C’est désormais officiel ! L’Équipe de Suisse s’est qualifiée pour la Coupe du Monde 2018 en Russie au bénéfice de son match nul (0-0) face à l’Irlande du Nord en match retour des barrages. Au Parc Saint-Jacques de Bâle, les hommes de Vladimir Petkovic ont su préserver le maigre avantage du match aller à Belfast (0-1). Retour sur un match indécis et une campagne de qualification riche en émotions.
Sous les flocons, la délivrance est finalement arrivée. La Suisse ira à la Coupe du Monde 2018 en Russie avec, derrière elle, une belle histoire à raconter, décidément. Les hommes de Vladimir Petkovic ont su l’écrire avec la passion et la force – physique et mentale – nécessaires. Pourtant, exprimée la joie de passer le cap des qualifications, la réjouissance des joueurs suisses n’a pas manqué d’être cadencée par quelques remises en question d’une campagne longue et à quelques égards imparfaite. Il n’est pas œuvre de sournoiserie dans l’euphorie ménagée des hommes de Vladimir Petkovic à leur arrivée en zone mixte au Parc Saint-Jacques de Bâle mais tout le monde le sait, si la qualification fut une étape importante dans le parcours de croissance de l’Équipe de Suisse, la marche de progression ne s’arrête toutefois pas ici. La Suisse a, elle-même désormais, une montagne russe à surmonter dès à présent. Passé l’écueil nord-irlandais, tant à Belfast qu’à Bâle, l’Équipe de Suisse devra maintenant se renforcer, réveiller son âme guerrière et surpasser ses craintes lors des instants les plus fatidiques et importants de son histoire. Face à la Norn Iron, lors du match retour du Parc Saint-Jacques (0-0), la Nati a encore mis en lumière ses nombreuses fébrilités, face au but mais aussi dans la gestion de ses nombreuses émotions; elle aurait dû véritablement prendre l’avantage au score, certain d’une qualification moins douloureuse. À diverses grandes occasions – notamment par Haris Seferovic (23e et surtout 85e) mais aussi sur de grandes ouvertures non convoitées par Blerim Dzemaili (10e), Steven Zuber (29e et 76e) ou encore Admir Mehmedi (88e) –, la partie aurait pu définitivement tourner. Mais à chaque fois, la nervosité et les tourments internes ont repris le dessus, laissant la trace quelque peu amère d’un grand inachevé. Toujours est-il, qu’à l’heure actuelle, ces imperfections passent volontiers inaperçues. Ou presque.
« Je suis désolé pour [Seferovic]. Dans ce genre de rencontres, rien ne compte véritablement sinon le résultat final »
Valon Behrami, milieu de terrain de l’Équipe de Suisse
Personne ne lui en tient véritablement rigueur, mais le tir manqué de Haris Seferovic en fin de match, alors qu’il fut parfaitement servi par Denis Zakaria (85e), a réveillé l’ire d’un public véritablement porté par l’enjeu. À rude épreuve, nerfs tendus, la rancune est facile; sifflé pour son retour sur le banc quelques secondes plus tard – remplacé par Breel Embolo – la soirée de l’entière équipe nationale fut frustrée d’une telle réaction. Trop pour Valon Behrami qui en mesure les conséquences: « Je suis désolé pour [Seferovic]. Dans ce genre de rencontres, rien ne compte véritablement sinon le résultat final. Les mauvaises performances en ces moments-ci ne comptent absolument pour rien. Que l’on marque ou non, il est inacceptable que ce genre de choses adviennent. Au final, nous sommes qualifiés et cela ne justifie pour aucun motif ce qu’il s’est passé », explique-t-il face à la presse au sortir du Parc Saint-Jacques. Même plaidoyer pour Vladimir Petkovic qui a su, à son tour, trouver les mots justes: « Nous avons été compacts 90 minutes sur le terrain, c’est ce qui a valu notre qualification. Et à notre tour, nous pouvons demander au public de rester tout autant compact durant l’ensemble de la partie. En cela, nous avons beaucoup à apprendre des supporters nord-irlandais », lâche-t-il, admettant néanmoins quelques larges erreurs de la part des joueurs dans la rencontre.
« Les choses telles qu’elles sont actuellement suffisent à notre bonheur »
Breel Embolo, attaquant de l’Équipe de Suisse
En réalité, cela n’échappe à personne. Si Michael O’Neill rappelle: « Nous avons été éliminés lors du match aller », sans directement faire référence aux difficultés de la Suisse à marquer, sinon sur pénalty, l’ensemble des joueurs de l’équipe nationale suisse concèdent une large faiblesse en ce domaine: « Nous avons beaucoup manqué, trop fauté tout au long du match, surtout face au but – soutient Blerim Dzemaili en zone mixte avant de continuer – Nous devons absolument travailler sur cela car désormais nous nommes qualifiés pour la Coupe du Monde et si nous ambitionnons d’aller de l’avant, nous devrons gommer au plus nos imperfections. En deux matches, nous nous sommes procurés tellement de balles de match que nous ne sommes jamais parvenus à les concrétiser, sinon sur un pénalty que tout le monde a vu. Nous devons véritablement nous remettre en question dès maintenant pour préparer au mieux notre mondial. » Finalement, Breel Embolo en allait aussi de son analyse: « Nous avons énormément marqué ces derniers temps et aujourd’hui, nous avons trouvé quelques embûches sur notre chemin. Mais nous travaillons sur cela. Certes, nous souhaitions passer avec deux ou trois buts en plus mais faut-il dire, les choses telles qu’elles sont actuellement, suffisent à notre bonheur. »
Une qualification soufferte (mais méritée)
Oui, la Suisse a souffert dans ces barrages mais l’essentiel a été assuré: « Nous avons mérité notre qualification, malgré que ces deux derniers matches eurent été passablement compliqués et malgré même que l’Irlande du Nord eut également mérité de passer pour ce que l’équipe a démontré sur le terrain ces derniers temps », confie Dzemaili. Reste néanmoins que l’Irlande du Nord a démontré tout le caractère qui compose sa nationale; une joie de vivre et de combattre dans une unité indivisible. Cela est d’autant plus compréhensible que ces barrages représentaient, sans doute l’échéance la plus importante que le pays n’ait eu à affronter dans les dernières 60 années tant le football y est ressenti comme une religion. Avant les barrages, Michael O’Neill avait déjà souligné la représentation toute symbolique de la confrontation, portant la nouvelle génération du football nord-irlandais dans une dimension nouvelle. Défait de ses ambitions d’atteindre la Russie, le chef d’orchestre a néanmoins eu la bonté et la générosité de remercier l’ensemble d’un travail accompli. « Les joueurs doivent se sentir fiers d’eux-mêmes; nous aurons d’autres qualifications à disputer. Ainsi, nous devons regarder vers l’avant. Ce soir, l’équipe a montré de grands pas en avant, une grande évolution [par rapport aux précédentes années] et a joué avec une grande détermination pour fournir une prestation complète. » Michael O’Neill a été sans doute le sélectionneur le plus touchant d’une campagne de qualifications qui a vu l’Équipe de Suisse traverser l’Europe pour obtenir, sueur au front, son sésame. Et pour cause, son Irlande du Nord a joué avec vaillance, comme rarement l’on en voit sur un terrain de football. « Naturellement, je suis très déçu et j’ai d’énormes difficultés à maintenir mes émotions. Sur ces deux matches, nous avons forgé notre expérience et avons montré du caractère et du beau jeu », exprime alors O’Neill en conférence de presse.
« Mon équipe a démontré de belles choses, je ne peux qu’en être fier »
Michael O’Neill, sélectionneur de l’Irlande du Nord
Aussi, si Vladimir Petkovic avait pris le soin de reconduire un onze de base similaire qu’à Belfast, jouant de sa confiance portée à la relève de l’équipe – à l’image de Denis Zakaria –, Michael O’Neill avait pour sa part revu ses plans, donnant un élan considérable à un effectif qui avait pratiquement tout à gagner à Bâle. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les géants – Kyle Lafferty et Josh Magennis – ont laissé leur place à des tacticiens plus inspirés. Preuve en est que l’Irlande du Nord ne joue pas toujours sur ses atouts majeurs, quitte à tenter l’aventure d’un jeu plus posé – balle à terre – et plus incisif. Souvent servi dans la profondeur, sur des contres naturellement plus nourris qu’à Belfast, Conor Washington et Jamie Ward surent parfaitement à plusieurs reprises se démarquer, laissant planer l’ombre d’une douloureuse égalisation sur les épaules de la défense suisse. Aussi, celle-ci ne fut pas loin; dès l’entame de la rencontre, c’est Oliver Norwood – plus de 50 fois capé et à la recherche de son premier but en équipe nationale – qui a contraint Yann Sommer à une parade providentielle (3e). Puis, tout au long d’une partie où la domination fut partagée entre les deux formations, la Green and White Army a su exercer un pressing juste et méticuleux, tout en s’illustrant insidieusement en contres. Certainement, avec un jeu dominé par une colonne axiale composée par le capitaine Steven Davis et George Saville (en remplacement de Corry Evans, suspendu), l’Irlande du Nord se savait menée par une échine solide. La Norn Iron a alors fait ce qu’elle devait oser faire dans son Windsor Park de Belfast: créer la supériorité, osant avancer sa ligne médiane – Norwood et Brunt – jusqu’à ce qu’elle favorise les conditions idéales pour tenter l’assaut. En cela, 90 minutes ne leur ont pas suffi. Pas suffi pour gagner mais largement suffisantes pour susciter la fierté d’une entière nation. « Nous avons été éliminés par une Suisse forte. Mais mon équipe a démontré de belles choses sur le terrain ce soir. Sur cela, je ne peux qu’en être fier », soutient alors le sélectionneur Michael O’Neill en conférence de presse.
Le sélectionneur nord-irlandais n’a pas manqué néanmoins de préciser que la Suisse a pu compter sur un excellent Ricardo Rodriguez qui, à plusieurs reprises dans le cours des 180 minutes cumulées, a permis à la Suisse de garder la tête hors de l’eau. « Il a été décisif dans ces barrages, tant pour le pénalty transformé à l’aller que pour son sauvetage sur la ligne en fin de rencontre [ndlr, 92e sur une tête de Jonny Evans qui avait profité d’une sortie complètement ratée de Yann Sommer] » Il faut le dire; la Suisse a eu à souffrir dans cette double confrontation des barrages mais la forteresse a tenu bon, l’expérience de tout un collectif ayant permis de faire perdurer un rêve. « Sous la pluie et sur un terrain difficile, il nous a d’abord fallu nous acclimater aux conditions de jeu. Face à l’Irlande du Nord, qui est arrivée en Suisse avec une très bonne mentalité, nous avons donné ce que nous avions. Il nous revient de féliciter l’adversaire; ils ont tout donné, jusqu’à la 90e minute, pour jouer leur qualification. Cela nous rend d’autant plus fiers d’être parvenus à nous qualifier », consent Breel Embolo face aux journalistes.
“Dream Bigger”
C’est la devise de l’Irlande du Nord. “Dream Bigger”, soit rêver plus grand. En réalité, cette vision correspond parfaitement à l’Équipe de Suisse, en ce qu’elle n’a jamais dépassé le cap d’un huitième de finale en compétition majeure (Euro ou Coupe du Monde). Pourtant, voilà, avec une quatrième qualification de rang pour un mondial, la Suisse peut désormais se permettre de véritablement rêver encore plus grand. Mais l’on temporise, tant auprès des joueurs que de Vladimir Petkovic: « Nous devons désormais attendre de voir dans quel groupe nous tomberons en Coupe du Monde. Mais il nous semble clair qu’une équipe qui termine sa phase de qualifications avec 27 points peut espérer avancer dans la compétition. Nous devrons pourtant faire nos “devoirs” avant », rappelle Blerim Dzemaili, insinuant que la Suisse a encore beaucoup à apprendre avant la Russie. « Nous ne nous fixons aucune limite », aiguillonne néanmoins le sélectionneur avant de conclure: « Demain est un autre jour et nous commencerons déjà à réfléchir pour notre futur. Nous avons des qualités, un esprit d’équipe, beaucoup d’envie, autant de vertus que nous souhaitons garder pour la suite. Il y a toujours des choses à améliorer mais nous aurons le temps d’y penser jusqu’au mondial. Nous devrons y accepter chaque adversaire et essayer de le dominer. Nous devrons être compétitifs et jouer notre jeu au maximum pour arriver le plus loin possible. » D’ici là, la Suisse aura certainement l’occasion de se tester lors de matches amicaux, en mars et en mai 2018.
Les faits de match: Suisse v Irlande du Nord, 0-0 Composition de l'Équipe de Suisse: Yann Sommer, Stephan Lichtsteiner ©, Manuel Akanji, Fabian Schär, Ricardo Rodriguez, Granit Xhaka, Denis Zakaria, Blerim Dzemaili (61e Admir Mehmedi), Steven Zuber, Xherdan Shaqiri (80e Remo Freuler) et Haris Seferovic (86e Breel Embolo). Entraîneur: Vladimir Petkovic. Composition de l'Irlande du Nord: Michael McGovern, Jonny Evans, Gareth McAuley, Oliver Norwood (75e Josh Magennis), Aaron Hughes, Chris Brunt, Steven Davis ©, George Saville, Jamie Ward (75e Jordan Jones), Stuart Dallas et Conor Washington (82e Paddy McNair). Entraîneur: Michael O'Neill. Notes: Parc Saint-Jacques, Bâle. 36'000 spectateurs (sold-out). Suisse sans Johan Djourou, Jean-François Moubandjé (blessés) et Fabian Frei (indisponible). Irlande du Nord sans Corry Evans (suspendu). Arbitre: Felix Brych (GER).