Face à Schaffhouse, Neuchâtel Xamax accroît encore son avance

En symbole d'un dimanche porteur de chance, Arbenit Xhemajli a dominé ses adversaires sur sa ligne défensive. Schaffhouse n'aura eu que trop peu de place pour inquiéter Laurent Walthert. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino

Amputé de ses cadres en défense, Neuchâtel Xamax FCS aura attendu un coup de main malhabile d’Asllan Demhasaj pour trouver le but de la victoire (sur pénalty) face au FC Schaffhouse (1-0). Sans histoire, la partie s’est pourtant terminée sur une double expulsion pour Liridon Mulaj et Imran Bunjaku. « Il se sont pris par le maillot mais il n’y a rien eu de grave. Ils ne vont pas prendre quatre matches pour ça », relativise Michel Decastel qui ne voit pas son dimanche terni par l’affaire. La victoire seule comptera.

Non pas que la rencontre fut enthousiasmante mais dans le camp rouge et noir, l’on se contentera volontiers d’une victoire au goût sensationnellement plus prononcé de promotion. Dans un match bloqué par la double ligne de quatre déployée par Boris Smiljanic (en 4-4-1-1), Neuchâtel Xamax aura joué de sa légendaire patience. Tantôt par le panache et les coups de génie, tantôt par la passivité forcée, les hommes de Michel Decastel auront à chaque fois su – tout au long de la saison – trouver la juste formule pour venir à bout de leurs adversaires. Aussi, ce dimanche après-midi, c’est aussi dans la métamorphose que les Xamaxiens ont dû activement s’illustrer; sous une défense intégralement recomposée – en l’absence de Janick Kamber, Mustafa Sejmenovic, blessés et Igor Djuric sous le coup d’une suspension –, Michel Decastel n’a pas seulement fait preuve de témérité mais aussi d’inventivité face à Schaffhouse. Sous une formule ultra offensive – faute de mieux dans l’opposition – c’est l’ensemble de la classe qui a dû se réinventer, à l’image de Mike Gomes en défense centrale ou encore de Max Veloso en ailier droit. « J’ai essayé de le mettre sur l’aile en pensant que Schaffhouse arriverait à cinq en défense. Ça n’a pas été le cas mais, somme toute, cela n’a pas si mal fonctionné », consent l’entraîneur xamaxien. « Le coach m’en avait parlé en fin de semaine. Il m’est déjà arrivé de jouer à ce poste, à droite, à Sion. Cela ne m’a pas vraiment dérangé, de toute façon, je reste toujours à disposition du coach », commente à son tour le principal concerné avant de poursuivre: « Il m’a pourtant fallu me contenir, j’avais tendance à peut-être revenir trop tôt dans l’axe en première mi-temps. J’aurais bien aimé avoir plus de vitesse pour m’imposer sur les côtés mais il me faudra encore plus de temps pour m’adapter. [Michel Decastel] sait que, dans l’ensemble, j’arrive assez bien à m’adapter suivant les situations. » Une qualité que ne lui enlève, en effet, pas son entraîneur. « Max est un joueur intelligent, il comprend le jeu. Comme à son habitude, il n’a pas commis de fautes bêtes. »

Max Veloso est dans les faits l’une des quelques individualités avec Raphaël Nuzzolo et Geoffrey Tréand à avoir l’expérience (même partielle) de la Super League. Il a un contrat qui court jusqu’en 2019, avec option pour une année supplémentaire. Il y a alors de fortes chances que l’ancien joueur de Sion et Lausanne voie à nouveau le jour dans l’élite la saison prochaine. En cas de promotion de Xamax (cela va sans dire).

Mais alors pourquoi ne pas avoir titularisé, en pareilles circonstances, des joueurs comme Marco Delley ou Samir Ramizi ? « Marco et Samir doivent se secouer – tranche Michel Decastel avant de poursuivre – Ils doivent vraiment me prouver plus à l’entraînement. » Au moins, cela aura eu le mérite d’être clair, quand bien même la disette pour Marco Delley ne fut pas tout-à-fait totale. Entré à vingt minutes du terme pour Thibault Corbaz (70e) – Max Veloso y retrouva alors son poste au milieu de terrain – l’ancien du Servette FC et du FC Lausanne-Sport aura tout de même trouvé sa voie dans les méandres de la défense, à ceci près que la route vers le but du jeune Mateo Matic fut loin d’être sans entrave. C’est sur deux seules grandes occasions que le portier prêté par Grasshopper a pu véritablement se distinguer; d’abord sur une conclusion de Charles-André Doudin (57e) – bien servi par Max Veloso –, puis sur tête rapprochée de Raphaël Nuzzolo (75e), cette fois sur un centre millimétré de Delley. À noter encore, que l’avant-centre (maintenant régulier) de Neuchâtel Xamax a buté sur la transversale au tout début de la seconde mi-temps (47e), prouvant bien que l’équipe rouge et noire a joué sans tabou sur son synthétique de la Maladière.

« Wie eine Flasche leer ! »

Les 20 ans de Trapattoni sur le banc du Bayern Münich auront au moins eu le mérite de fournir aux amateurs de football et du mauvais allemand une formule toute préparée. 1998 déjà que le technicien italien lançait dans une conférence de presse mémorable – au-delà d’un tordant « Ich habe fertig ! » – une expression issue de son propre (franc) parler. « Wie eine Flasche leer » (comme une bouteille vide) critiquait alors le manque de combattivité de certains de ses joueurs en Bundesliga face à Schalke 04. Et pourquoi pas réinventer – en hommage, et en signe pitrerie aussi – le mythe ce soir ? Recroquevillé, tassé, massé en deux lignes de quatre, le FC Schaffhouse aura incarné admirablement ladite « Flasche leer » de Sir Trapattoni face au leader de Challenge League. Admirable pour le commentaire, beaucoup moins pour le supporter du dimanche qui souhaitait assister à un spectacle de football. Il aura fallu attendre un “coup de main” du défenseur central Asllan Demhasaj pour que la partie se décante au travers d’un pénalty “limite” de Raphaël Nuzzolo peu après la demi-heure de jeu (34e). Bien peu pour animer la foule, les 3’119 spectateurs ayant fait le déplacement à la Maladière. Bien peu pour du football de quasi-élite. « Nous avons joué par petites passes, j’ai trouvé ça plaisant [rires] », plaisante pour son compte en fin de match Michel Decastel. Et puis, quoi ? la victoire compte et le 20e but de Nuzzolo cette saison tout autant. À ce titre – 14 comme le numéro de maillot du seul buteur de la journée – ce dimanche après-midi marquait la quatorzième partie sans défaite de rang pour les Rouges et Noirs, un exploit mis au contraste des résultats en dent de scie du dauphin, le Servette FC (encore accroché 1-1 au Stade de Genève face au FC Wohlen). De quoi insister sur le mérite et le tranchant manifeste de l’actuel leader du championnat.

« Je crois qu’on mérite pleinement la victoire. On a eu de grandes occasions et il ne faut pas oublier qu’il s’agit de Schaffhouse en face, une équipe qui sait parfaitement jouer au ballon »

Michel Decastel, entraîneur de Neuchâtel Xamax FCS

Le mérite passe aussi par la patience certaine dont a fait preuve toute l’équipe xamaxienne sur la pelouse. Face à la double muraille, les hommes de Michel Decastel ont eu l’attitude qu’il convenait d’adopter en pareilles circonstances. « Aujourd’hui, ils ne se sont pas livrés. Il a fallu faire tourner le ballon et essayer de trouver l’avantage par quelconque moyen », lâchait alors l’entraîneur neuchâtelois avant de continuer: « Je crois qu’on mérite pleinement la victoire. On a eu de grandes occasions et il ne faut pas oublier qu’il s’agit de Schaffhouse en face, une équipe qui sait parfaitement jouer au ballon. » « En première mi-temps, ils nous ont pas mal embêtés – consentait à son tour Max Veloso avant de poursuivre – Mais plus le match avançait, plus nous avons réussi à le prendre en main. Il est toujours difficile de jouer avec une équipe qui ne veut pas – et n’a pas envie de – jouer. » Au-delà d’une parfaite léthargie, c’est la volonté proche du néant qui a irrité les esprits. Une forme d’anti-jeu habilement et intelligemment contournée par le onze xamaxien. Le onze, car l’essentiel du travail est naturellement revenu aux titulaires, comptant parmi ceux-ci les inexpérimentés Linus Obexer et Arbenit Xhemajli, ce dernier fêtant sa première titularisation avec Xamax… lors de la 24e journée de Challenge League. Tôt ou tard ? l’heure arrive toujours pour les plus assidus.

Une défense remaniée, la jeunesse (encore) à l’honneur

Les joies d’un turnover forcé, en pensée constante envers Mustafa Sejmenovic (qui reprend tout doucement l’activité après quinze jours d’arrêt total d’activité) et de Janick Kamber qui devrait encore manquer la partie face au FC Wohlen samedi prochain, reviennent forcément à la jeunesse du club qui aura enfin trouvé – après tant d’efforts consentis depuis leur toute première entrée face à Benfica lors de la 53e Uhrencup – un large temps de jeu à leur convenance. Pas inutile de préciser que tant Arbenit Xhemajli (19 ans) que Linus Obexer (20 ans) ont disputé les 90 minutes de la rencontre face au troisième du classement de Challenge League. « Je veux noter la toute première titularisation d’Arbenit Xhemajli », rappelle en début d’interview Raphaël Nuzzolo, sachant trouver, dans l’ensemble d’une morne partie, les plus grands signes d’allégresse et d’encouragement. Nul doute, à bientôt 20 ans, le défenseur central d’origine kosovare aura imprimé, par sa seule présence, l’entière rencontre d’un message porteur de joie et d’espoir. D’abord parce que les circonstances de sa promotion récompensent le travail de longue haleine (parfois même dans l’ombre de ses coéquipiers). Puis, parce que – de manière générale – il a prouvé que la confiance portée à la jeunesse porte toujours, quoi qu’il advienne. Pourtant, dans les premières minutes de la rencontre, c’est une légère crispation qui a d’abord émergé. Rien de plus normal pour le chef d’orchestre Michel Decastel: « Il est normal d’être crispé lorsque l’on joue avec une défense toute nouvelle avec laquelle il est, de plus, difficile de relancer rapidement. Encore une fois, il fallait faire [tout simplement] preuve de patience. » Puis, il poursuit: « Arbenit a fait un très bon match. Il a joué simple comme je lui avais demandé. Il n’a pas pris de risque, il ne s’est pas découvert inutilement. Je suis content qu’il ait pu prendre ses marques sur le terrain aujourd’hui. »

« Nous travaillons très dur chaque jour afin d’être prêt pour le jour venu. Aujourd’hui, c’était le cas »

Arbenit Xhemajli, défenseur central de Neuchâtel Xamax FCS

Arbenit a enfin eu l’occasion de se dévoiler, de se montrer. Le jour arrive parfois trop vite mais pour lui, en revanche, la lumière est arrivée à point nommé. Dévoilé dans le bain un dimanche après-midi, dans une partie “à risque” – à la limite du match piège face aux contre-attaques du FC Schaffhouse –, le jeune kosovare a fait preuve d’une maturité presque indicible. Preuve que le jeune homme était sans doute prêt à faire valoir ses qualités. « Nous travaillons très dur chaque jour afin d’être prêt pour le jour venu. Aujourd’hui, c’était le cas », confie-t-il en zone mixte à la fin du match. « Nous n’avons pas subi de but, rien de mieux pour un défenseur », continue-t-il. Arbenit revient par ailleurs même d’une légère blessure qui l’avait même écarté des terrains quelques jours au début du troisième tour de championnat début février dernier, preuve nouvelle de son indéfectible préparation. « J’ai suivi une préparation très intense, même si je n’ai été blessé que deux ou trois semaines », précise-t-il encore. Signe alors que Decastel peut lui faire confiance ? « Pas qu’à moi ! », rappelle le jeune homme: « Linus a aussi fait un super match. Le coach sait qu’il peut compter sur toute l’équipe, les jeunes avec. »

Arbenit Xhemajli (1,90m) a signé son tout premier contrat professionnel l’été dernier avec Neuchâtel Xamax FCS. Il avait auparavant joué en Promotion League avec les M21 du FC Zürich et a fait plusieurs apparitions en UEFA Youth League. Il a disputé son tout premier match avec Neuchâtel Xamax lors de l’amical face au Sport Lisboa e Benfica le 13 juillet 2017 (défaite 2-0 à Grenchen) avant d’entrer pour les 16 dernières minutes du match face au FC Wohlen à la Maladière le 29 octobre dernier (victoire 4-2). Il avait également disputé les deux matches amicaux de pré-saison contre Thoune et Lausanne. Son contrat court jusqu’à l’été 2018 mais « j’espère rester à Neuchâtel encore la saison prochaine », confiait-t-il alors après la victoire des siens face au FC Schaffhouse.

Arbenit Xhemajli ne fut pourtant pas le seul jeune à avoir foulé le synthétique de la Maladière ce dimanche après-midi. En plus de Linus Obexer et le désormais plus expérimenté Steve Lawson, c’est Liridon Mulaj qui a fait son apparition à dix minutes du terme, remplaçant Geoffrey Tréand à la 79e minute. Une véritable ode à la jeunesse qui gagne, Neuchâtel Xamax a démontré que rien – ni blessure, ni suspension – n’était apte à remettre en question l’objectif final de promotion en Super League. « Ne parlons pas trop vite », rétorque pourtant encore Michel Decastel. « Il nous faut rester attentifs et jouer tous les matches pour les gagner. Il reste encore 36 points en jeu [ndlr, Xamax en a 14 d’avance sur Servette, qui a néanmoins encore un match en retard]. » De même pour Max Veloso qui tient à garder l’église au milieu du village: « Certes, nous avons 14 points d’avance et l’on voit que jouer (même) contre Wohlen n’est pas si facile. Nous n’avons pas à nous poser beaucoup de questions. Nous essayons de ne pas nous projeter, ce serait un beau piège. »

Les faits de match:
Neuchâtel Xamax FCS v FC Schaffhausen, 1-0 (1-0)

Composition de Neuchâtel Xamax FCS:
Laurent Walthert ©, Mike Gomes, Arbenit Xhemajli, Linus Obexer, Steve Lawson, Thibault Corbaz (70e Marco Delley), Pietro Di Nardo, Charles-André Doudin, Geoffrey Tréand (79e Liridon Mulaj), Max Veloso et Raphaël Nuzzolo (88e Gaëtan Karlen). Entraîneur: Michel Decastel.

Composition du FC Schaffhouse:
Mateo Matic, André Gonçalves, Nejc Mevlja, Asllan Demhasaj, Paulinho ©, Imran Bunjaku, Yannick Helbling, Danilo Del Toro (70e Faruk Gül), Luca Tranquilli (79e Karim Barry), Miguel Castroman et Hélios Sessolo. Entraîneur: Boris Smiljanic.

Buts: 34e Nuzzolo (P)(1-0).
Notes: Stade de la Maladière, Neuchâtel. 3'119 spectateurs.
Double expulsion pour Liridon Mulaj et Imran Bunjaku (fin de match).
Neuchâtel Xamax sans Mustafa Sejmenovic, Janick Kamber (blessés), Igor Djuric (suspendu), Loïc Jacot, Elvis Bratanovic et Dilan Qela (non convoqués). Schaffhouse sans Yassin Mikari (blessé), Tunahan Cicek, Arijan Qollaku (suspendus), Filip Vannuca et Sydney Schneider (non convoqués).
Arbitre: Luca Cibelli.