Du Windsor Park, Belfast (Irlande du Nord)
L’Irlande du Nord de Michael O’Neill est en mauvaise posture pour son match retour des barrages pour la Coupe du Monde 2018 en Russie. Mais elle n’est pas encore battue; la Green and White Army, portée par son capitaine Steven Davis, ses attaquants Josh Magennis et Kyle Lafferty, les frères Evans (Jonny et Corry) ou encore par son gardien (sept fois invaincu en phase de groupe) Michael McGovern rêve de renverser la tendance au Parc Saint-Jacques. Et cela n’est pas impossible. Dernier tour d’horizon avant l’ultime assaut.
↘ Revivre la rencontre du Windsor Park de Belfast en 100 images.
L’Irlande du Nord a vu un rêve brisé en quelques minutes au sein de son Windsor Park. D’aventure légère, les hommes de Michael O’Neill n’ont pas pu compter uniquement sur leurs émotions et le soutien – bien qu’incompressible – des quelques 18’000 spectateurs de la forteresse de Belfast. Au terme de la rencontre, certes, difficile d’aborder autre sujet qu’un arbitrage décevant. Ensemble, la communauté nord-irlandaise s’accorde sur le regrettable tour de passe-passe qui a finalement permis aux Suisses de l’emporter en terrain miné. Premièrement, 5e minute de jeu, un tacle méchant, viril de Fabian Schär sur Stuart Dallas secoue les tribunes du stade. Il méritait l’expulsion. Il n’en fut rien. Les hommes de Vladimir Petkovic sont amnistiés, une première fois. Puis, le pénalty accordé à Ricardo Rodriguez après presque une heure de jeu (58e) ; une mauvaise appréciation du médecin roumain Ovidiu Hațegan qui contrebalance d’un coup d’un seul le mérite – le seul – de la Norn Iron de parfaitement défendre son but. Le résultat n’est alors autre que le 0-1 ; la Suisse s’agrippe à sa qualification pour la Coupe du Monde en Russie, à trois jours du retour au Parc Saint-Jacques de Bâle. Et la Green and White Army a désormais “une montagne à franchir en Suisse”, titre le Belfast Telegraph. L’Irlande du Nord, après s’être vaillamment battue en éliminant la République Tchèque et la Norvège de la course aux barrages, voit ternir ses espoirs d’accès à la phase finale du Mondial en Russie en 90 minutes fort peu avantageuses. Outlook résumait alors ainsi : « Last call for Russia [ndlr, dernier appel pour la Russie] », ramenant les chances de qualification de la Norn Iron à la seule voie de l’impensable exploit. « Ce qu’il en ressort, au plus, n’est autre qu’un pénalty controversé. La qualification que nous attendons depuis 32 ans [ndlr, depuis 1985] est désormais difficilement atteignable. Le résultat de ce [jeudi] soir est une énorme déception, surtout après avoir réussi une campagne de qualification impressionnante. La seule satisfaction, ce soir, était le public nombreux et animé », consent en conférence de presse Michael O’Neill, le sélectionneur défait.
« Une situation comme celle-ci ne donne lieu, ni en Écosse, en Irlande, au Pays de Galles
ou même en Suisse, à un pénalty »
Michael O’Neill, sélectionneur de l’Irlande du Nord
À Belfast, il fallait parler du pénalty encore et toujours. Alors Michael O’Neill résume : « Une situation comme celle-ci ne donne lieu, ni en Écosse, en Irlande, au Pays de Galles ou même en Suisse, à un pénalty. Le ballon a rebondi derrière le dos [ndlr, de Corry Evans]. [Considérant cela], l’arbitrage a été terrible. “Awful !” Le pire arbitrage que je n’ai jamais vu jusqu’ici. Il nous a gâché la soirée. » D’abord remonté par la déception et la frustration – partagée pour l’ensemble de la nation – O’Neill analyse : « La Suisse, avec son but à l’extérieur, s’est mise dans une position privilégiée. Sans compter, la faute de Fabian Schär [ndlr, sur Stuart Dallas] qui aurait pu valoir l’extraction d’un carton rouge. En somme, faut-il admettre, l’arbitre ne nous a pas aidés. » Puis tempère : « Je suis toutefois resté déçu de la prestation de mes garçons. Dans une rencontre de ce genre, nous n’avons pas été en mesure de répéter les belles prouesses auxquelles nous étions désormais habitués. L’on doit reconnaître que la Suisse était meilleure et mieux en place sur le terrain. Certes, sans le pénalty, nous aurions pu en rester à un bon 0-0. Mais prenons-le pour nous, la mauvaise décision de l’arbitre, au final pourrait nous libérer ; elle pourrait nous motiver davantage pour le match retour. »
Des erreurs lourdes de conséquences ?
Certes, le plaidoyer irlandais peine à se détourner des controverses arbitrales. Mais du côté des joueurs, le discours est calme et apprécié : « Nous pouvons réclamer mais [pour l’instant], nous ne pouvons être sûrs à 100% de la justesse (ou de l’erreur) de la décision arbitrale. Quoi qu’il en soit, le match était intéressant pour les deux équipes et c’était un duel particulièrement physique », consent l’ancien joueur de Manchester United, Jonny Evans. Car dans l’ensemble, la rencontre fut plaisante – à quelques égards moins rythmée que certaines précédentes en phases de groupe – mais l’enjeu a tenu la pression générale à son point maximal. Le tout dans un esprit plutôt juste : « La Suisse, malgré tout, a joué avec beaucoup de fair-play dans un match où les nerfs ont été mis à rude épreuve », affirme l’aîné des frères Evans – Corry étant également titularisé pour la Norn Iron jeudi soir à Belfast. « Passée la déception et la colère, nous nous assurerons de donner tout notre possible pour le match retour », conclut-il alors.
« À Bâle, nous devrons montrer plus de solidité et plus d’agressivité »
Vladimir Petkovic, sélectionneur de l’Équipe de Suisse
De son côté, Vladimir Petkovic garde son cap ; la Suisse est en très bonne voie pour la qualification à sa quatrième Coupe du Monde de suite, sa onzième en tout. La frustration de la défaite face au Portugal disparaît et laisse émerger une météo plutôt clémente pour l’année 2018. Comme d’habitude, « il m’en faut féliciter mes joueurs qui, malgré le jeu physique nord-irlandais et le mauvais premier quart d’heure, ont réussi à retrouver le rythme du jeu en une soirée aussi spéciale à Belfast. Ils ont remporté la mise souverainement face à une Irlande du Nord qui nous ont souvent mis en danger sur longs ballons et coups de pied arrêtés. Même avec un pénalty discutable, la victoire de la Suisse était largement méritée. Avec un peu plus d’efficience face au but, nous aurions pu marquer quelques buts supplémentaires », débute le sélectionneur helvétique en conférence de presse au Windsor Park. Mais la copie n’est de loin pas optimale. Face à l’Irlande du Nord, la Suisse avait pourtant commencé timidement – à l’image d’une fameuse échappée de Stuart Dallas (5e) qui n’a pu être arrêté que par une intervention des plus musclées de Fabian Schär – avant de relever le rythme de leur propre jeu. « À Bâle, nous devrons montrer plus de solidité et plus d’agressivité », avoue le sélectionneur suisse avant de continuer : « Les Irlandais, avec leur style de jeu – longs ballons et contrastes – restent un danger réel. Nous devrons retrouver notre fraîcheur et tirer définitivement bénéfice de tout ce que nous avons accompli jusqu’ici. » Aussi, Petkovic souhaitera concéder le moins possible à une équipe qui est – à le dire – loin d’être hors course : « Après le pénalty, nous nous sommes quelque peu relaxés et c’est justement ce que nous aurions dû éviter face à une équipe comme l’Irlande du Nord. Cela nous servira désormais comme leçon pour le match retour, lors duquel nous devrons chercher à maintenir le ballon au plus longtemps possible, dominer le plus possible nos adversaires pour valider notre qualification, sans trop souffrir. »
Les émotions nord-irlandaises voyageront à Bâle
Quoi qu’il en soit, à contre-courant, voilà pourquoi la Suisse n’est pas à l’abri. Au-delà de (l’assez maigre) avantage au score – un but à l’extérieur “comptant double” – l’Irlande du Nord couve en elle des émotions perdues depuis plusieurs années, trois décennies convient la presse locale; des émotions qui dépassent même un très bon parcours européen lors du dernier Euro en France courant juin 2016. L’Irlande du Nord, sous la cape de Michael O’Neill a appris à revivre, à dépasser ses peurs, à respecter son rang et ce, au travers de toute épreuve. Ce n’est pas un hasard – sans doute un peu aussi, mais là n’est pas la question – que Steven Davis fête au Windsor Park sa 100e cape avec la Green and White Army, sa 50e en tant que capitaine. Ce n’est pas un hasard si le Belfast Telegraph raccroche la double confrontation des présents barrages à toute histoire belle à raconter, histoire de narrer une réussite que l’on peut sans doute provoquer avec le cœur et la passion. Ce n’est pas un hasard aussi que chaque individualité au sein de l’équipe nord-irlandaise en va de son histoire personnelle pour prouver qu’elle mérite, depuis le temps – 1986 et la Coupe du Monde au Mexique – l’accès tant espéré à la plus prestigieuse compétition internationale pour un pays. Aussi, si la combattivité, la hargne, l’esprit guerrier de l’effectif de Michael O’Neill se sont subitement effondrés ce jeudi soir à Belfast, l’Irlande du Nord n’a pas pour autant perdu sa passion et son amour pour le maillot vert. Et cela est sans doute le danger le plus grand qui se cache dans l’ombre de l’Équipe de Suisse, qui aurait le plus grand tort dès lors de se projeter prématurément en Russie. La 101e cape du capitaine Steven Davis peut tout autant être porteuse, la longue expérience en Premier League de Jonny Evans n’en tombera pas dans la désuétude en trois jours. La belle reconversion de Josh Magennis – de gardien de but à attaquant – n’a, elle aussi, pas perdu de sa signification. La belle renaissance du portier Michael McGovern avec son équipe nationale peut encore perdurer. Et enfin, le retour de Kyle Lafferty en Suisse – après avoir joué au FC Sion de 2012 à 2013 – peut forger le retour en grâce de la Norn Iron à Bâle. Visiblement, tout le monde en conviendrait en Irlande du Nord : les belles émotions tiennent parfois à peu de choses.