réussir à sauter les 6 mètres, ça fait trois fois que je les manque de pas grand chose, sur des compétitions différentes. Je sais que j’en ai le potentiel. Je sais aussi une chose pourtant, que pour faire les 6m j’ai moins de marge que pour les 5,90m car il faut véritablement avoir des conditions optimales », expliquait-il alors au terme du concours à Ouchy avant de préciser: « Dans l’optique d’être en or à Berlin, il vaut mieux savoir sauter 5,90m régulièrement que 6m à une seule occasion unique et peiner ensuite. Je pense donc être sur la bonne voie. »
« La semaine dernière à Paris, j’ai eu un bon coup de moue. Mais aujourd’hui, je vois que ce n’était pas un problème dans la préparation mais juste un petit coup de moue qui arrive de temps en temps. Je sais que pour Berlin, il n’y a pas de raison pour que je ne sois pas prêt »
Renaud Lavillenie, recordman du monde du saut à la perche
Si le Meeting de Paris, il y a quelques jours revêtait des sensations particulièrement intenses pour le Français, quand bien n’est-il pas Parisien, il a émis quelques inquiétudes au terme d’un concours à Charléty dont il avait terminé avec une hauteur de (seulement) 5,84m, échouant trois fois à la barre des 5,90m. « La semaine dernière à Paris, j’ai eu un bon coup de moue. Mais aujourd’hui, je vois que ce n’était pas un problème dans la préparation mais juste un petit coup de moue qui arrive de temps en temps. Je sais que pour Berlin, il n’y a pas de raison pour que je ne sois pas prêt. D’autant plus, qu’avant, j’ai un titre de champion de France à aller chercher ce week-end [ndlr, 6 et 7 juillet à Albi]. Tant que la santé va bien, tout va pouvoir suivre plus ou moins bien », assurait-il alors ce mercredi à Lausanne. Sam Kendricks a également connu une passe moins bonne cette semaine sur les bords du lac. L’Américain n’a sauté que 5,77 mètres avant d’échouer au pallier suivant; signe que la perche n’est jamais tenue de valeurs exactes. « Au saut à la perche, l’important n’est pas de gagner tout le temps – assurait également le natif d’Oxford dans le Mississippi en capitale parisienne la semaine passée – J’essaye de faire le mieux possible à chacune de mes compétitions, mais je n’ai jamais prétendu être le meilleur. » Une chose que Renaud connaît parfaitement, avouant toujours avoir un peu plus de mal au mois de juin, avant de livrer son meilleur au retour du mois de juillet. Et d’ailleurs, où se positionne-t-il par rapport aux athlètes d’outre-Atlantique, alors que Sam Kendricks et le Brésilien Thiago Braz (qui n’a jamais su trouver ses marques sur la piste d’Ouchy, renonçant au dernier moment d’y participer) connaissent, cette année, une saison sans championnat majeur, sinon la Coupe intercontinentale à Ostrava en septembre prochain ? « Braz depuis les Jeux [ndlr, il avait décroché l’or aux dépens du Français aux JO de Rio en 2016], on ne sait pas trop ce qu’il fait. Quant à Sam, il est en place. Il a fait 5,85m [il y a deux semaines] à Des Moines. C’est vrai qu’ils ont des objectifs différents mais les meetings de la Diamond League restent des plateaux à ambition. Dans l’absolu, de plus, je ne m’occupe pas beaucoup de leurs résultats cette année car mon objectif reste fixé sur les Européens. La concurrence à la perche n’a jamais été abondamment extra-européenne. Depuis dix ans que je m’aligne, j’ai toujours vu des Européens sur le podium et ils ont toujours été des concurrents redoutables. Pas besoin de regarder les Américains pour élever le niveau sur la discipline », nous avait-il répondu alors à Paris la semaine dernière, le regard rassurant et rassuré. Aussi car le perchiste français sait qu’il est seul entraîneur à bord; ses erreurs, il sait les gommer, les travailler, les annihiler. Il doit ajuster sa vitesse sur la piste, lui qui a trop souvent à Ouchy, précipité sa course, notamment à la barre des 5,77m qu’il a échoué deux fois avant de la passer avec autorité. « Mieux vaut avoir peu de vitesse sur piste et accélérer qu’être trop rapide et devoir ralentir avant le saut », expliquait-il alors avant de conclure: « Je préfère, dans ce cas, me concentrer sur des réglages. Il y a vraiment du bon à prendre ici à Lausanne, d’autant plus que l’on était les mêmes à Paris et nous nous sommes retrouvés ici à Ouchy. Donc tout le monde sautait dans les même conditions, avec les mêmes réglages. » Et la tournée collective n’est pas terminée, puisque les mêmes perchistes se retrouveront dans une épreuve de perche intense à Rabat la semaine prochaine.