Marine Baousson, un humour “pop-rock” venu droit de Bretagne

Marine Baousson sur les planches de l'Auditorium Stravinski lors du Montreux Web Gala présenté par Paul Taylor vendredi 1er décembre 2017. Montreux Comedy / © Laura Gilli

Marine Baousson a livré un spectacle issu de son talent propre, avec vivacité et pugnacité comique. L’artiste bretonne a su jouer de sa très bonne gestion du rythme où énergie et calme se sont sans cesse entrechoqués sur la scène du CPO d’Ouchy. Un humour unique, une “pop-rock” humoristique à la signature certaine d’un bout de femme dont l’escarcelle regorge de talent à son état brut. Puis, forte d’une expérience certaine, Marine a su surprendre son public lausannois (mais non seulement) par son ingéniosité mais aussi par son goût prononcé pour l’improvisation. Rencontre.

Marine Baousson, aurions-nous dit d’elle enfant, est une boule d’énergie. Virevoltante, capricieusement joyeuse et savamment pleine de ressources. Gagnante du Montreux Comedy Casting en 2012, elle a repassé sa fin d’année en Suisse où elle a connu une première invitation au Montreux Web Gala de Pierre Croce lors de la 28e édition du festival d’humour, puis a livré deux nouvelles représentations de son spectacle vendredi et samedi soir derniers au CPO d’Ouchy. Il faut dire que l’univers de la jeune femme – comme pour chaque artiste – se doit d’être appréhendé; elle pourrait être une douce mélodie, particulièrement bien écrite, à laquelle l’on aurait volontairement ajouté des basses et une batterie pour en rythmer la cadence. Le spectacle de Marine Baousson est une sorte de pop-rock éclectique où tendresse et énergie se marient volontiers pour offrir une explosion de saveurs à un public (plus ou moins) averti. Mais n’en confonde, Marine est une humoriste au talent et à l’assurance certains. Elle a appris la scène, elle l’a pratiquée depuis plusieurs années déjà que plus rien ne lui fait peur, pas même les grands rendez-vous ? À n’en croire, non. Et pourtant, Marine est cachottière, elle joue avec ses émotions, ses ressentis, son amour pour le public qu’elle traîne dans la confidence avant de joliment les amener dans un univers qui, à quelques égards, paraît tremper dans l’absurde. Absurde ? « Il y en a un petit peu mais cela me surprend un peu que l’on puisse considérer mon spectacle comme absurde. Tout ce que je raconte dans mon spectacle est vrai même s’il peut sembler parfois que certaines anecdotes partent un peu dans le décor », raconte-t-elle à notre micro au terme de sa deuxième représentation lausannoise samedi soir au Centre Pluriculturel d’Ouchy (CPO).

« J’ai beaucoup suivi Yacine Belhousse en tournée et il se peut qu’il m’ait ouvert à un certain imaginaire qui peut être très attaché à la réalité »

Marine Baousson

Alors d’où vient cette première impression ? Elle tente alors de l’expliquer: « J’ai beaucoup suivi Yacine Belhousse en tournée, nous sommes très amis. Et il se peut qu’il m’ait ouvert à un certain imaginaire qui peut être très attaché à la réalité. » C’est donc cela; Marine virevolte aussi entre une réalité fantastiquement racontée et un imaginaire construit à l’image de ses propres expériences. Et là encore, c’est l’énergie recentrée dans son récit qui le teinte d’une couleur différente. Une caractéristique qui la présente comme telle, une artiste animée et dynamique, parfois trop confie-t-elle même: « J’ai toujours été dans une sur-énergie, il y a des vidéos de moi qui saturent quand je dis bonjour. Donc j’apprends à la canaliser et à la mettre dans les bons moments sinon ça fait rapidement kermesse. » Pourtant, c’est toujours cette énergie qui lui permet d’atténuer les quelques imperfections de l’écriture, l’effet comique étant parfaitement amené par la voie du jeu et même du surjeu sur scène. « Disons-le, plusieurs des anecdotes racontées ce soir n’étaient pas si bien amenées non plus mais elles ont suffi puisque j’avais l’énergie suffisante pour les rendre intéressantes », pointe-t-elle à nouveau. Il faut dire que la scène n’est autre qu’un processus itératif où les enseignements (et les émotions concordantes) apparaissent avec la pratique du rire. C’est bien l’ethos de l’humoriste qui se forge une fois sur les planches; c’est ce que l’on aurait coutume d’appeler les habitudes du jeu ou l’expérience de la scène. Marine Baousson a l’expérience de la scène. Une expérience façonnée depuis ses années engagées à la pratique de l’humour, elle qui a véritablement lancé sa carrière professionnelle suite à sa récompense au Montreux Comedy Festival.

Une première en gala à Montreux

Sur un plateau qui a réservé quelques déceptions vendredi 1er décembre lors du Montreux Web Gala présenté par Pierre Croce, Marine Baousson fut parmi les humoristes qui surent saisir aux mieux l’attention des spectateurs de l’Auditorium Stravinski, les emportant encore dans l’univers qui est le sien, dans les méandres de ses relations amoureuses parfois compliquées. Pourtant, ici même, bien que la logique, la mécanique de l’exercice d’un passage dans un gala se révèle pratiquement semblable aux scènes déjà foulées dans toute la France, la participation à la 28e édition du festival de Montreux a révélé des enjeux de scène profondément nouveaux pour l’humoriste. « J’ai changé ma façon d’écrire, ma façon de jouer. À Montreux, il y avait un vrai enjeu pour moi. J’ai raconté des choses plus personnelles. Puis, il faut dire que ce que j’y ai raconté était très frais », raconte-t-elle avec le recul avant de poursuivre: « À Montreux, il y avait aussi un enjeu de féminité – notamment celui de marcher avec des talons [rires] – étant la seule femme du gala, bien que je ne suis pas extrêmement féministe. » Autant de dispositions que Marine dut rapidement intégrer dans sa manière d’être sur les planches, sa manière de se mouvoir dans une dynamique – sinon nouvelle – inédite.

« Olivier de Benoist m’avait dit que toutes les carrières commencent à Montreux et c’est vrai »

Marine Baousson

Des expériences nouvelles, des écueils occultes que l’humoriste bretonne a su dominer du long de son parcours dans le monde de la comédie. Car Marine Baousson, pratiquement et professionnellement parlant, est née sur les bords du lac Léman, à Montreux, dans l’antre très élargi de l’humour francophone. « Olivier de Benoist m’avait dit que toutes le carrières commencent à Montreux et c’est vrai. J’ai arrêté de travailler derrière – raconte-t-elle avant de continuer – Y revenir pour un grand gala, c’est une grande consécration. Je fais partie de ces humoristes que l’on peut mettre sur un grand gala filmé. Et c’est dans ces moments-ci que l’on se remet de la pression, avec un nouveau texte vieux de trois semaines et une volonté de montrer une nouvelle “Marine” aux professionnels de l’humour. » Il est vrai, confie-t-elle, que la pression et l’appréhension de la scène ont progressivement disparu d’une représentation à une autre, ce qui la marque toujours plus dans le cercle des artistes confirmés de la scène humoristique. « Je n’ai plus peur des grandes salles. J’ai bouffé de la scène et je sais qu’à chaque fois, je réussis à me rattraper sur quelque chose. Je sais faire la meuf à l’aise, quoi. Et même si je n’ai pas eu d’ovation comme en ont eu Max Bird ou encore Paul Taylor, je sais que le public était sans cesse avec moi. Je les ai amenés dans mon univers et cela prendra le temps qu’il faudra pour que cela soit remercié. » Depuis 2007, où elle mettait notamment en scène Shirley Souagnon, puis plus tard Olivia Moore dans son spectacle “Mère indigne”, Marine Baousson a alors parcouru un chemin – certes sinueux – mais passablement prospère dans le monde du rire (et du théâtre), aussi proche de Bérengère Krief, dont elle a également assuré les premières parties.

Une écriture imprégnée d’improvisation

Le talent de Marine Baousson est aussi multiple, en ce qu’elle révèle des trouvailles scripturales, traduites ensuite dans un oral sans cesse revisité. Ses anecdotes, ses historiettes, retranscrites dans son carnet de route trouvent à chaque représentation une inspiration nouvelle. Ce qui fait notamment que le processus d’écriture de son one (wo)man show ne s’arrête (presque) jamais, sans cesse revu à l’aune de promptes improvisations. « Tout est écrit – rappelle-t-elle – mais la tournure de phrase ne ressort pas nécessairement de la même manière sur scène. En ce moment, aussi, je m’autorise beaucoup d’improvisation et cela aide à donner une sensation supplémentaire de spontanéité. Puis, le spectacle s’écrit au fur et à mesure des représentations, des passages d’improvisation qui se retrouvent ensuite notés comme tels dans mon carnet. Toujours est-il que je laisse vivre mon spectacle à chaque passage. »

« J’ai arrêté de me juger en jouant et de préjuger ce que les gens pensaient »

Marine Baousson

C’est la preuve également que l’humoriste a grandi dans ses années de maturité, lui permettant aujourd’hui, de jouer plus libérée et plus spontanée dans son rapport au public. « J’ai arrêté de me juger en jouant et de préjuger ce que les gens pensaient. Et ça a tout changé. Je n’ai plus aucune pression quand je joue », explique-t-elle avant de continuer: « C’est le métier aussi, je cherche quoi qu’il arrive à rester spontanée sur scène et que le public sente véritablement qu’il discute avec une copine qui leur partage des choses intimes. Je veux être proche des gens et c’est un vrai souhait, c’est ce qui fait que maintenant, je m’autorise à tester de nouveaux passages. » Aussi, Marine Baousson a plongé à plusieurs égards dans le monde de l’improvisation. Présentant des plateaux d’humour de MadmoiZelle.com – elle a aussi présenté le “Grand Bazhart” sur France 3 Bretagne – l’artiste a cultivé l’art de l’instantané, le direct, l’improvisation dans son art le plus brut. Là encore, des expériences qui ressortent renforcées sur les planches. « Tout cela vient du fait que j’ai fait de l’impro et que je présente souvent des plateaux d’humour où, pour l’occasion, rien n’est écrit. Ce qui fait que je n’ai plus peur de la scène en ayant rien. C’est une assurance que j’ai développée ; si ça ne marche pas, ce n’est pas si grave. Je m’autorise à rater dans des moments bonus à la fin de mes spectacles, des moments de lâcher-prise qui ne me font plus peur. Et dans ces moments, je préviens aussi que ce passage-ci peut ne pas être drôle. » Problème ? ils sont tout aussi drôles.