Mujinga Kambundji face aux meilleures sur les 100 mètres du meeting de Doha

Mujinga Kambundji sera de la partie pour le premier meeting de la Ligue de Diamant au Qatar. Photo: © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino
De Doha (Qatar)

Ce vendredi 4 mai, la Diamond League reprend au Qatar. Le premier meeting, qui aura lieu à Doha, marquera le premier grand rendez-vous de l’athlétisme international en plein air où les frais champions du monde 2017 de Londres et de Birmingham 2018 (en indoor) engageront les premières joutes saisonnières. Parmi les meilleurs – Kendra Harrison sur 100 mètres haies, Sandra Perkovic au lancer du disque, Christian Taylor et Pablo Pichardo au triple saut, Katerina Stefanidi à la perche ou encore Caster Semenya aux 1500 mètres –, figureront aussi deux Suisses; Mujinga Kambundji (100 mètres) et Kariem Hussein (400 mètres haies) se livreront aux premiers grands tests de la saison à trois mois des championnats d’Europe de Berlin (7 au 12 août 2018). La Bernoise, elle, apparaît requinquée.

Ils ont connu des fortunes diverses en 2017, mais cela n’empêche qu’ils soient à bloc à l’heure de débuter leur saison outdoor au Qatar Sports Club de Doha. Mujinga Kambudji et Kariem Hussein seront les deux Suisses engagés lors du premier meeting de la Ligue de Diamant qui débutera vendredi 4 mai au Qatar. Sur le plan sportif, les deux ne repartent pas du même pied; sur le plan personnel non plus à vrai dire. La première a connu une fin de saison 2017 et un début d’année 2018 satisfaisants sur les pistes, alors que le second s’est montré plus réservé lors des grands événements, malgré un coup d’éclat de prestige au Letzigrund le 24 août dernier où il a terminé sur le podium de la hiérarchie de la Ligue de Diamant grâce à sa troisième place obtenue – derrière Kyron McMaster et le champion du monde Karsten Warholm – lors des finales du 400 mètres haies de Zürich. Pourtant, loin des pistes, tout les réunit. Ils ont décidé d’opérer, tous les deux, un changement technique en se séparant de leur entraîneur respectif fin 2017 et couvent ensemble une ambition particulière: améliorer leur meilleure performance personnelle. Les deux y étaient déjà parvenues l’année passée. Kambundji avait par ailleurs même tapé dans une impressionnante régularité où elle avait égalé à deux reprises son record de Suisse sur la distance reine (11”07) – à Bellinzona mi-juillet, puis lors des séries aux championnats du monde de Londres en août –, avant d’établir la meilleure performance mondiale de l’année sur 60 mètres – en battant par la même occasion son record de Suisse (7”03) – à Macolin lors des championnats suisses indoor du 17 février dernier. Contactée par téléphone mardi matin avant de s’envoler pour le Qatar, Mujinga est apparue détendue à quelques jours de s’aligner dans la péninsule arabique. Pourtant, elle ne sait pas à quoi s’attendre…

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Un renouveau personnel pour Mujinga Kambundji

La Bernoise a sans doute revu en profondeur ses bases pour l’année 2018. Travailleuse (très) assidue, elle repousse à chaque fois plus ses ambitions sur les pistes. Déjà établie comme la meilleure sprinteuse de Suisse, Mujinga Kambundji rêve – confiait-elle depuis son camp d’entraînement aux États-Unis, courant avril – passer en dessous de la barre symbolique des 11 secondes. Une possibilité qu’elle juge crédible au vue de ses récentes sorties: « Avec le temps que j’ai réalisé sur 60 mètres, si on calcule, on voit que je n’en suis pas très loin. Mais il est vrai que rien n’est mathématique et tout ne se passe pas toujours comme on veut. Mais dans les bons jours, je dois pouvoir m’en approcher », nous affirme-t-elle par téléphone mardi matin. Et pour cela, elle suit en ce moment une voie bien tracée. En 2017, elle est restée dans ses eaux – entre son record de Suisse, 11”07 et 11”11, lors de sa demi-finales aux championnats du monde à Londres –, mais la jeune femme souhaite aller outre, au-delà même de ses attentes. « Il faut dire que je n’avais pas bien commencé ma saison l’année dernière, même s’il y a eu du mieux ensuite. Je n’étais pas complètement déçue au vue de certains bons chronos mais il y avait vraiment la place pour faire encore mieux. » Il faut dire qu’elle aime se surprendre; en août dernier, il lui aurait par ailleurs suffi de courir à la hauteur de son record de Suisse pour devenir la première sprinteuse suisse à disputer une finale mondiale. Elle ne se l’espérait pas nécessairement au début de la compétition mais son élimination pour peu en demi-finales lui auront certainement fait regretter ce léger manque d’ambition; un paradoxe pour une jeune femme qui en regorge. Elle décide alors, quelques mois plus tard, de prendre son destin à son compte. Elle remercie son entraîneur, l’Allemand Valerij Bauer après quatre ans de collaboration et se rapproche – quelques mois seulement – de Henk Kraaijenhof, une figure non inconnue dans le sport du haut niveau (il a notamment travaillé avec la tenniswoman Mary Pierce). « Je n’ai pas livré tout mon potentiel [à Londres], j’espère pouvoir me donner une nouvelle impulsion [pour 2018]. Je veux réussir un pas supplémentaire », confiait-elle alors courant novembre 2017. On lui reconnaît néanmoins alors une prise de risque de chambouler autant son entourage au crépuscule de la saison, d’autant plus qu’elle ne mettra que deux mois avant de terminer sa collaboration avec l’entraîneur hollandais. En effet, en janvier 2018, à deux mois des championnats du monde indoor, elle devient son propre coach, soutenue (toutefois) par l’entraîneur de ses débuts, le Bernois Jacques Cordey. Une belle opportunité de se retrouver ? « Je n’avais pas trop le choix, je ne pouvais pas faire autrement », sourit-elle avant de poursuivre: « Ce n’était pas nécessairement ce que je voulais. C’est toujours très difficile au début parce que l’on doit se réanalyser et s’organiser seul. Ça a néanmoins été plus facile d’opérer à ce changement pendant la saison en salle et pendant les compétitions, parce qu’il y a moins de séances d’entraînement. Mais dès lors que cela a été fait, tout s’est bien passé pour moi. » Une situation en effet gagnante puisque l’athlète de 25 ans finira sur le podium aux 60m des mondiaux de Birmingham, derrière les pointures ivoiriennes Murielle Ahouré et Marie-Josée Ta Lou et – surtout – devant la Jamaïcaine Elaine Thompson et Dafne Schippers, qui lui opposeront par ailleurs – toutes les quatre – à nouveau une concurrence redoutable sur la piste de Doha.

« Avec les chronos réalisés la saison passée, il me semble réaliste de viser une finale pour les championnats d’Europe »

Mujinga Kambundji, sprinteuse suisse

Au juste, en parlant de Schippers, il n’est pas impossible que la Néerlandaise lui partage quelqu’un en commun dans le futur: son entraîneur. Plus précisément, c’est bien aux côtés du coach américain Rana Reider (47 ans) que Mujinga Kambundji est partie s’entraîner tout ce mois d’avril en Floride. « Ce printemps, je n’ai pas voulu faire tout toute seule non plus, pas parce que ce n’était pas bien, mais parce que je ressentais la volonté d’être accompagnée », explique-t-elle. Reider fait partie des hommes forts de l’athlétisme mondial en menant notamment à la réussite le triple champion olympique et du monde Christian Taylor (triple-saut) ou encore la triple championne olympique du saut en longueur (et aussi spécialiste du sprint) Tianna Bartoletta. Au programme, des séances intenses physiquement et mentalement pour une nécessaire remise en forme. « La préparation a été courte; il n’y a pas beaucoup de battement entre la saison en salle et en outdoor. J’ai appris plein de nouvelles choses en Floride, j’ai aussi corrigé beaucoup de points qui devaient être corrigés. Et puis je me sens bien, pas comme au début des précédentes années, on ne peut pas comparer », nous confie Mujinga avant de décoller pour le Qatar ce mardi matin. Sans doute réussira-t-elle enfin à se surpasser en 2018 pour se rapprocher – peut-être – du record du monde du 100 mètres toujours détenu depuis 1988 par l’Américaine Florence Griffith-Joyner (10”49) ? Pas tout-à-fait hors de portée pour la jeune femme qui vise néanmoins un objectif plus concret pour l’été aux championnats d’Europe de Berlin: « Avec les chronos réalisés la saison passée, il me semble réaliste de viser une finale pour les championnats d’Europe, même si je ne peux pas en dire trop maintenant. Ce que je sais, c’est que je vise pleinement un résultat très convaincant à Berlin. »

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À Doha pour se tester

Elle ne se le cache nullement; son périple au Qatar sera sans pression. Dans l’avion, Mujinga Kambundji sera calme, impatiente de l’événement, mais sans nourrir le moindre objectif particulier. En réalité, elle aura l’occasion de livrer sa meilleure prestation au sein d’un plateau de coureuses très relevé, et ainsi mesurer l’écart qui sied entre sa condition et ses attentes physiques. « Ces dernières années, j’avais préféré commencer avec des compétitions plus petites [ndlr, à Langenthal, Zoffingen ou Bellinzona]. Mais sans doute que de commencer très fort, avec une concurrence aussi relevée peut être une bonne chose; je ne le sais pas en réalité. Je me réjouis mais je m’attends à être dans le dur à Doha. On verra bien. » Il faut dire que les entries annoncées se révèlent de grand calibre; à 19h26 (heure locale) au Qatar Sports Club, à l’heure des 100 mètres, Mujinga sera opposée aux meilleures filles de la discipline, parmi lesquelles apparaît aussi la médaillée d’argent 2016 aux championnats d’Afrique Carina Horn, auteure du meilleur chrono de sa carrière le 17 mars dernier à Pretoria (11”03) – établissant par la même occasion le record national d’Afrique du Sud. La nigériane Blessing Okagbare et la Jamaïcaine Jura Levy complèteront le tableau.

« Je n’ai pas d’objectif précis pour Doha, aussi parce que je n’ai jamais commencé une saison si tôt »

Mujinga Kambundji, sprinteuse suisse

« Je n’ai pas d’objectif précis pour Doha, aussi parce que je n’ai jamais commencé une saison si tôt – lâche-t-elle encore souriante avant de conclure – Je me sens bien mais je ne peux pas encore me jauger sur une piste; je ne sais pas encore si je suis loin ou proche de mon meilleur niveau. À Doha, ce sera un bon test pour voir jusqu’à quel point je peux vraiment espérer pour le reste de la saison. » Parmi les 7 coureuses qui affronteront Mujinga à Doha, toutes ont déjà couru un chrono plus bas que son record de Suisse, dont 5 sont déjà descendues un jour sous la barre symbolique des 11 secondes. Une belle affaire pour la Suissesse qui s’alignera également sur les 200 mètres quelques jours plus tard au meeting de Shanghai.