Le film-événement de la RSI “Frontaliers Disaster” en passe de battre le record d’entrées au Tessin

L'équipe de “Frontaliers Disaster” en conférence de presse à la salle Soutter des studios de la RTS à Genève. De gauche à droite: le directeur de la RSI Maurizio Canetta, le protagoniste Flavio Sala, le réalisateur Alberto Meroni, la coauteure Barbara Buracchio et le producteur Luca Morandini. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino

Ce vendredi 12 janvier, la Radiotelevisione Svizzera Italiana (RSI) tenait une conférence de presse dans les locaux de leurs confrères de la RTS à Genève. Le directeur de la section tessinoise de la SSR, Maurizio Canetta y présentait le nouveau long-métrage coproduit par la RSI “Frontaliers Disaster” accompagné des acteurs, producteurs et réalisateurs du projet. Le film, d’ores et déjà un véritable événement au Tessin depuis sa sortie le 21 décembre dernier, a ensuite été présenté en avant-première à La Praille en vue de sa sortie le 17 janvier en Suisse Romande et le 18 en Suisse Alémanique. La production sera disponible dans l’ensemble des cinémas du groupe Pathé et Arena Cinémas de Genève et sera visionnée en version originale dans toute la Suisse (sous-titrée dans la langue locale). « Nous avons 32 copies en start au-delà du Gothard », annonçait alors le producteur Luca Morandini qui verra également le film (110 minutes) diffusé aux 53e Journées de Soleure les 28 et 31 janvier.

Le regole sono le regole ! – Loris J. Bernasconi, garde-frontière de nationalité suisse ne laisse rien échapper à sa vigilance quand il s’agit de contrôler à la douane le va-et-vient quotidien, réservant par là-même ses plus forts ressentiments à l’égard des voitures immatriculées en Italie. Quand bien même les visages apparaissent familiers, retenus par la routine – la vie de frontalier – de Roberto Bussenghi, chargé de se rendre chaque matin à Lugano et ainsi même obligé de traverser la frontière de Brusata-Bizzarone matin et soir, le répit reste nul. Dans une mise en abîme proche de la réalisation de Dany Boon avec “Rien à Déclarer” en 2010, la trame de “Frontaliers Disaster” sied dans la relation – à tout égard insolite et absurde – entre les deux protagonistes que tout oppose: l’ouvrier manuel d’une entreprise luganaise et la rigueur assumée d’un douanier zélé, la rigidité suisse et la prétention du voisin italien, la bienveillance frêle de l’étranger au semblant d’animosité du Tessinois local. – Marchandise ? – Oui, 30 kg de retard au travail. – Sur fond d’un contexte social et politique débridé d’ironie, la création conjointe de la Radiotelevisione Svizzera (RSI), de la boîte de production Morandini Film Distribution et de Inmagine SA a le bienfait de ramener une bonne dose d’humour dans les relations entre frontaliers et Suisses. « L’idée est de bâtir un discours universel sur un sujet social, politique et économique reconnu au Tessin, l’imprégnant d’un véritable sentiment comique. C’est ici que réside notre grand potentiel de diffusion », explique le réalisateur Alberto Meroni en conférence de presse dans les locaux de la RTS à Genève. Sans nul doute, la nouvelle création 100% suisse réserve une ambition populaire, celle d’un divertissement transfrontalier et trans-régional qui cartonne déjà au sud Gothard et qui tentera dès mercredi 17 janvier 2018 – date de sortie dans les salles à Lausanne et Genève – l’expérience d’une diffusion outre-Tessin. Le film atteindra même les bords de la Limmat et Bâle dès le 18 janvier.

« Nous avons la curiosité de voir comment les Romands et les Alémaniques vont accueillir cette histoire »

Alberto Meroni, réalisateur de “Frontaliers Disaster”

L’aventure n’est au final que l’émergence de nouveaux (et merveilleux) défis: « Le défi du long-métrage, du passage de la télévision au Cinéma » – commente Alberto Meroni – mais aussi celui de la réception nationale à une thématique qui est pleinement ancré sur des particularismes régionaux bien spécifiques, le Tessin et le mastodonte italien à ses portes, chacun développant leur propre folklore, leurs propres références humoristiques mais aussi leur propre langue (du patois tessinois au dialecte typiquement lombard, ). Car il ne faut pas oublier que le public principalement concerné reste le bercail cantonal suisse italien. « Nous avons développé des situations humoristiques où les Tessinois se reconnaissent véritablement. Nous avons fait un travail, ensemble, pour ne pas gâcher l’image des frontaliers – poursuit le réalisateur et distributeur Meroni – Nous avons néanmoins la curiosité de voir comment les Romands et les Alémaniques vont accueillir cette histoire. » Le film cumule déjà 23’000 entrées en salles depuis sa sortie le 21 décembre dernier. En trois semaines, la production conjointe avec le service public national est tout bonnement en route pour battre le record d’entrées au Tessin, confirmait même en introduction Maurizio Canetta, directeur de la RSI. Le produit a même dépassé à plus de 100% la ferveur du nouvel opus de Star Wars qui ne totalise “que” 9’500 entrées dans les cinémas tessinois. À noter que si la réussite se propage sur l’ensemble du territoire suisse, les distributeurs n’omettent pas de le proposer également aux chaînes de cinéma du Nord de l’Italie. Le principal concerné Alberto Meroni: « Totò [ndlr, un acteur comique italien, 1898-1967] a été très connu en Italie mais sans ne jamais franchir la frontière. Nous ambitionnons, nous, de rassembler un peu partout les ressors qui sont ceux du film. »

Un pur produit tessinois aux influences diverses et variées

Pour les 60’000 frontaliers qui travaillent au Tessin, l’heure du partage des cultures est peut-être lancée. Les tensions énormes qui résident encore sont pourtraites à la manière de la Commedia dell’arte. C’est en tous cas le dessein assumé par Alberto Meroni. « C’est une comédie riche en blagues, en bêtises et en hâblerie. Ce sont nos ingrédients principaux. Le but est de mettre les spectateurs de bonne humeur avec des problématiques qui se retrouvent chaque jour », rappelle l’homme aux 40 longs-métrages. « Nous avons certainement basé la trame sur des bases communes – reprend l’un des deux principaux protagonistes Flavio Sala, jouant le rôle du frontalier Roberto Bussenghi – Nous avons créé un petit monde en caricature du monde réel. » Et même si les blagues recensées dans le film renvoient à une quelconque actualité, le long-métrage présenté à la presse vendredi après-midi ne se veut nullement imprégné par l’actualité la plus immédiate. « Ce n’est pas un simple show TV ou radio. Nous ne faisons pas de satire, ni d’actualité immédiate. » Alberto Meroni reprend: « C’est une évolution cinématographique; deux heures de pur divertissement où les spectateurs se retrouvent unis par l’ironie dégagée. »

« Le film a une souplesse extraordinaire. En tant que film local, il peut parler à tout le monde au Tessin et en Suisse, à la génération “Star Wars” comme à la génération Alfred Hitchcock », soutient le coproducteur Luca Morandini, directeur de sa boîte de production Morandini Film Distribution, basée dans la commune sud-Ceneri de Mendrisio. “Frontaliers Disaster” est donc un pur produit tessinois, fruit d’un travail conséquent dans l’écriture, puis la réalisation. Le saut d’une production cinématographique n’est par ailleurs pas nouvelle dans la région. Plus tôt, le même Luca Morandini avait lancé un premier film de 35 minutes dans les salles: « Personne ne croyait en son succès et puis finalement ce petit produit d’un peu plus d’une demi-heure a eu un succès inespéré avec 16’600 entrées. Nous avons été convaincus de continuer sur cette voie et c’est ainsi qu’avec la RSI nous avons lancé “Frontaliers Disaster” qui suit aujourd’hui la progression logique de notre collaboration », confirme Morandini, fier de la grande promotion acquise par le soutien du service public.

« C’est un schéma classique: deux personnes qui ne s’aiment pas seront poussées à évoluer ensemble dans le film »

Barbara Buracchio, actrice et coauteure de “Frontaliers Disaster”

Mais, aussi tessinois qu’il soit, “Frontaliers Disaster” s’inspire de nombreuses références italiennes mais aussi françaises et américaines. D’une part, il se fond dans un schéma classique: « Deux personnes qui ne s’aiment pas seront poussées au fil du film à évoluer ensemble », précise l’actrice et coauteure Barbara Buracchio. D’autre part, par les origines et les évolutions des acteurs. Il n’est pas un hasard si la même Barbara Buracchio (jouant le rôle d’Amélie, la petite-amie du douanier Bernasconi) interprète la touche très française du film, elle qui a longuement étudié à l’Université de Lausanne. Mais c’est le rôle du frontalier Roberto Bussenghi qui s’avère être le ferment – fédérateur – de nombreuses pioches. À ce titre, Flavio Sala a lui-même absorbé son personnage dans les racines artistiques qui sont les siennes. Diplômé en 2001 à l’Académie des Beaux-Arts de Brera, dans le centre historique de Milan, il avoue rêver de cinéma et c’est avec un long-métrage autoproduit qu’il lance sa carrière avant de collaborer avec Rete 3, la troisième chaîne de radio de la RSI. Alors confondu dans un rôle – réel – de frontalier, Flavio Sala a longuement traversé de long en large les douanes suisses, remarquant l’extraordinaire berceau comique que ces derniers renferment en maintes situations. « J’ai vécu les douanes à la première personne », plaisante-t-il au siège de la RTS à Genève. « Je me suis joué de ces jeux de rôles observés – continue-t-il – Ce sont des situations connues et reconnues que l’on retrouve beaucoup dans la filmographie des années précédentes comme c’est le cas chez Laurel & Hardy ou encore chez Don Camillo. » Une veine alimentée par la comédie italienne (avec les grandes présences des acteurs italiens Enrico Bertolino et Sarah Maestri tout comme le natif de Lugano Teco Celio) mais aussi – avoue-t-il – par la gestuelle de Louis De Funès. Sans oublier le jeu du nerf optique, celui-ci emprunté de Scrat dans les films d’animation de “L’Âge de Glace”.

“Frontaliers Disaster” est de plus pensé comme un véritable film-cadeau, lesquels son souvent produits et distribués dans la période de Noël. Ici, aussi la culture italienne en tient un bon rang. Outre-frontière, cela a un nom bien portant. « Nous nous sommes basés sur les mécanismes connus du Cinepanettone, un cinéma qui est expressément conçu pour les périodes de fêtes », concède Flavio Sala. « Cette année, en Italie, aucun film n’a été produit. Nous nous sommes donc engouffrés dans la brèche et avons sorti “Frontaliers Disaster” », complète le producteur Luca Morandini. De quoi combler encore plus un marché habituellement connu dans la botte sous la caméra de l’acteur et réalisateur vedette Christian De Sica (voir la dernière production “Vacanze di Natale a Cortina”, sortie en 2011). De plus, sans trêve de plaisanterie – réponse à une question posée en conférence de presse à la tour RTS et lors de l’avant-première au Arena Cinemas de La Praille – le producteur Morandini affirme ne pas vouloir s’arrêter en si bon chemin: « “Frontalier Disaster” peut être le premier film d’une folle trilogie. Après “Disaster”, l’on a imaginé un second intitulé “Frontaliers Catastrophe” ou encore un dernier nommé “Frontaliers Apocalypse”. »

Tout commence par la RSI…

Le service public n’est pas étranger au phénomène, il a même servi de lit à la création et à l’idéalisation du projet. Sur Rete 3 – « notre Couleur 3 à nous », soutient le directeur de la RSI Maurizio Canetta –, les deux protagonistes principaux du film, Flavio Sala et Paolo Guglielmoni, forment depuis plusieurs années un duo comique apprécié dans le canton italophone, proche dans le style des Vincent Veillon et Kucholl dans leur précédent programme 120 » sur Couleur 3. « Tout a commencé par des sketches écrits et réalisés sur nos antennes. Les deux jeunes Sala et Guglielmoni ont su s’imposer avec le thème des frontaliers dans une somme de sketches à la radio, puis à la télévision. Et aujourd’hui, il imposent le format même au cinéma. Une très belle évolution », constate Maurizio Canetta. Lors de la présentation du film (de 110 minutes), l’on n’a pas omis de marquer le talent des comiques ayant participé au long-métrage, comme celui du présent Flavio Sala passé par le théâtre avant de faire éclore au sein de la RSI sa grande versatilité. « La sortie du film marque l’avènement d’une grande preuve de collaboration entre la RSI et nous [ndlr, une collaboration de deux ans et demi – la durée du tournage – et qui boucle un parcours radiophonique de près de 10 ans]. Nous sommes conscients de la qualité qu’offre le service public à ce projet », soutient même le producteur Luca Morandini. De plus, dans un budget de près de 720’000 francs, seuls les 30% ont été octroyés par la RSI, les 70% restants ayant été récoltés par des financements et des sponsors privés. Aucun pourcentage financier n’est par ailleurs parvenu de Berne. Une opération, de plus, qui n’est pas pensée dans un apport commercial mais bien dans la volonté de rassemblement entre les régions de Suisse. Il n’est pas sans rappeler non plus que la RSI finance des cours d’italien en Suisse Romande et Alémanique, jouant pleinement son rôle de diffuseur culturel.