Du Windsor Park, Belfast (Irlande du Nord)
L’Équipe de Suisse a fait un premier pas pour la qualification à la Coupe du Monde 2018 en Russie. En dominant l’Irlande du Nord au Windsor Park de Belfast (0-1) sur un pénalty sifflé par erreur et transformé par le latéral droit du Milan AC Ricardo Rodriguez, les hommes de Vladimir Petkovic n’auront désormais qu’à conclure au Parc Saint-Jacques de Bâle dimanche soir. Mais si la Suisse ira en Russie, sa qualification sera sans doute marquée par quelques mythes.
↘ Revivre la rencontre du Windsor Park de Belfast en 100 images.
Les belles aventures seraient souvent basées sur des mythes. La belle épopée de l’Équipe de Suisse le sera sans doute également. Pas besoin d’aller chercher trop loin; un hypothétique carton rouge pour Fabian Schär pour une intervention assez musclée sur Stuart Dallas (5e) au début de la rencontre aurait pu écrire un premier chapitre cocasse, dramatique – ou dramaturgique – à l’histoire suisse sur sa route pour la Russie. Mais tout le monde rappellera certainement les faits – un pénalty généreusement accordé à l’heure de jeu (58e) – et se contentera de mémoriser l’ire (une déception sévère) de Michael O’Neill en conférence de presse. Le contraste est pour le moins éclatant pour le sélectionneur de la Norn Iron, lequel sourire a laissé place à une amère frustration au Windsor Park. « Awful », martelait-il. « Le pire arbitrage que nous aurions pu avoir ce soir. » Certes, dans le camp suisse, personne n’aborde véritablement le sujet, préférant miser sur la qualité globale du jeu et l’apport vraisemblablement positif d’une jeunesse montante qui a pris ce barrage pour son compte. La titularisation de Denis Zakaria – sa première –, Steven Zuber ou encore Manuel Akanji a certainement eu l’effet escompté; de la rapidité, du calme et de l’envie, tout ce qui a su porter la Suisse à la victoire ce jeudi soir. Il n’est pas fallu de beaucoup plus, quand bien même les hommes de Vladimir Petkovic ne s’eurent procuré que très peu d’occasions sur l’ensemble de la rencontre, la plupart en première période. Deux tirs au-dessus de la barre transversale de Granit Xhaka (10e et 12e) – à chaque fois parfaitement servi par Steven Zuber – et une déviation du bout du pied – lente et peu menaçante – d’Haris Seferovic sur un long ballon de Xherdan Shaqiri (18e). Puis ? Plus grand chose, du moins à l’encontre de Michael McGovern, sinon un tir insidieux – propre à son style – de Xherdan Shaqiri dès les premières seconde de la reprise qui passe de peu au-dessus du but (46e).
« Nous avons su rester attentifs en toute circonstance, même s’il y avait la place pour mieux faire »
Valon Behrami, milieu défensif de l’Équipe de Suisse
La prestation suisse a été limitée à un jeu de patience, où aucune des longues contributions – vers Zuber, Seferovic, parfois même Dzemaili – ne parvinrent à dévoyer la résistance solidement érigée de l’Irlande du Nord. Bien sûr, en ces situations, dans une configuration de jeu nettement tournée vers la défense (37% de possession de balle seulement), l’Irlande du Nord se complait à contempler les mouvements adverses. Le travail de relai du capitaine Steven Davis, qui a fêté sa 100e cape avec la Norn Iron ce jeudi soir, est par ailleurs évocateur de l’économie générale de l’exercice irlandais. Peu d’ouvertures et une rapidité en contre par l’intermède de l’ex-Sion Kyle Lafferty. Mais relativement peu de pugnacité pour ce premier jet. Par là, la Green and White Army n’a pu s’en remettre qu’à la puissance purement exogène de la qualité proprement footballistique; un Windsor Park paré de vert et de blanc – sonnant comble (18’269 spectateurs) –, qui a, par le chant, exhorté de son mieux son équipe nationale, dont le rêve est tombé, à défaut de n’être encore anéanti. La Suisse a dès lors un pied en Russie mais encore faut-il réaliser le pas manquant. En cela, rien n’est encore définitif. Mais le passif suisse dans la citadelle nord-irlandaise parle en faveur des hommes de Vladimir Petkovic. « C’était un match difficile, nous avons créé quelques occasions dans les premières minutes de la rencontre mais notre jeu a été entrecoupé par leurs nombreux longs ballons sur coups de pied arrêtés. Nous avons su rester attentifs en toute circonstance, même s’il y avait la place pour mieux faire », constatait néanmoins Valon Behrami – pas même inscrit sur la feuille de match – au terme de la rencontre. Oui, la Suisse aurait pu assurer une marge avant le retour de dimanche soir à Bâle. Mais les choses auraient également pu être pires.
« Ces ballons qui tombent dans les 16 mètres »
Deux coups-francs, oui – sans doute les plus spécieux – de Chris Brunt dans le courant de la 71e minute eurent en effet, à l’image des nombreux précédents, altéré la sérénité de Yann Sommer. Sur le centre en profondeur de Brunt, une reprise de Josh Magennis manque certainement de peu de rétablir un équilibre. Anecdotique dans l’ensemble d’une rencontre où les occasions furent maigres mais le premier danger – celui qui n’épargnera pas la Suisse au match retour – se dérobe sous le jeu aérien de Kyle Lafferty et de l’ancien gardien reconverti Josh Magennis. À ce titre, chaque faute commise dimanche au Parc Saint-Jacques – tactique ou involontaire – prêtera à la Norn Iron une occasion de se racheter d’un match aller décevant. « Tous ces ballons qui tombent dans nos seize mètres sont décidément très dangereux, nous ne pourrons nous permettre de baisser notre attention », consent le portier de l’Équipe de Suisse Yann Sommer. Reste, que la Suisse sait désormais comment gérer ce genre de situations; « nous avons su défendre et c’est une très bonne chose de n’avoir subi aucun but. Ils ont forgé notre patience. Dans ce genre de matches, la concentration doit rester maximale », ajoute-t-il. Aussi, malgré le retard accumulé – un but à l’extérieur – d’aucuns pensent que Michael O’Neill puisse véritablement changer (et ce drastiquement) la teneur du jeu nord-irlandais en trois jours. « Pour eux, rien ne changera en essence – lâche Valon Behrami avant de continuer – C’est une équipe qui joue son jeu en toutes circonstances et qui misera toujours sur de longs ballons, malgré une possession de balle proche des 30%. Le danger restera le même au match retour. L’on ne change pas en trois jours. » Des propos qui concordent, ceux de Stephen Lichtsteiner: « Je ne pense pas qu’ils puissent changer véritablement leur manière de jouer. Donc nous aurons à maintenir les même bases que nous avons démontrées ce soir. Si nous y parvenons, nous serons certainement sur la bonne route. »
« Ce n’est pas une prestation complète; elle l’aurait été si nous étions parvenus à marquer le 2-0 »
Stephan Lichtsteiner, latéral droit de l’Équipe de Suisse
Alors qu’en est-il de ce match aller au Windsor Park ? « C’est une belle soirée », assure, tout sourire Denis Zakaria en zone mixte. Incontestablement oui, nul ne pourrait le contredire. « C’était un combat avec beaucoup de duels physiques », aiguillonne même Yann Sommer avant de poursuivre: « Nous étions compacts et nous avons produit de la qualité balle au pied. Nous sommes restés calmes et n’avons fait aucun cadeau à l’adversaire. » Le latéral de la Juventus consent tout naturellement: « Nous avons beaucoup créé pour finalement ne marquer qu’un seul but, sur pénalty [58e]. Certes, ne pas prendre de but derrière est l’œuvre d’une très bonne défense et d’une bonne organisation de jeu globale. » Mais le sentiment persiste au sortir du stade national de Belfast que la prestation ne fut en aucun cas pleine, à défaut d’être satisfaisante. Bien que maîtrisée, dominée – techniquement et statistiquement – sur tous les secteurs de jeu, la rencontre de la Nati n’a toutefois pas trouvé le point de grâce, celui qui lui aurait permis d’appréhender avec un confort majeur la deuxième manche des barrages. « Ce n’est pas une prestation complète – ne manque de préciser Lichtsteiner – Elle l’aurait été si nous étions parvenus à marquer le 2-0. Mais dans l’ensemble, nous avons su produire du très beau jeu pendant 65 minutes et nous devons repartir de là et bien récupérer physiquement. Si la victoire est l’aspect le plus important de la soirée, nous devons garder à l’esprit que dimanche, nous devrons maintenir le même niveau de jeu présenté ce soir. » « Nous ne changerons rien – consent à son tour Yann Sommer – Nous devrons prendre le contrôle du jeu et limiter au plus les occasions de balles arrêtées. Nous savions que nous n’aurions pas beaucoup d’occasions, c’est toujours le cas d’ailleurs pour tout adversaire qui a à affronter l’Irlande du Nord. Nous savons néanmoins qu’en jouant avec un certain calme, les ouvertures se présenteront tôt ou tard. » D’autant plus, qu’au Parc Saint-Jacques, les conditions de jeu seront justement inversées: « Le soutien de notre public nous sera un très grand avantage », complète alors Valon Behrami.
Des jeunes remplaçants prometteurs
« L’équipe a fait une très belle prestation et doit garder la même confiance pour le retour. Pour un match comme celui-ci, où la pression était haute, la jeunesse a montré son grand talent. Au final, à le penser ainsi, j’espère que ma présence ne sera pas rendue nécessaire. » Valon Behrami repart de là; sa blessure qui le rend encore largement incertain pour le dernier assaut à Bâle et – en contrepartie – la preuve de grande solidité des quelques jeunes joueurs immédiatement placés dans le bain des barrages au Windsor Park. Ingénieux de la part de Vladimir Petkovic qui eut toujours fait confiance à l’agilité de Steven Zuber, la maîtrise toute en finesse de Denis Zakaria ou encore la maturité inouïe de Manuel Akanji. Tous trois ont parfait leur jeu, qui dans la verticalité, qui dans la récupération du ballon, qui – finalement – dans une position (presque) inconfortable de dernier rempart. « Les jeunes ont fait un très bon match. Manu [Akanji] derrière a joué avec la rigueur qui lui était imposée. Il a joué avec son expérience et nous nous comprenons parfaitement tous les deux », confirme le portier suisse Yann Sommer. « Puis, Denis [Zakaria] – je le connais de Gladbach [ndlr, ils jouent ensemble au Borussia Mönchengladbach] – a une très belle situation en ce moment. Il joue très bien et avec beaucoup d’humilité. Il s’impose physiquement dans les duels et aide vraiment l’équipe. C’est toujours bon quand nous retrouvons en notre sein des jeunes joueurs qui apportent leur maturité dans le jeu. Ce n’était pas un match simple et ils s’en sont très bien sortis », continue-t-il. À en croire, il réussirent à eux trois, à éclipser les prestations (très) moyennes de plusieurs individualités. En effet, tant Haris Seferovic que Blerim Dzemaili – et dans une moindre mesure Xherdan Shaqiri – ont peiné à se démarquer jeudi soir, plongeant de longues minutes durant, l’Équipe de Suisse dans l’inconnu. Mais l’essentiel, encore une fois, fut sauf. Tant mieux.
« Avoir le pays derrière soi est une sensation indescriptible »
Denis Zakaria, milieu de terrain de l’Équipe de Suisse
Toujours est-il que pour sa première titularisation avec l’équipe nationale suisse, Denis Zakaria a parachevé la première étape d’une longue évolution dans l’entourage de Vladimir Petkovic. Autant dire, son transfert de Young Boys au Borussia Mönchengladbach l’a véritablement établi telle une référence de poids pour le sélectionneur national. Une expérience que le Genevois peaufine et acquiert de manière différente auprès des cadres de l’Équipe de Suisse: « J’apprends sans cesse avec les grands joueurs qui m’entourent, comme Granit [Xhaka]. Ils m’aident beaucoup et je m’en inspire véritablement. » De par ses interventions solides et décidées, Zakaria a même prouvé avoir les épaules solides pour un tel match à enjeu: « Au début du match, l’on a, c’est vrai, une petite boule au ventre. Mais jouer un match international n’a pas la même saveur que de jouer en club. Avoir le pays derrière soi est une sensation indescriptible. Je pense avoir bien fait ce soir et je vais continuer à travailler pour poursuivre l’aventure avec l’équipe nationale. » Au final, un cantique suisse entonné en chœur par les onze titulaires et, une fois n’est plus coutume, il a été chanté juste. Même au Windsor Park. « J’ai ressenti une très grande fierté au moment de l’hymne national. Avoir la chance de jouer est une très grande joie. Je vais me battre pour ce maillot rouge et j’espère que cela va continuer, même si je ne peux pas encore me projeter pour l’instant », conclut-il.
Les faits de match: Irlande du Nord v Suisse, 0-1 (0-0) Composition de l'Équipe de Suisse: Yann Sommer, Stephan Lichtsteiner ©, Fabian Schär, Manuel Akanji, Ricardo Rodriguez, Denis Zakaria, Granit Xhaka, Steven Zuber (87e Admir Mehmedi), Blerim Dzemaili (83e Fabian Frei), Xherdan Shaqiri et Haris Seferovic (78e Breel Embolo). Entraîneur: Vladimir Petkovic. Composition de l'Irlande du Nord: Michael McGovern, Chris Brunt, Jonny Evans, Gareth McAuley, Conor McLaughlin, Corry Evans (65e George Saville), Steven Davis ©, Oliver Norwood, Stuart Dallas (52e Jamie Ward), Josh Magennis et Kyle Lafferty (78e Conor Washington). Entraîneur: Michael O'Neill. Buts: 58e Rodriguez (P)(0-1). Notes: Windsor Park, Belfast (Irlande du Nord). 18'269 spectateurs. Suisse sans Johan Djourou, Jean-François Moubandjé et Valon Behrami (blessés). Arbitre: Ovidiu Haţegan (ROU).