Du Windsor Park, Belfast (Irlande du Nord)
De la sérénité, des murmures et du charmant silence à Belfast. Au bord de la Lagan, à la découverte du Titanic Quarter, l’on croirait tombée une douce harmonie sur les rives du fleuve, là où s’entrecroisent lumières peu abondantes et reflets nocturnes. Pourtant, au loin, Donegall Avenue, Michael O’Neill et Vladimir Petkovic ne se font aucune concession par conférences de presse interposées. L’heure est plus grave qu’elle n’y parait. À Belfast.
À Belfast, il y a du calme. Une sérénité que l’on penserait plus animée, plus électrique. Dans les rues de la capitale nord-irlandaise, quelques Suisses se baladent, invisibles pourtant dans la nuit britannique. Ils seront pourtant 900 à supporter leur équipe nationale au Windsor Park ce jeudi soir, un premier affront dans un stade qui comptera peu moins de 18’000 Irlandais. Mais en attendant, mardi soir, 20 heures, à 48 heures de la première étape des barrages pour la Coupe du Monde en Russie, Belfast reste muette, effacée, silencieuse. Dans les rues, la vacance est la règle, la sérénité en maîtresse. La Lagan, aux alentours de la Lanyon Place ou du bien connu Titanic Quarter, murmure ses vagues, dans une atmosphère froide mais pas glaciale. Les reflets de la capitale sont eux-mêmes subtils, presque imperceptibles. Cette Belfast-ci est accueillante en ce qu’elle retient d’attention à ses curieux touristes. L’on en retire pourtant rien, presque rien sinon une quiétude avant la légère tempête. Pourtant, l’enjeu est crucial, loin d’une sérénité partagée sur les rives du fleuve.
« L’aspect physique est très important surtout lorsque nous jouons deux matches à trois jours d’intervalle »
Michael O’Neill, sélectionneur de l’Irlande du Nord
L’âme fraîchement adoucie par le soufflet du zéphyr, la direction de Donegall Avenue est plus rude. C’est dans ce territoire (déjà exploré quelques fois) que l’Équipe de Suisse s’apprête à défier les derniers écueils d’une route subitement tortueuse pour l’accès à la Coupe du Monde 2018 en Russie. Explorées oui, même si pas exactement dans cette même enceinte rénovée du Windsor Park. À l’époque, en 1993 déjà, un Petkovic (l’ancien national yougoslave de 1968 à 1974, Ilija) y avait foulé ses premiers pas d’entraîneurs… du FC Servette. Ce fut alors une Coupe Européenne de l’UEFA, fort logiquement. Et les Suisses déjà y jouaient une qualification primordiale, ressentie dans l’entier pays, à en croire les dires. Le FC Servette y avait alors ramené un très bon 0-0 de Belfast, là-même où ils avaient réussi à défier des conditions météo dantesques ; une pluie, un vent, tout ce que l’on attend des conditions climatiques au cœur du Royaume-Uni. L’Équipe de Suisse n’en fait certes pas son affaire. Elle s’est entraînée ce mercredi après-midi sur la pelouse d’une citadelle très interdite, ceci même après la traditionnelle conférence de presse de Vladimir Petkovic, accompagné de deux de ses titulaires indiscutables Xherdan Shaqiri et Yann Sommer. Le tout sans bien sûr révéler un quelconque indice de sa probable formation du lendemain. Quant à l’Irlande ? Tout baigne. Sourire aux lèvres, Michael O’Neill et son équipe continuent de nourrir l’espoir de ce que l’on présente déjà comme un véritable exploit. « Nous devons nous donner toutes nos chances pour gagner ces barrages – affirme-t-il devant la presse mercredi matin avant d’aborder le caractère physique de cette double confrontation – L’aspect physique est très important surtout lorsque nous jouons deux matches à trois jours d’intervalle. Le staff et les préparateurs physiques auront aussi leur travail à faire également. » Il n’omet toutefois pas la qualité technique d’un adversaire qui eut gagné neuf de ses dix rencontres de groupe lors de la présente campagne de qualifications. Lui, averti, reste sobre: « La Suisse est une formation très consistante avec de très bons joueurs à l’image de [Granit] Xhaka et [Xherdan] Shaqiri. » Mais garde son sens de l’humour, comme certain des possibilités que lui offre un Windsor Park comble.
Windsor Park, un antre peu commode
« Belfast est un endroit particulièrement spécial, pour nous et pour chaque adversaire que nous ayons à affronter. Les joueurs sont réellement soutenus et cela nous octroie une réelle opportunité pour prendre une quelconque avance. Tout le monde sait ce que cela signifie de jouer ici. J’ai la conviction de pouvoir bien faire. » Michael O’Neill a une qualité irréprochable qui orne sa personnalité, depuis l’annonce de la confrontation au siège de la FIFA, déjà: sa confiance indéfectible à toute épreuve. Chez Vladimir Petkovic, au contraire, le visage fermé jusqu’au bout, annonce impavide – mais non moins sans assurance – les ressors d’une première manche… peu commode. « Nous devrons jouer avec la motivation adéquate demain soir – lâche le technicien tessinois avant de poursuivre – Nous devrons mettre en jeu ce que l’on entraîne chaque jour à 23. Nous essaierons d’imposer notre volonté au mieux durant le match et devrons être très concentrés sur nos performances tout au long du week-end. » Le portier de l’Équipe de Suisse Yann Sommer, parfois décrié ces derniers jours, confirme bien l’état d’esprit de l’ensemble du collectif: « Nous devons démontrer que nous réagissons avec autorité dans les instants les plus importants – lâche-t-il – Nous devons essayer d’apporter sur le terrain la même mentalité démontrée tout au long de nos neuf premiers matches de qualification. Mais l’équipe est décidément prête pour cela. »
« Nos 23 sélectionnés sont engagés. À part Behrami, tout le monde pourrait avoir sa chance demain »
Vladimir Petkovic, sélectionneur de l’Équipe de Suisse
En réalité, Vladimir Petkovic devra composer avec une défense démunie de plusieurs de ses individualités. Avec les absences de Johan Djourou (blessé à un genou) et Jean-François Moubandjé (cheville) – sans compter l’affaire Behrami –, nul doute que les choix de Vladimir Petkovic se restreignent à quelques heures de délivrer son onze de base au Windsor Park. Mais il se tient prêt pour l’occasion. « Nos 23 joueurs sont engagés avec leur équipe nationale. Seul [Valon] Behrami est incertain. Pour le reste nous sommes confiants. Nous testerons une dernière fois l’état physique des joueurs lors de la séance d’entraînement de ce soir. Tout le monde peut avoir sa chance demain », confirme Petkovic. Et si les déboires – temps de jeu insuffisant avec leur club respectif – de Breel Embolo (Schalke 04) et Haris Seferovic (Benfica Lisbonne) pouvaient finalement peser dans les choix du sélectionneur, qu’en serait-il ? Peu importe balaierait à l’instant Vladimir Petkovic. Face à la “Green and White Army”, une seule chose comptera: « Offrir une autre mentalité et un autre football que celui présenté à Lisbonne il y a un mois. Je dois voir après cette séance pour véritablement connaître mon onze de base. Mais nous devrons offrir beaucoup de respect à cette équipe d’Irlande du Nord et combattre avec notre propre style de jeu. »
« Kyle [Lafferty] est un joueur très important pour nous. Ses buts, sa très bonne forme et sa vision du football nous portent immanquablement »
Michael O’Neill, sélectionneur de l’Irlande du Nord
De l’autre versant, il est un joueur qui est véritablement capable d’animer les espoirs de la “Norn Iron”. En effet, l’ancien joueur du FC Sion, Kyle Lafferty, fait partie de ces individualités inaltérables du contingent nord-irlandais. « Kyle [Lafferty] est un joueur très important pour nous. Ses buts, sa très bonne forme et sa vision du football nous portent immanquablement. Pour moi, il reste l’un de joueurs les plus fédérateurs au sein de notre groupe », avoue Michael O’Neill quelques heures plus tôt. Autant dire également qu’avec son capitaine Steven Davis – qui fêtera sa 100e cape avec sa sélection nationale – l’armée verte et blanche se présentera avec ses meilleures éléments jeudi soir au Windsor Park. « Nous devons nous donner les meilleures opportunités pour notre retour à Bâle. Pour être honnêtes, nous pouvons y parvenir si nous restons concentrés sur nos performances », concluait alors le sélectionneur nord-irlandais.
Xherdan Shaqiri, le meilleur atout suisse ?
« C’est un défi de l’entière équipe et je la soutiendrai du mieux possible », répond Xherdan Shaqiri. « Demain soir, sur le terrain, nous agirons en tant qu’équipe ». L’attaquant de Stoke City valorise bien le collectif mercredi après-midi en conférence de presse, aussi car le rythme effréné des barrages est un écueil que l’on ne surmonte qu’en équipe. « Ce seront de belles épreuves pour notre jeu et le public, où qu’il soit, nous sera d’une aide très importante. Nous jouons notre qualification pour la Coupe du Monde en Russie et tout peut advenir ces trois prochains jours. Nous gardons en vue de réaliser le meilleur résultat possible et donc nous jouerons pour gagner ici à Belfast. Je suis convaincu que nous avons de réelles chances de qualification dans ce double affrontement avec l’Irlande du Nord », confie-t-il, naturellement (et justement) optimiste pour ces barrages. Aussi, faut-il garder à l’esprit d’où vient cette Équipe de Suisse. « Nous avons totalisé 27 points [ndlr, lors de l’entière campagne de qualification de septembre 2016 à octobre 2017]. C’est comique que nous en soyons encore ici. Nous sommes naturellement déçus mais ce que nous avons à faire désormais est rendre grâce à ce que nous avons déjà réalisé. »