Lausanne dans la tourmente face à Saint-Gall (1-4)

Andi Zeqiri (entré à la 54e minute) n'aura pu éviter la déroute des siens face au FC Saint-Gall. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino

Un voile noir s’abat encore sur la Pontaise. Les hommes de Fabio Celestini ont succombé, une nouvelle fois, sous les coups du FC Saint-Gall (1-4). La défaite, aussi lourde que significative, marque le sceau de la mauvaise santé du club de la capitale olympique depuis la reprise du championnat début février. En manque cruel d’organisation, le LS a quitté la pelouse la tête basse ce samedi soir et entérine encore davantage le risque planant de relégation en Challenge League. L’entraîneur lausannois en est aussi ressorti dépité. Récit.

En réalité, personne ne sait s’il était judicieux de voir le LS trop beau à l’intersaison. Non pas que ce Lausanne-Sport ne soit pas capable de jouer les premiers rôles en Super League, mais à trop espérer, l’on finit pas se brûler. Beaucoup se voyaient déjà assister à une nouvelle saison européenne à la Pontaise, il n’en sera à vrai dire rien. Loin le temps où les hommes de Fabio Celestini renversaient le FC Zürich 5-1 à domicile; la peur s’est installée, de pair avec un pan considérable d’incertitude – marquée aussi par les arrivées de Zidane, Rapp et Fransson dans une équipe qui s’est vraisemblablement fait une raison de ses grandes ambitions au sein du présent championnat. La longue pause hivernale a certainement altéré une très bonne dynamique au sein du groupe lausannois; un déséquilibre a vu le jour, limpide, ambivalent, persistant. « Nous avons accueilli de nouveaux joueurs au sein du club, il nous faut encore trouver les bons automatismes », déclare Francesco Margiotta. « L’on voit bien qu’il nous manque encore ce quelque chose en plus qui nous permettrait de remporter nos matches. » Dans les faits – et à en lire le discours de Fabio Celestini au terme de la rencontre –, la gravité de la situation est plus profonde. « Ce soir, ça fait mal », résume même Alexandre Pasche, auteur du seul but lausannois ce samedi soir. Ce soir, plus particulièrement, est en effet entérinée et dévoilée au grand jour toute la peur contenue dans les esprits des joueurs lausannois. Ceux-ci ne savent sans doute plus gagner, à domicile du moins – nous revoilà partis pour un tour. Ceux-ci n’ont plus la force mentale de s’engager pleinement dans la partie; ils sont lessivés, abattus. « Nous sommes sur une pente glissante. On ne peut pas se contenter d’être à moitié dans les duels, d’être à moitié présents sur le terrain. Techniquement et mentalement, nous n’avons clairement pas été à la hauteur », continue encore le numéro 14 lausannois. « Saint-Gall a vraiment bien géré son match – ajoute Benjamin Kololli – Il faut vraiment que tout le monde se remettre en question. C’est déjà la deuxième fois qu’on se retrouve menés 0-2 à la mi-temps ! [ndlr, la dernière fois, le 11 février dernier à la réception des leaders Young Boys, 1-4] »

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Mis face à sa pauvreté technique, face à l’absence totale d’organisation – les schémas de jeu brouillées par l’imprécision et l’insuffisance –, le LS a compté, dès la sixième minute et l’ouverture au score de Cedric Itten, avec une léthargie flagrante. « Nous n’avons pas le temps de gamberger. Nous devons revenir sur le terrain avec d’autres armes, d’autres valeurs. Comme ça, ce n’est pas acceptable », consent, lucide, Alexandre Pasche. « L’on ne peut pas jouer avec la peur, pas au mois de mars et pas dans notre position », tranchera plus tard pour sa part le chef de l’équipe lausannoise. Nul doute, ce Lausanne-Sport a offert un visage maigre, rongé par le dépit et la désolation, à tel point que Fabio Celestini fut laissé face à son impuissance. Face à ses remises en question personnelles sans doute également. « Quand on prend deux pions dans [la première demi-heure] de match, l’on a plus rien à analyser de celui-ci. Ça devient même difficile de retravailler à l’entraînement après telle performance, puisqu’en définitive, ce soir, il n’y a pas eu de match. J’aimerais bien que l’on puisse revivre un match comme ce fut le cas du moins face à [Grasshopper] la semaine dernière [0-0]. Là, je ne sais pas quoi corriger. » Aussi entamés par le très bon travail de sape de l’ancien Bâlois Itten tout au long de la rencontre au sein de la défense vaudoise, c’est le moral des troupes qui est en berne, sapé.

« C’était Noël pendant trois matches »

Le choix des mots, traduits dans un langage éprouvé, Fabio Celestini extériorise également toute la lassitude contenue dans ses pensées. Une nouvelle fois, le LS a coécrit les bribes d’un scénario presque parfait pour ses adversaires. « Giorgio [Contini, l’entraîneur de Saint-Gall] doit être satisfait… », entame l’entraîneur lausannois en conférence de presse pointant d’un doigt ferme l’ensemble des offrandes concédées par ses joueurs. Elles furent – si tant est que l’on parle de véritables “cadeaux” – nombreuses, sur les quatre réussites saint-galloises. Les deux premiers buts illustrent même la parfaite négligence de l’arrière-garde lausannoise, au travers de laquelle tant Cedric Itten que Nassim Ben Khalifa eurent trouvé l’espace nécessaire pour tromper Castella – qui de la tête (6e), qui d’un subtil coup de talon (33e). Derrière, il aura fallu attendre pour voir les premiers et vains sursauts d’orgueil lausannois. Benjamin Kololli a bien investi les gants du portier Stojanovic – préféré à Daniel Lopar depuis la reprise du championnat en 2018 – à deux reprises (20e et 27e). Le même international kosovare a même failli offrir le point de l’égalisation à Enzo Zidane, dont la tête plongeante est sortie de peu à côté du montant gauche (29e), mais le tout a été très nettement insuffisant pour prétendre au succès. Une nouvelle fois. « Il y a de l’inquiétude à avoir. [Cette année], ça été Noël pendant trois matches », regrette Celestini, en référence aux trois buts concédés à chaque fois dans les toutes premières minutes à Lucerne (1e), à Sion (3e) et contre Saint-Gall (6e donc). « Avant, l’on prenait des buts à la 93e, maintenant – nouveauté ! – on les prend dans les entames de match. On ne doit pas jouer avec la peur au ventre. On ne doit pas compromettre autant nos parties. Je le dis sans vraiment le savoir; mais j’ai l’impression qu’il y a un problème de compétitivité entre nous et les autres équipes. »

« Je ne sais même plus ce que mon équipe est capable de produire après le (non-)match de ce soir »

Fabio Celestini, entraîneur du FC Lausanne-Sport

« Aucune équipe ne peut se permettre de gâcher ses matches de la sorte. C’est déjà le quatrième match que l’on ne peut pas jouer. Après ce soir, je ne sais même plus de quoi est capable mon équipe, je ne sais même plus ce qu’elle sait faire. » Certes, dans le tout, il y aussi la belle trouvaille d’Alexandre Pasche, auteur du 3-1 à vingt minutes du terme (69e). Un but noyé sans doute dans le dépit d’une (très) mauvaise performance, insuffisant pour ôter à cette soirée le goût amer d’une énième déconvenue, mais qui aura sans doute permis de rappeler qu’au sein de l’équipe, il y a encore quelques très bons potentiels. Alexandre Pasche – de pair avec Benjamin Kololli – font bien sûr partie de ce noyau d’individualités encore capables d’animer le jeu et de maintenir – surtout – un quelconque espoir. Devant, le malaise enfle pourtant. Dès l’heure de jeu – et l’entrée en jeu d’Andi Zeqiri (54e) et Simone Rapp (62e) –, ils furent trois attaquants, pêle-mêle, à animer l’offensive lausannoise. Pourtant, de manière réaliste, aucun des trois (avec Francesco Margiotta) n’eurent pleinement réussi à toucher le ballon, ni même à parfaitement se démarquer du marquage adverse. L’ensemble prête alors à repenser la responsabilité de plusieurs individualités au sein du onze vaudois; quid de leur implication, leur fougue déclinante ? « Quelques minutes de jeu et déjà nous ramons. L’on ne peut aujourd’hui plus se permettre de jouer un match à 7. Il y a en conséquence 3-4 joueurs qui devraient se remettre vraiment en question et qui commencent fortement à me préoccuper », lâche du bout des lèvres le chef d’orchestre Fabio Celestini avant de rejoindre son vestiaire. Derrière, ses musiciens sont un peu plus contenus, mais non moins perplexes: « Si l’on arrive pas à être solidaires à la maison, il y a de quoi s’inquiéter », aiguillonnait pour sa part Alexandre Pasche. Nul doute, le match à rattraper de mercredi 24 mars face au FC Bâle risque de s’avérer encore plus – et toujours – décisif pour l’équilibre des puissances au sein du contingent du LS.

De la lassitude au soupçon d’espoir

Ce samedi soir, il y eut pourtant un message d’espoir. Une sensation encore vive, positive, tant dans les paroles, le discours de Fabio Celestini que dans les témoignages de ses joueurs. À en croire les mots de Benjamin Kololli, le groupe vit bien, travaille dur et parfait, soigne de semaine en semaine les liens tissés depuis plusieurs mois maintenant. Voilà qui ravive un grand soupçon d’espoir pour la suite ? Sans doute, mais la réalité, le terrain parlent seuls: « Nous n’avons, quoi qu’il en soit, plus le droit à l’erreur. Nous n’avons plus le droit de perdre, pas même contre Bâle mercredi », affirme Benjamin Kololli. Sous un même ton grave, l’entraîneur lausannois n’en démord pas non plus. « Il faut comprendre enfin que l’on est en Super League. Il y a un mois, l’on parlait d’Europe, l’on parlait de nous élogieusement. On ne peut pas tout plaquer comme ça. » « J’ai l’impression que nous faisons les choses bien mais nous nous rendons compte qu’en match, nous n’y sommes pas du tout – réalise encore l’international kosovare – Nous travaillons vraiment dans de très bonnes conditions mais à la lumière de l’expérience du FC Saint-Gall, nous sommes contraints de réaliser tout le (long) chemin qu’il nous reste encore à parcourir pour enfin remporter nos matches. »

« Le peu de confiance que l’on a, on le perd en 15 minutes de jeu »

Fabio Celestini, entraîneur du FC Lausanne-Sport

Le constat est, à quelques mots près, le même chez Fabio Celestini. « Ce groupe-ci est vraiment super. Il travaille vraiment avec la rigueur et la volonté qu’il faut. Franchement, c’est le meilleur groupe avec lequel j’ai eu à travailler jusqu’ici, et de très loin. » Des paroles réconfortantes qui pourtant voient leur portée largement réduite sous l’ombre de cet (nouveau) lourd revers à domicile. « L’entraînement, c’est l’entraînement ! », clame-t-il ensuite avant de conclure: « L’on a beau tout donner durant la semaine, le peu de confiance que l’on porte à chaque match, nous le perdons en 15 minutes de jeu. »

Itten et Ben Khalifa, un duo qui se complète bien

Dans l’autre camp, les mécanismes sont – eux – bien rodés. De grandes personnalités de Super League animent le terrain, de la défense à l’attaque, passant par un entre-jeu productif. Les accélérations (celles de l’ancien Lausannois Ben Khalifa), l’acuité certaine (de Cedric Itten) et une ligne de trois robuste et massée en défense (dirigée notamment par Alain Wiss) ont servi ce samedi soir à la Pontaise. C’est par ailleurs bien servi par Nassim Ben Khalifa que le transfuge récent du FC Bâle peut ajuster une tête victorieuse à la sixième minute. Aussi acide qu’à ses heures au Parc Saint-Jacques, Itten soigne aussi son image dans l’entière Suisse; il a inscrit à Lausanne son quatrième but pour son sixième match disputé depuis la reprise du championnat le mois dernier sous le maillot des Brodeurs. Il aurait par ailleurs pu se distinguer à deux autres grandes reprises, à l’image de son autre tentative du chef, sur un service similaire – au millimètre près – de Ben Khalifa à la 14e. Deux minutes plus tard, c’est même à but (presque) vide – sur une mauvaise sortie de Thomas Castella – que le natif de Bâle aurait pu “déjà” doubler la mise (16e). Mais quand il n’est pas buteur, Cedric Itten se mue volontiers en passeur; il échange son rôle avec Ben Khalifa et lui sert le but du 2-0 à la demi-heure de jeu, quelques secondes après que son capitaine ait même imprimé l’empreinte du ballon sur la transversale de Castella (33e). Buteur du talon (son troisième en 14 rencontres disputées cette saison), Ben Khalifa retrouvait la Pontaise après l’avoir quittée en juin dernier.

« Nous avons assuré notre succès ce soir de fort belle manière »

Giorgio Contini, entraîneur du FC Saint-Gall

Le FC Saint-Gall aura assuré son avance avant même la mi-temps. Le club de Suisse orientale parviendra même à alourdir le score sur les développements d’un coup-franc parfaitement botté par Stjepan Kukuruzovic et repris de la tête par le défenseur Alain Wiss (59e). La réduction d’Alexandre Pasche n’y fera rien; huit minutes plus tard, c’est encore Cedric Itten qui s’emploie en contre pour servir sur un plateau d’argent le but du 4-1 définitif à Kukuruzovic (77e). Encore une fois, tel passeur, tel buteur; la complémentarité affichée par le FC Saint-Gall ce samedi soir aura en tous points contrasté la décrépitude lausannoise. « Nous sommes très vite entrés en jeu et avec une très grande efficacité. L’équipe a offert une très grande performance, complète de la défense à l’attaque. Nous avons parachevé le tout en contre-attaque. Pratiquement, nous avons assuré notre succès ce soir de fort belle manière », affirme succinctement Giorgio Contini en conférence de presse, l’air – en parfait contraste – apaisé.

Les faits de match:
FC Lausanne-Sport v FC Saint-Gall, 1-4 (0-2)

Composition du FC Lausanne-Sport:
Thomas Castella, Alain Rochat ©, Noah Loosli, Nicolas Gétaz, Benjamin Kololli, Leandro Marin (62e Simone Rapp), Yeltsin Tejeda (54e Dominik Schmid), Alexandre Pasche, Aleksander Fransson (54e Andi Zeqiri), Enzo Zidane et Francesco Margiotta. Entraîneur: Fabio Celestini.

Composition du FC Saint-Gall:
Dejan Stojanovic, Jasper Van de Werff, Alain Wiss, Silvan Hefti, Rúnar Sigurjónsson, Stjepan Kukuruzovic (79e Danijel Aleksic), Nzuzi Toko ©, Andreas Wittwer, Marco Aratore (88e Roman Buess), Cedric Itten et Nassim Ben Khalifa (73e Philippe Koch). Entraîneur: Giorgio Contini.

Buts: 6e Itten (0-1); 33e Ben Khalifa (0-2); 59e Wiss (0-3); 69e Pasche (1-3); 77e Kukuruzovic (1-4).
Notes: Stade olympique de la Pontaise, Lausanne. 3'379 spectateurs.
Lausanne-Sport sans Jérémy Manière, Maxime Dominguez (blessés), Tiago Escorza, Mersim Asllani, Diego Berchtold (M21) et Adilson Cabral (non convoqué). Saint-Gall sans Adonis Hajeti, Peter Tschernegg, Nico Krucker, Boris Babic, Silvan Gönitzer, Dennis Vanin (blessés), Karim Haggui, Yrondu Nusavu-King, Noah Blasucci, Miro Muheim (M21), Nicolas Lüchinger et Stefan Lapsevic (non-convoqués).
Arbitre: Urs Schnyder.