Du Qatar Sports Club Stadium, Doha (Qatar)
Kariem Hussein a débuté sa saison avec une dernière place aux 400 mètres haies du meeting de Doha. Le Suisse, sous la férule de Laurent Meuwly, a conclu son tour de piste en 51”40, ce qui constitue un résultat décevant, même pour une première apparition sur les pistes cette saison. Au Qatar, l’ancien champion d’Europe 2014 n’a donc pas tenu les espoirs qu’il s’était peut-être fixé. Mais à sa décharge, l’hiver fut mouvementé; blessé, le Zürichois n’a pas pu s’entraîner comme il l’aurait voulu à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le reste de la saison devra lui permettre de retrouver forme en vue des championnats d’Europe de Berlin en août prochain.
Kariem Hussein repart de loin. Sorti d’une année 2017 harassante et d’une blessure qui l’a tenu éloigné des pistes tout l’hiver, le Suisse a donné de son mieux pour sa rentrée à Doha. En 51”40 secondes, il s’est classé dernier d’une course remportée par le Qatarien Abderrahman Samba (47”57). « Je me sentais bien sur les premières haies mais je m’attendais que la course démarre aussi rapidement. Samba avait déjà couru les 400 mètres [haies] en 47”90. C’est un grand adversaire. Et puis, il est chez lui et les conditions sont bonnes », lâchait alors en zone mixte Hussein avant de continuer: « La course était difficile. J’ai bien commencé, puis j’ai senti quelques tiraillements dans mes ischio-jambiers [ndlr, là où il était blessé cet hiver]. Cela ne me dérangeait pas particulièrement, mais j’ai trop pensé à cela sur les derniers 200 mètres. Mais ça va; je suis sain, le chrono est mauvais mais c’est comme ça. » On aurait pu attendre le jeune homme dépité ou déçu, il a plutôt pris le tout de bon cœur. Aussi, ce premier rendez-vous de la saison s’annonce toujours comme le plus incertain. Et d’autant plus pour Hussein qui a terminé la précédente saison sur des résultats qu’il juge mitigés.
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Le champion d’Europe 2014 avait remporté quelques courses en 2017; notamment à Athletissima en juillet. Puis, il vécut tumultueusement les championnats du monde à Londres; il a manqué de cran et de vitesse en séries avant d’être repêché au temps in extremis pour les demi-finales. Son temps de réaction était alors lent (21 centièmes) et la performance peu satisfaisante (50”12) mais cela a suffi, d’autant plus qu’il a réussi, par la suite, à décrocher une première finale au niveau planétaire en négociant une très bonne demi-finale (49”13). En somme – dirons-nous – Kariem Hussein est le huitième coureur mondial. Il manque juste de régularité dans ses courses. Capable du meilleur – une troisième place lors de la finale de la Diamond League 2017 au Weltklasse de Zürich, où il avait même égalé son meilleur temps personnel (en 48”45) – comme du moins bon, le Suisse (29 ans) doit, cette saison, retrouver un rythme de croisière et taper dans une meilleure régularité. C’est justement ce qu’il recherche aux côtés de Laurent Meuwly (aussi entraîneur de Lea Sprunger et Sarah Atcho), dont il s’est attaché les services en octobre dernier et avec qui il a peaufiné sa technique entre Lausanne, Zürich ou encore Johannesburg en Afrique du Sud, où il est parti s’entraîner – autant que possible – cet hiver. Plus d’impulsion, plus de créativité peut-être, c’est ce qu’il ne trouvait plus avec Flavio Zberg. Le changement, jugé nécessaire, devra désormais lui permettre de nourrir ses ambitions, jusqu’à (peut-être) battre cette saison le record de Suisse toujours en main de Marcel Schelbert qui l’établit à 48”13 en 1999. Dans ses bons jours, l’étudiant en médecine doit pouvoir l’atteindre. À Doha – à quelques égards – sa course peut avoir esquissé les prémisses d’un futur très bon résultat mais le travail devra se poursuivre. Le temps de réaction était par ailleurs long ce vendredi soir (23 centièmes, ce qui est nettement insuffisant). Mais le travail paiera.
« La saison 2017 a été bien mais je n’ai pas bien terminé. J’ai pris du temps à me remettre au travail. J’étais blessé tout l’hiver, la préparation a été courte mais c’est comme ça »
Kariem Hussein, spécialiste suisse des 400 mètres haies
Toujours est-il que les championnats d’Europe de Berlin (du 7 au 12 août) concentreront certainement une grande attention pour le Suisse qui visera également les championnats du monde de Doha en 2019 et les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Mais pour l’instant, c’est le retour aux entraînements qui occupera Hussein ces prochaines semaines. « La saison 2017 a été bien mais je n’ai pas bien terminé. J’ai pris du temps à me remettre au travail. J’étais blessé tout l’hiver, la préparation a été courte mais c’est comme ça », aiguillonne-t-il alors avant de s’exprimer plus succinctement sur ses objectifs pour la saison: « J’aimerais bien battre le record de Suisse, c’est un but concret mais on verra pas à pas comment y arriver. Maintenant, j’ai deux jours de repos. Puis, je m’alignerai à Langenthal [ndlr, durant l’Ascension] et on verra bien ensuite. Je reprendrais mon camp d’entraînement. »
Le Qatarien Abderrahman Samba améliore “sa” meilleure performance mondiale de l’année
Pour les nationaux, le meeting de Doha constitue plus qu’une ouverture de saison. C’est pour beaucoup d’entre eux, le rendez-vous à ne pas manquer et à ne surtout pas échouer. Aussi, nombre de Qatariens disputent avant l’ouverture de la Diamond League début mai, un premier meeting de “mise en chauffe”. C’est ce qu’a notamment fait le finaliste des mondiaux de Londres (7e), Abderrahman Samba, en s’alignant et remportant la course de Potchefstroom en Afrique du Sud, où il s’est entraîné jusqu’à la semaine dernière. Mais c’est bien au Qatar Sports Club qu’il lui fallait livrer la meilleure performance possible. Et c’est ce qu’il a fait, rien de moins. Avec un chrono parmi les plus rapides au monde, nettement au-dessous des 48 secondes, le local de l’étape (classe 1995) a enthousiasmé l’entier stade de Doha au départ de ses 400 mètres haies. Aussi, en 47”57, c’est ni plus ni moins que le record de la Diamond League de Bershawn Jackson (établi à Lausanne en 2015) que le Qatarien a pulvérisé devant sa famille. Il souhaitait courir au plus près de son temps de Potchefstroom, il aura donc fait nettement mieux. « J’ai défendu mon titre, j’en suis plus qu’heureux. Tant pour moi que pour le Qatar. Gagner à domicile retient un quelque chose de fantastique. C’est un extraordinaire sentiment de bonheur, d’autant plus que j’ai non seulement battu mon propre record, non seulement celui de ma nation, mais carrément celui de la Diamond League. J’ai vraiment le sentiment que cette saison va être exceptionnelle pour moi », a-t-il longuement exprimé en arabe au terme de sa course folle.
« Tout ce que j’ai envie désormais, c’est de courir toujours plus vite. Je le dois aussi au public qui a été très accueillant et grandement porteur »
Abderrahman Samba, spécialiste qatarien des 400 mètres haies
Tout ce que j’ai envie désormais, c’est de courir toujours plus vite. Je le dois aussi au public qui a été très accueillant et grandement porteur », concluait-il alors en zone mixte. Dans le viseur, se profilera certainement le record de Kevin Young (46”78) qui résiste depuis août 1992. Pour ses adversaires du jour, en revanche, les ambitions semblent se tenir un cran plus bas. En effet, pour le Floridien Bershaw Jackson, cette course à Doha est avant tout le signe qu’à son âge (34 ans), il peut encore s’aligner dans les meilleures compétitions planétaires. À juste titre, puisque l’Américain a terminé la course deuxième, à plus d’une seconde et demie du Qatarien (49”08); c’est dire la rapidité de la course dans laquelle Hussein et ses adversaires se sont engagés. « Ce n’est que ma deuxième course de l’année et avec ce résultat, je vais pouvoir continuer à faire ce que j’ai toujours fait, m’amuser. J’ai (bientôt) 35 ans et c’est déjà magnifique de pouvoir être encore capable de disputer ce meeting à Doha », lâchait-il alors en zone mixte avant de continuer: « Ce sera ma dernière saison sur le circuit et j’ai envie de la terminer sur une note positive. » L’Étasunien part, en tous cas, en bonne voie.
« Je suis encore tout nouveau dans cette discipline et c’est ma première participation au meeting de Doha »
Kyron McMaster, spécialiste des Îles Vierges Britanniques du 400 mètres haies
À compléter le podium, se classe le jeune talent des Îles Vierges Britanniques Kyron McMaster qui, au-delà d’avoir vécu une fin d’année 2017 – avec le titre de champion de la Diamond League (sans avoir même gagné un seul meeting, hors la finale de Zürich) – et un début d’année 2018 – avec le titre aux Jeux du Commonwealth de Gold Coast en Australie en avril – s’est à nouveau distingué parmi les meilleurs au meeting de Doha, pour l’ouverture de sa saison de Diamond League: « Je suis encore tout frais dans cette discipline et c’est ma première participation au meeting de Doha », explique-t-il alors au terme de sa course. Il est vrai que l’Antillais (21 ans) est un talent tout frais, du moins respectivement aux autres concurrents. Car si le Qatarien Samba (22 ans) partage – presque – le même âge, les autres coureurs (Yasmani Copello, Kerron Clement, Bershawn Jackson et autres Hussein) approchent – ou dépassent même – la trentaine d’années. Ainsi, la discipline semble avoir déjà passé le flambeau à une jeunesse talentueuse et rapide. De plus, si l’on rajoute le Norvégien de 22 ans Karsten Warholm, médaille d’or surprise de Londres – absent à Doha – le constat du renouvellement apparaît plein. Pour Kyron, n’en reste, ne force pas ses ambitions et s’affirme prudent en zone mixte: « Je me focalise simplement sur le reste de la saison avec l’objectif de simplement bien faire », conclut-il.
Le Qatarien Abdalleleh Haroun finit deuxième du 400 mètres flat
Sur les 400 mètres, il manquait bien évidemment le recordman du monde, Wayde van Niekerk, blessé gravement au genou en octobre dernier (retour prévu pour le mois de juillet/août). Mais ce n’est pas pour autant que la course n’était pas rapide. En effet, le Bahaméen de 22 ans Steven Gardiner aura été réactif sur le tour de piste, conclu en 43”87, à 84 centièmes du record du monde du Sud-Africain. Le chrono est devenu, dans les chiffres, le nouveau temps de référence cette année sur la distance. Il a aussi établi le nouveau record national pour les Bahamas, au-delà du record du meeting. En somme, Gardiner est le jeune homme en forme de ce début d’année. Et derrière, l’on retrouve une autre figure connue à Doha, Abdalleleh Haroun, médaillé de bronze à Londres.
« Mon plus grand rival sur la piste est Isaac Makwala, qui manque de compétitivité cette saison »
Abdalleleh Haroun, spécialiste qatarien du 400 mètres
Le Qatarien a également été très rapide; en 44”50 secondes, il a devancé le patriarche Isaac Makwala (44”92), plus lent que ce que lui-même et ses concurrents attendaient: « Je suis fier de ce que j’ai accompli ce soir – lâchait alors Haroun en zone mixte avant de continuer sur ses ambitions – Mais avant de viser le record du monde, je veux me concentrer surtout pour les prochains championnats du monde 2019 ici à Doha. Mon plus grand rival, c’est le World Lead [ndlr, Isaac Makwala], qui manque de compétitivité cette saison. Néanmoins, j’espère qu’il récupèrera rapidement sa vitesse parce que sa présence sur la piste me motive encore plus. » Quant au Botswanais – qui est tout de même le champion en titre en Diamond League – le constat était tout aussi tranché: « Sortant fraîchement de ma victoire aux Jeux des Commonwealth, je ne peux pas être satisfait de mon chrono. Cela dit, mon but est d’établir le record de la Diamond League [ndlr, les 43”62 de Van Niekerk, établis à Lausanne le 6 juillet dernier] et certainement que je trouverai la force de m’améliorer tout au long de l’année. »