Les Pays-Bas ont fait fort belle figure au Stade de Genève ce lundi soir face aux Champions d’Europe en titre. Grâce à des buts parfaitement construits et menés par des latéraux inspirés, les hommes du nouvel entraîneur Ronald Koeman ont renversé avec la manière le Portugal 3-0 lors de leur deuxième match amical du mois de mars. Depay (12e), Babel (33e) et Van Dijk (45e) ont marqué, saluant le courage et la détermination d’une nouvelle génération prometteuse pour le football batave. De plus, ils étaient pas moins de six à couver leur première sélection ce lundi soir.
En quelques sortes, ce lundi soir au Stade de Genève, il y eut l’opposition des contraires. Les antagonistes au sens le plus pur. D’une part, une équipe en pleine reconstruction – moralement éprouvée – et qui mise sur la jeunesse pour relancer ses affaires; de l’autre, une équipe championne d’Europe en titre, qualification pour la Coupe du Monde en poche, émotionnellement résistante et ce, malgré un problème générationnel fort. Un problème générationnel – relatif – avant tout pour la défense du Portugal. Alors que les Pays-Bas alignaient (et aligneront encore) une équipe au sang neuf, Fernando Santos a été, en quelque sorte, contraint de recycler avec le personnel à disposition (avec Rolando, 32 ans et Luís Neto, 29 ans), alors même que Pepe (35 ans) était blessé. Le seul choix qui s’annonçait intéressant, à l’énoncé de la convocation de la semaine dernière – Rúben Dias, tout jeune défenseur de 20 ans – a aussitôt coulé, le rempart du Benfica Lisbonne se blessant quelques heures avant de rejoindre son équipe nationale pour sa toute première convocation. Dans le panorama actuel, il était pourtant l’un des seuls à venir en aide – ambassadeur de la nouvelle génération – à une défense qui a complètement pris l’eau face aux Pays-Bas. Stigmate du réchauffé, le défenseur de l’Olympique de Marseille, Rolando – signant un retour improbable avec la sélection portugaise après quatre ans d’absence (21 sélections aujourd’hui) – n’aura été que trop passif pour faire belle figure ce lundi soir à Genève; alors qu’on lui accorde ses chances en vue du voyage en Russie, force était alors de constater que le binôme qu’il a formé avec José Fonte (autre vétéran de 34 ans) n’aura absolument pas convaincu. Pourtant, à décharge, les choix furent restreints pour le sélectionneur lusitanien; Ruben Semedo (hors des radars), Ruben Vezo (à Valence) et Edgar Ié (à Lille) ne donnant aucune grande garantie pour la Selecção. Alors, au repêchage, c’est bien le natif cap-verdien qui a été primé, ses 40 apparitions avec les Phocéens – entre la Ligue 1 et l’Europa League – faisant bonne foi de son aptitude à défendre sa place au sein du sénescent groupe du Portugal qui aura au moins réussi le plus important cet hiver: détrôner la Suisse de la tête du groupe B des European Qualifiers.
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Pourtant, la pénurie ne touche pas tous les secteurs. Si la défense centrale devient un lieu d’un constant casse-tête, les ailes, elles, semblent bénéficier d’une abondance toute particulière. Et ici aussi, l’absence de Fabio Coentrão a sans doute ouvert quelques portes; à commencer par le latéral de Naples Mário Rui. Resté sur le banc au Letzigrund vendredi soir face à l’Égypte (2-1), le latéral aura finalement été titularisé ce lundi soir à Genève. Avec un succès timide mais certain. Aussi, il est à parier que le latéral gauche de 26 ans peut loyalement jouer de ses chances pour figurer dans le groupe qui s’envolera en Russie en juin prochain. Une place qui restera, certainement, chère à prendre. À l’opposé, sur le flanc droit, le choix peut aussi apparaître plus fourni, à la lumière de la belle performance livrée par João Cancelo une heure durant face aux Pays-Bas, avant son expulsion (62e). Plus haut, également, les prétendants sont légions; avec les jeunes talents, allant de Gonçalo Guedes (21 ans) à João Mário (25), en passant par les talentueux Gelson Martins (22) et le demi de Manchester City Bernardo Silva (23). Quant à Quaresma (à 34 ans), l’on ne sait plus vraiment s’il est véritablement bon de lui donner une dernière chance de s’imposer dans la doublure de Cristiano Ronaldo.
Inexistant, le Portugal n’a pas prétendu longtemps à la victoire
« Ce soir, nous ne pouvons pas dire que nous avons fait un très grand match. Les Pays-Bas ont été meilleurs en produisant un très bon football. En cela, leur équipe a mérité la victoire », concédait alors le sélectionneur lusitanien Fernando Santos en conférence de presse d’après-match à la Praille. « J’ai une pleine confiance en les potentiels de cette équipe », a-t-il néanmoins aussitôt ajouté. Dans les faits, les Portugais – qui avaient les faveurs d’un public somme toute présent (20’006 spectateurs) – n’auront commencé à jouer que véritablement en seconde période. En première, quand bien même la titularisation de Cristiano Ronaldo eut donné un semblant d’impulsion, le bilan à l’adresse du portier du FC Barcelone Jasper Cillessen restait proche du néant. Aussi, les espaces furent passablement restreints; entre les lignes, il y eut trop peu de place, le onze hollandais faisant bloc dans l’axe. La voie devait alors passer par les couloirs. Et là aussi, rien ne fut aussi simple. Sur la gauche, les montées de Mário Rui ne furent que très rarement abouties, et quand bien même, le marquage au corps des défenseurs adverses fut des plus serrés. Sur la droite, il y eut du mieux; la course de Cancelo, servant le plus souvent en profondeur Quaresma, aura permis d’allumer quelques braises. Évidemment, pas assez pour conclure académiquement auprès du but. Derrière, pourtant, ce sont les Oranje à avoir fait preuve d’une patience toute nouvelle. En contre, le rythme du jeu s’accélérait volontiers et venait concrétiser l’intelligence tactique des Pays-Bas. D’abord au quart d’heure – un peu avant – lorsque Donny Van de Beek trouve, d’un centre en retrait, Memphis Depay isolé au point de pénalty pour l’ouverture du score (12e). Un premier signe de la fébrilité défensive portugaise qui donnera par ailleurs suite à un véritable festival lors de la demi-heure suivante. Quelques minutes plus tard, c’était Georginio Wijnaldum qui avait champ libre, dans l’aire de réparation adverse, pour adresser une frappe qui passait alors de peu au-dessus de la barre transversale (21e). Montant en puissance alors, les Oranje ont profité d’un long moment de trouble adverse pour accélérer la cadence. À la demi-heure, c’est l’attaquant du Besiktas Ryan Babel qui pourra ajuster avec une sérénité inhabituelle une tête qui viendra tromper Anthony Lopes (33e, 2-0). La même que Depay manquera quelques instants plus tard (43e), alors que cette fois-ci le portier de l’Olympique Lyonnais, natif de Givors, s’était parfaitement interposé. Pourtant le 3-0 arrivera bien avant la pause; sur un bon service côté droit de Matthijs De Ligt, le défenseur central et nouveau capitaine Virgil Van Dijk (depuis la retraite internationale d’Arjen Robben) ajustera une frappe des 14 mètres qui viendra se projeter contre le petit filet gauche de Lopes (45e+2). Aussi voilà qu’en une demi-heure, la jeune formation des Pays-Bas avait parfaitement pris la mesure des champions d’Europe en titre.
« L’équipe a produit un travail extraordinaire tout au long de la semaine, elle est restée compacte sur le terrain et, en conséquence, nous avons pu rendre la vie compliquée au Portugal »
Ronald Koeman, sélectionneur des Pays-Bas
Le Portugal aura réagi, en sursaut, par quelques vains soubresauts. Ronaldo, sur un coup-franc de Quaresma (48e) – proche de celui qu’il a inscrit face à l’Égypte à Zürich –, le même Quaresma de tête (50e), André Silva (74e) ou encore José Fonte (89e et 90e) encore du chef, auront tous eu l’occasion d’égaliser, sans compter pourtant les grandes sorties du portier Cillessen, auteur d’un match complet. L’expulsion pour double avertissement de Cancelo (62e) n’aura en rien arrangé les affaires des Lusitaniens, bien trop passifs pour espérer renverser la tendance, univoque et unilatérale. « Nous avons débuté un nouveau projet qui comprend notamment un nouveau système de jeu – lâchait alors en conférence de presse le sélectionneur Ronald Koeman – L’équipe a produit un travail extraordinaire tout au long de la semaine, elle est restée compacte sur le terrain et, en conséquence, nous avons pu rendre la vie compliquée au Portugal. Ils ont essayé de s’infiltrer entre les lignes, nous les avons empêchés. L’équipe était de plus très à l’aise et sur le terrain, elle était très sûre d’elle. »
Jeunes et expérimentés ou quand la Hollande repart à zéro
D’une part, il fallait faire preuve de courage. Il fallait, en ce sens, savoir tourner la page des vieilles belles émotions. L’équipe de la finale du Mondial 2010 en Afrique du Sud, perdue face à l’Espagne (1-0), n’est définitivement plus. Les derniers survivants Wesley Sneijder et Arjen Robben ont rejoint notamment Robin Van Persie dans la tribune des retraités. Koeman, aussi clair que possible, veut sans doute ne pas perdre de temps; dès septembre 2018, en Nations League où ils affronteront notamment l’Allemagne et la France, c’est bien avec une équipe rajeunie (et non moins expérimentée) que le nouveau sélectionneur des Pays-Bas veut croiser le fer. « C’est par la base que tout doit évoluer. La disette ne peut plus continuer », avait-il par ailleurs tancé dimanche en conférence de presse à la Praille, alors que son équipe ne figurera pas à la Coupe du Monde 2018 et alors – encore – qu’elle n’avait pas pris part non plus à l’Euro 2016 en France. Le football batave devait donc avant tout renouer avec les résultats – chose faite – et produire un football plus plaisant qu’en Angleterre il y a quelques jours (défaite 1-0, 59e Lingard) – mission accomplie également. Aussi, grâce à une performance telle que présentée ce lundi face au Portugal, la formation des Pays-Bas pourra sans aucun doute travailler dans la sérénité, le calme.
« Nous avons essayé du neuf ce soir, tactiquement parlant. Nous avons joué avec un système que nous n’avions pas l’habitude de composer. »
Memphis Depay, avant-centre des Pays-Bas et de l’Olympique Lyonnais
Une remise à niveau complète qui passe également par le renouvellement de l’équipe. C’est pourquoi Ronald Koeman n’a pas hésité à appeler de nouvelles têtes au sein de son équipe nationale. C’est le cas du gardien Marco Bizot, Guus Til, Wout Weghorst (AZ Alkmaar), Steven Bergwijn (PSV Eindhoven) et Hans Hateboer (Atalanta) qui ont tous connu leur première convocation avec la sélection Oranje. Sans oublier le fils de Patrick Kluivert, Justin (talent brut de l’Ajax Amsterdam). Et bonne nouvelle, ils ont tous (à l’exception du portier Bizot) connu leur première sélection à leur première convocation. Si le milieu de terrain de l’Atalanta a été titularisé en Angleterre vendredi dernier, tout comme Weghorst qui y était entré en cours de jeu, les trois autres ont pu goûter à l’ambiance de l’équipe nationale ce lundi soir face au Portugal. Ils sont tous entrés en cours de jeu, avec la détermination et la volonté qui les caractérise. « Je suis très content d’avoir pu jouer avec mon équipe nationale », lâche Hateboer en zone mixte à Genève avant de continuer: « Il était très important de réagir aujourd’hui après avoir perdu lors de notre premier match amical. Il nous faut retrouver des bases – et de bonnes bases – avec un nouvel entraîneur, de nombreux nouveaux joueurs. Nous avons revu en profondeur notre formation ; nous avons joué très défensif, plus que d’habitude. La Hollande a toujours joué en 4-3-3 et là, nous avons osé nous retrancher plus en défense [ndlr, en 5-3-2]. Et cela a payé, c’est un signe éminemment positif pour le futur de cette sélection. » Une logique que partage son coéquipier et buteur Memphis Depay: « Il était important de gagner, évidemment. Mais le plus important ce soir était de jouer mieux, de jouer sûr. Nous avons montré que nous avons amélioré notre jeu et dans l’évolution d’une équipe nationale, comme les Pays-Bas, c’est une étape primordiale de son évolution. Nous avons essayé du neuf ce soir, tactiquement parlant. Nous avons joué avec un système que nous n’avions pas l’habitude de composer. Nous avons démontré que nous pouvons trouver des automatismes et produire du jeu aussi dans un système qui se veut être plus défensif. Maintenant, nous pouvons savoir quoi nous attendre de chacun d’entre nous. Indubitablement, les victoires passent par là, ce soir en est une première preuve. »
« Qui dit nouvelle équipe, dit nouvelles idées, nouvelles tactiques et aussi, nouvelles ambitions »
Hans Hateboer, latéral droit des Pays-Bas et de l’Atalanta
« Qui dit nouvelle équipe, dit nouvelles idées, nouvelles tactiques et aussi, nouvelles ambitions », complète encore Hateboer. Mais cela n’empêche non plus que la formation batave ne se base sur des valeurs (particulièrement) sûres en défense. Titulaires indiscutables en Premier League et en Serie, Virgil Van Dijk (Liverpool) et Stefan De Vrij (Lazio, puis bientôt Inter de Milan) matérialisent à eux seuls les premières certitudes du nouveau sélectionneur à l’arrière. « Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur trois grands défenseurs très expérimentés comme Virgil Van Dijk, Stefan De Vrij et aussi avec De Ligt [ndlr, Ajax Amsterdam] qui est un très grand talent pour ses seuls 18 ans. C’est avec cette nouvelle génération talentueuse que nous pourrons aller de l’avant », aiguillonne encore le milieu de l’Atalanta. Et si l’on ajoute Kluivert, 18 ans, 7 buts en 28 matches pour sa première saison avec l’équipe première de l’Ajax, où il y totalise toutefois plus de 50 matches professionnels ? « C’est un de nos très grands espoirs qui personnifie, comme beaucoup de ses coéquipiers de son âge, l’avenir des Pays-Bas », continue-t-il. Un avenir tracé avec l’équipe nationale, mais certainement aussi en club; c’est bien José Mourinho qui souhaitait le recruter à Manchester United à l’intersaison. Une offre que le jeune homme a refusée il y a de cela quelques semaines, pensant qu’il lui valait mieux ne pas brûler les étapes trop vite. Talentueux tout autant que mature, voilà une perle rare… à l’image de Kylian Mbappé.
Memphis Depay, le Ronaldo hollandais ?
Auteur du premier but à Genève (12e), l’avant-centre de l’OL a tenu sur lui les regards de bon nombre d’observateurs. Une journaliste italienne, en zone mixte, lui a même plaisanté une comparaison avec Cristiano Ronaldo. Memphis, le Cristiano batave ? « Si je dis oui, je m’engage à subir des quolibets [rires] », plaisante-t-il alors. Pourtant, « je pense sincèrement que je peux jouer un rôle important au sein de notre équipe nationale. C’est pourtant à moi de grandir en parallèle à mon équipe et c’est elle qui doit véritablement définir lesquelles sont mes réelles qualités, celles qui pourront apporter un plus à la Hollande. Mais je ne dois évidemment pas être le seul. Chacun a des qualités à faire valoir et nous devons ensemble permettre à ce que chacune d’entre elles renforce notre sélection. Nous devrons êre forts ensemble. Personnellement, je me concentre sur mes performances pour y parvenir », complètera-t-il. Le joueur de Lyon a même écarté plusieurs rumeurs le concernant également. Parmi celles-ci, l’approche de l’AC Milan. « Je ne sais pas si Milan est intéressé mais ce n’est pas l’heure de penser à cela. Je veux encore penser à mon équipe nationale, à la deuxième moitié de saison à jouer et tout viendra en son temps. Je suis quelqu’un qui aime bien vivre au jour le jour », conclue-t-il alors. Quelques selfies avec des supporters et son sourire s’estompe dans la nuit genevoise.
Les faits de match: Portugal v Pays-Bas, 0-3 (0-3) Composition de l'Équipe du Portugal: Anthony Lopes, João Cancelo /62e, Mário Rui, Rolando (45e Luís Neto), José Fonte, André Gomes (45e André Silva), Manuel Fernandes, Adrien Silva (45e Gonçalo Guedes), Bruno Fernandes (77e João Mário), Ricardo Quaresma (55e Gelson Martins) et Cristiano Ronaldo © (68e João Moutinho). Entraîneur: Fernando Santos. Composition de l'Équipe des Pays-Bas: Jasper Cillessen, Kenny Tete (77e Guus Til), Matthijs De Ligt (83e Timothy Fosu-Mensah), Virgil Van Dijk ©, Nathan Aké, Tonny Vilhena (67e Stefan De Vrij), Georginio Wijnaldum (67e Marten De Roon), Donny Van de Beek, Davy Pröpper, Ryan Babel (83e Steven Bergwijn) et Memphis Depay (77e Justin Kluivert). Entraîneur: Ronald Koeman. Buts: 12e Depay (0-1); 33e Babel (0-2); 45e Van Dijk (0-3). Notes: Stade de Genève. 20'006 spectateurs. 62e Expulsion de Cancelo (double avertissement). Portugal sans Nani, Pepe, Fabio Coentrão, William Carvalho et Rúben Dias. Pays-Bas sans Wesley Schneijder, Arjen Robben (retraite internationale) et Daley Blind. Arbitre: Ruddy Buquet (FRA).