À Kiev, le Real Madrid entre dans l’histoire

KIEV, UKRAINE - MAY 26: Sergio Ramos of Real Madrid lifts The UEFA Champions League trophy following their side's victory in the UEFA Champions League Final between Real Madrid and Liverpool at NSC Olimpiyskiy Stadium on May 26, 2018 in Kiev, Ukraine. (Photo by Alexander Hassenstein - UEFA/UEFA via Getty Images)

Du NSC Olimpiyskyi Stadium, Kiev (Ukraine)

Parti des barrages, en dominant Hoffenheim (6-3 sur les deux rencontres) en août dernier, Liverpool aura tout de même rejoint la finale de la Champions League. Mais le parcours des Reds a été semé d’embûches tout du long de sa rencontre, d’abord par la sortie sur blessure de Mohamed Salah (à l’épaule), puis par un jour vraisemblablement indigne du portier allemand Loris Karius. En revanche, pour le Real Madrid, plus que l’histoire, c’est la légende, tapée en plusieurs étapes, que le club a écrite ce samedi soir à Kiev, en capitale ukrainienne. Un treizième sacre, un troisième d’affilée pour Zinédine Zidane (du jamais vu) et un cinquième pour Cristiano Ronaldo qui cumule ainsi autant de Ligue des Champions que Liverpool ou le FC Barcelone dans leur histoire. Des statistiques ahurissantes; la fin du récit de Kyiv 2018.

« Une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne », tel était le leitmotiv partagé par les joueurs des deux équipes avant le coup d’envoi. Cependant, dans les tribunes, il était primordial pour les supporters de transmettre un extra de motivation à leurs joueurs. Toucher la fibre émotionnelle des protagonistes semblait donc être la chose la plus importante. Ce fut chose faite avec les divers chants écharpe à la main des deux équipes. Les chants des supporters  étaient des plus animés, des plus enjoués que le match se serait volontiers soldé par un mérite récompensé à Liverpool au vue de leur entrain inégalable. Après avoir entonné avec fierté et émotion le mythique You’ll Never Walk Alone et le Cómo No Te Voy a Querer durant quelques minutes, les deux équipes étaient fin prêtes pour livrer l’ultime bataille de l’UEFA Champions League. Une rencontre à rythmes fracassés qui s’en sera remis au premier éclair de génie. C’est finalement Gareth Bale qui aura parachevé l’œuvre d’une carrière. En effet, le Gallois s’est montré décisif dès son entrée en jeu en inscrivant deux buts cruciaux (64e et 83e) et confondant ainsi le coaching de Zinédine Zidane en une véritable maîtrise de technicien.

« La blessure de Salah est évidemment un moment fort de la rencontre ; c’est une blessure sérieuse et cela a causé un choc certain aux garçons »

Jürgen Klopp, entraîneur de Liverpool FC

En réalité, le Real – s’il a plutôt bien entamé le match, de manière organisée et sérieuse – se sera laissé malmener quelques minutes. Liverpool s’est montré surprenant et ce dès le début. Les hommes de Jürgen Klopp se sont montrés dangereux en contre-attaques et chaque espace laissé par les Madrilènes étaient exploités à la perfection par le trio anglais : Salah-Firmino-Mané. Poussés par des supporters Reds époustouflants, il en aura fallu de peu pour que les Anglais ne prennent – de fait – l’avantage très tôt dans la partie. Une frappe puissante d’Alexander-Arnold a contraint le portier Kaylor Navas à sortir le grand jeu pour sauver son équipe. Mais à la demie heure, c’est un véritable coup du sort qui est venu frapper de plein fouet Liverpool : Mohamed Salah chute sur un contraste avec Sergio Ramos et se blesse à l’épaule; en pleurs, il comprit que son match était fini. Dès cet instant, fébrile et privé de leur élément phare, les Anglais ont commencé à subir les offensives madrilènes. Mais plus que le manque à gagner en attaque, ce fut avant tout une battue psychologique: « La blessure de Salah est évidemment un moment fort de la rencontre ; c’est une blessure sérieuse, très sérieuse et cela a causé un choc certain aux garçons. Le Real est définitivement entré dans un bon momentum à partir de là. C’est le point noir pour tout le monde; pour moi, pour l’équipe, pour le club et pour l’Égypte. Cela est dramatique mais c’est la réalité du sport et cela arrive parfois de manière brutale. J’espère simplement qu’il pourra participer à la Coupe du Monde », affirmait Jürgen Klopp en conférence de presse. La sortie contrainte et forcée de l’attaquant égyptien aura marqué, donc, un véritable tournant, puisque dès lors, le Real Madrid ne lèvera plus le pied de l’accélérateur, celui qui le conduira, quelqu’une heure plus tard, à sa decimotercera [13e] Ligue des Champions.

KIEV, UKRAINE – MAY 26: Real Madrid coach Zinedine Zidane speaks to the media during the press conference of the UEFA Champions League final between Real Madrid and Liverpool on May 26, 2018 in Kiev, Ukraine. (Photo by Joosep Martinson – UEFA/UEFA via Getty Images)

Écrire l’Histoire et entrer définitivement dans la Légende

« C’est ce qu’on cherchait, on savait que ce serait difficile mais on méritait de gagner. Les finales sont toujours compliquées, mais on le méritait – insistait CR7 au terme de la rencontre – On est entré dans l’Histoire. » Le sentiment de Cristiano Ronaldo était unanime et largement partagé; le Real est parvenu, à la faveur d’une mainmise technique et tactique de Zinédine Zidane, à dessiner l’impensable, à détourer le spectre d’un exploit inégalable, à la portée de très peu, de personne. « Ce soir, c’est un moment historique. Le faire trois fois d’affilée, c’est un truc de fou. C’est un truc de fou de vivre ça. Même si on y croit, on y pense et on travaille fort. On sait qu’on peut aller loin avec une telle équipe, mais gagner trois fois d’affilée c’est un truc de fou. Maintenant il faut profiter du moment. Il ne faut penser à rien du tout. Pensez à ce que nous avons fait tous ensemble. C’est fantastique ». Zidane, fidèle à son image et entouré de ses fils – dont Enzo –, est resté humble, souriant tout autant que posé.

« Un espace s’est ouvert, j’ai eu le temps de m’en apercevoir et j’ai voulu surprendre le gardien »

Gareth Bale, attaquant du Real Madrid CF

Si Benzema est parvenu à ouvrir le score en deuxième mi-temps (51e) sur une offrande vraisemblablement grotesque de Loris Karius, c’est véritablement l’entrée de Gareth Bale à l’heure de jeu qui aura permis au Real de prendre la mesure pleine de Liverpool. Les choix furent réfléchis; la sortie de Isco, à son aise sur le terrain, fut à l’image d’une prise de risque intelligente. Ceci même puisqu’il aura fallu seulement trois minutes à l’attaquant gallois pour inscrire un but, d’un somptueux retourné acrobatique. Imparable par sa puissance, imparable par le geste, imparable car celui-ci, outre son excellente minutie, fut d’une classe déconcertante. « Je me souviens seulement d’une chose; je sais que c’est Marcelo qui centre sur la gauche et je pense que mon envol a été spontané. La connexion a été parfaite entre mes coéquipiers et moi, à cet instant précis où je parviens à tirer au but. C’est extraordinaire de pouvoir marquer un but comme celui-ci sur la plus grande scène européenne qui existe. C’est un rêve de gosse en réalité. » Puis, sur sa seconde réussite, un tir lointain des 25 mètres, tout aussi surprenante par sa trajectoire : « Un espace s’est ouvert, j’ai eu le temps de m’en apercevoir et j’ai voulu surprendre le gardien. Malheureusement pour lui, c’est une erreur qui lui coûte le but mais je dois dire que chaque réalisation est bonne à prendre. » Fautif sur l’ouverture du score, puis coupable d’annihiler les derniers espoirs d’une finale marquée par la désolation, Loris Karius vit mal sa défaite. Mais, à toute épreuve, l’élan de solidarité reste intact: « Ses erreurs sont évidentes et n’échappent à personne, ni vous – journalistes et supporters – ni moi – lâche Jürgen Klopp en conférence de presse avant de continuer – Mais il ne faut pas l’accabler. Les erreurs de chacun ne devraient jamais faire l’histoire; ce sont les belles performances qui restent, pas les mauvaises. Le temps effacera ses erreurs. Ce soir n’était tout simplement pas son soir. »

KIEV, UKRAINE – MAY 26: Marcelo of Real Madrid lifts The UEFA Champions League trophy following their side’s victory in the UEFA Champions League Final between Real Madrid and Liverpool at NSC Olimpiyskiy Stadium on May 26, 2018 in Kiev, Ukraine. (Photo by Stuart Franklin – UEFA/UEFA via Getty Images)

Liverpool, déchu mais pas déçu

Liverpool a tout donné sur le terrain et fait le maximum pour l’emporter. Ils n’ont rien à envier à leur rival du jour, comme l’a laissé entrevoir Jürgen Klopp en conférence de presse : « Au-delà de cela, nous avons joué un beau football, nous avons gardé le ballon, créé des occasions de but, maintenu notre position sur le terrain. Mais personne, avec le temps, rappellera la manière avec laquelle nous avons perdu, le temps dira seulement que nous avons perdu, 3-1. Mais cela ne doit pas changer le fait que nous pouvions remporter ce match, nous étions présents et nous avons donné de la voix dans cette finale. » La présence de Liverpool en finale fut une ode à la détermination, pourtant, alors que les Reds débutèrent, en août dernier, la compétition européenne avant tous les autres. C’est la puissance et la foi qui aura marqué la saison de Liverpool en Europe; ce samedi soir à Kiev, il aura manqué sans doute un peu de mental, d’expérience peut-être et certainement de chance: « Dans le football, il faut aussi avoir de la chance, encore plus lors d’une finale. Nous avons eu une mauvaise chance, ce soir; il faut simplement l’accepter, cela fait partie du jeu. Le retour ne sera pas le meilleur voyage de notre vie mais nous n’avons rien à regretter dans notre préparation. » Le défenseur des Reds Andy Robertson consent à son tour: «Le vestiaire est dévasté, mais on doit se tourner vers l’été. Jusqu’à la blessure de Salah, je pense qu’on était la meilleure équipe. Gareth Bale a signé un but magnifique, mais cela n’a pas été notre soirée ce soir. »

« On a aussi de la chance d’avoir des monstres qui mettent des buts incroyables dans les moments clés. Il faut savourer. C’est extraordinaire »

Raphaël Varane, défenseur du Real Madrid CF

Treizième. Trois consécutive. Une histoire; une légende. Le Real Madrid est sans doute devenu un club au palmarès éternel, sans compter qu’une nouvelle couronne est en jeu le 15 août prochain à Tallinn (Estonie), celle de la Supercoupe d’Europe à jouer face à l’Atlético de Madrid. Puis, dans un futur (moins proche), c’est l’expectative qui guidera à nouveau le Real Madrid dans sa prochaine saison. En effet, la finale de l’UEFA Champions League aura lieu à Madrid au Stade Wanda Metropolitano en mai 2019; puisse perdurer avec une cinquième finale en six ans ? Une chose est sûre, c’est que les Madrilènes ont faim – toujours plus – et ne s’arrêteront pas en si bon chemin, comme l’annonça Raphaël Varane: « C’est magnifique, il n’y a plus de mots. C’est incroyable, c’est énorme ce que nous avons fait. Il y a un groupe exceptionnel. On a aussi de la chance d’avoir des monstres qui mettent des buts incroyables dans les moments clés. C’est extraordinaire. Nous allons maintenant savourer et ensuite nous irons penser à la suivante, [la prochaine Champions League] ». À ce rythme, pouvons-nous déjà entrevoir la decimocuarta ? Cela semble être un objectif bien plus qu’atteignable même si pour y arriver, le Real devra certainement redoubler d’effort et trouver une nouvelle source d’inspiration. Encore et toujours.