Ce 1/16e de finale de Coupe de Suisse, à la réception d’un FC Lucerne en confiance, a passablement fait respirer aux hommes de Meho Kodro le parfum d’une Super League que les Grenat ne connaissaient plus depuis quelques années au Stade de Genève. Douchés sur une réussite de Shkelqim Demhasaj à l’heure de jeu (61e), Servette aurait pu espérer mieux d’une rencontre qu’il a dominée presque dans son intégralité. Seule une baisse d’intensité dans le courant de la deuxième fraction de jeu a cloîtré les espoirs fondés des Genevois de renverser Lucerne. Un pénalty nié à la 93e sur Willie aurait même pu déclencher les prolongations.
Il n’est pas aisé de se défaire des meilleurs, même quand ceux-ci sont dans l’expectative et s’assurent – avec quelque once de maîtrise – un résultat satisfaisant sans dominer ni même presser avec constance l’adversaire. Le FC Lucerne, quatrième de la présente Super League, s’est préservé l’essentiel au Stade de Genève, renversant le Servette FC chichement 1-0 en seizièmes de finale de la Coupe de Suisse. Et autant dire que les Grenat n’ont jamais donné l’impression d’être séparés d’une division d’écart avec leurs adversaires, tant le jeu collectif et les performances individuelles des hommes de Meho Kodro furent à la hauteur des espérances, manquant l’exploit d’un rien. Animés par une ambition d’élite, les Grenat ont tout mis en œuvre samedi après-midi pour mettre en difficulté le FC Lucerne à la Praille, et ce dès les premières minutes de la rencontre. Le double poteau coup sur coup de Matias Vitkieviez et Miroslav Stevanovic dès la 5e minute de jeu, suite à une ouverture intelligente du premier pour Florian Berisha sur la droite, ont dans un premier temps permis aux Grenat de mesurer toutes les opportunités dont ils pouvaient bénéficier en contre. Quant au FC Lucerne, il fut en repérage dans une première fraction relativement pauvre en émotions; une seule occasion à dénombrer dans la première demi-heure. Daniel Follonier, bien servi par Francisco Rodriguez, manqua complètement sa frappe, pourtant de bonne position (25e), dans l’axe face au but.
« À aucun moment du match, j’ai senti que Servette était inférieur »
Meho Kodro, entraîneur du Servette FC
Aussi faut-il noter un bloc défensif solide du Servette FC qui n’hésite point à s’en remettre aux expérimenté Sally Sarr et Anthony Sauthier pour défendre la cage de David Gonzalez, aligné à la place de Jérémy Frick. En outre, les titularisations de Matias Vitkieviez et Kastriot Imeri ont bien vocation à assurer une résistance ressentie de la part du club Grenat, quand bien même la mise au repos de Christopher Mfuyi, Fabry et Sébastien Wüthrich (sur le banc), ainsi que Mirsad Hasanovic et Alexandre Alphonse (ménagés en vue du deuxième choc au sommet de Challenge League mercredi face à Neuchâtel Xamax FCS) – ce dernier étant légèrement touché au mollet – eurent permis à Meho Kodro d’assurer une relève aguerrie à ses premiers choix. Et même dans cette configuration, Servette eut fait honneur à ses compétences: « Mon sentiment après ce match est très bon puisque nous avons démontré pouvoir concurrencer toutes les équipes, y compris celles de Super League. Les joueurs s’en sont donnés à cœur joie et notre plan de jeu a été respecté. À aucun moment dans le match, j’ai senti que Servette était inférieur », affirme Meho Kodro, aux sentiments mitigé mais toutefois satisfait au terme de la rencontre. Aussi, la performance du jeune Kastriot Imeri (classe 2000), aligné aux côtés de Boris Cespedes sur la ligne médiane, ne sont pas négligeables. Comptant, en plus, la titularisation de Florian Berisha, bien qu’encore imparfait dans quelques uns de ses mouvements – notamment avec quelques erreurs de coordination et d’entente avec Steven Lang dans les phases de contre-attaque – l’ensemble du milieu de terrain – dans sa forme inédite – a l’honneur consenti du staff servettien. « Je suis très content des deux; avec son dynamisme et son physique, Kastriot [Imeri] aurait peut-être pu gagner plus de ballons au milieu de terrain. Avec Boris [Cespedes], cela fait plaisir de voir deux jeunes joueurs qui puissent se battre aussi bien face à une équipe de Super League. Ils doivent tous continuer sur cette voie… », explique Meho Kodro. De quoi même alimenter la satisfaction générale de l’entraîneur servettien au terme de la rencontre: « Il me reste un sentiment heureux – même si mitigé vers la fin – de cette rencontre car il en ressort une prestation plus que correcte pour nous et je félicite mes joueurs qui ont donné de leur effort dans ce match très difficile. »
Une perte d’intensité qui coûte cher
Servette a pris sa chance, immanquablement. De retour des vestiaires, sur une talonnade précise de Matias Vitkieviez, Miroslav Stevanovic manque à nouveau d’ouvrir la marque d’un tir qui passe de peu au-dessus de la transversale (54e). Rien à dire dans l’absolu; le niveau de jeu est appréciable et la construction des actions se veut précise et peu ancrée dans une précipitation inutile. Et puis, les Grenat ne concèdent que très peu. Trop peu pour les hommes de Markus Babbel qui n’usent d’autres armes que la patience et l’aura de certains de leurs cadres, à l’image de Tomi Juric, Christian Schneuwly ou encore Francisco Rodriguez dans les couloirs. Toujours est-il que la voie vers le but servettien est sinueuse et relativement bien gardée. David Gonzalez a tout de même dû se détendre pour dévier en corner une frappe croisée à mi-hauteur de Tomi Juric (57e). Mais à n’en croire, ce Lucerne manque presque d’ambition, sinon d’énergie et de sa créativité habituelle pour respecter le rang d’écart – à peine visible techniquement – face à l’effectif revisité de Meho Kodro. Pourtant, il s’en est fallu de bien peu pour le FC Lucerne. En quelques accélérations peu avant l’heure de jeu, au-delà de la conclusion de Juric, les hommes de Marcus Babbel trouvent un point de faille dans la résistance genevoise et cela ne leur pardonnera pas; l’expérience de Francisco Rodriguez, proposant un centre raz-terre et précis à la lisière de la petite aire, permet à Lucerne de mener dès l’heure de jeu par son buteur international suisse M21, Shkelqim Demhasaj (61e).
« Ils ne nous ont pas fait grand mal, sinon sur l’action du but [61e] »
Meho Kodro, entraîneur du Servette FC
Une réalisation qui contraste véritablement le cours du jeu et qui marque sans doute une période de transition pour Servette puisque ce sera le moment choisi par Meho Kodro de proposer, pour la première fois sous ses nouvelles couleurs, le réalisme de Dominique Malonga sur le terrain de jeu, avant d’aligner quelques minutes plus tard le second Stevanovic, de retour de blessure. « Dans la première fraction, nous avions vu que nous pouvions les presser plus haut. Nos lignes étaient un peu basses et c’est ce que nous avons essayé de corriger à la mi-temps. Mais il faut aussi prendre en compte que l’adversaire – de qualité qu’il est – a joué. Dans les cinq ou dix minutes où Lucerne jouait plus, il fallait bien s’unir et laisser passer la tempête parce que dans l’ensemble, ils ne nous ont pas fait grand mal, sinon sur l’action du but [61e] », concède Meho Kodro, suivi dans sa réflexion par son défenseur Sally Sarr: « Nous avons fait un bon match face à une Super League. Nous avons vu durant une très bonne première mi-temps et pendant tout le match que nous pouvons rivaliser. Nous n’avons pas beaucoup vu leurs attaquants et c’est sur une erreur de notre part – un contre que nous avons mal géré – que nous prenons un but. Rodriguez met un bon ballon entre nous et le gardien et dans ces cas, il est très difficile de défendre. Nous étions bien ensemble, nous nous sommes parlés et cela est très important. Mais il nous faut continuer sur cette lancée pour que nous puissions véritablement atteindre nos objectifs. »
« Inévitablement, nous n’avons pas encore l’expérience de Lucerne »
Kastriot Imeri, milieu de terrain du Servette FC
Il y a eu une période de remous pour le Servette FC. Dans une gestion presque parfaite de la rencontre, c’est sur une courte période de déconcentration, d’inattention que Lucerne a frappé. Et là, relève peut-être ce manque latent d’expérience qui aurait pu permettre à Servette de tenir le score jusqu’au terme des 90 minutes. « Il y a eu un coup de mou, oui. Mais rien de plus normal, étant donné que nous étions présents durant tout le match. Nous avons tous fait d’énormes efforts pour l’équipe mais l’intensité n’est pas la même qu’en Challenge League et cela s’est vu. Dans ce genre de rencontres, il nous est nécessaire de rester concentrés 95 minutes », concède Sally Sarr. En reculant toujours plus, laissant la liberté aux Lucernois de presser plus haut sur le terrain, les Grenat se sont livrés au danger. « Surtout en deuxième mi-temps, nous avons vu que la Super League et la Challenge League, ce n’est pas la même intensité. Il ne fallait pas céder trop de terrain face à eux mais, inévitablement, nous n’avons pas encore l’expérience de Lucerne. Ils ont su accélérer et redoubler d’intensité après la pause », lâche pour sa part le jeune de 17 ans Kastriot Imeri. Il y eut du mieux physiquement toutefois avec l’entrée de Dalibor Stevanovic et Dominique Malonga, tous deux invitant leurs coéquipiers à plus de profondeur. Mais le tranchant dans la dernière zone a manqué et Servette n’eut jamais plus l’opportunité de revenir au score. Sinon à la 93e !
Une déception certaine
Willie, entré à dix minutes du terme remplaçant un excellent Matias Vitkieviez, est stoppé net dans son élan par Simon Grether en pleine aire de réparation (93e). Fedayi San refuse pourtant l’inéluctable; dans tous les angles, la faute du Lucernois est évidente. « Nous avions de grandes opportunités en première mi-temps et nous avons parfois manqué de profondeur – rappelle Meho Kodro avant de poursuivre – Nous aurions pu faire plus. Mais le pénalty de la dernière minute était sacro-saint, selon mon avis toujours. Et ce pénalty, sifflé, nous aurait ouvert un monde de possibilités; une expulsion [de Simon Grether], une égalisation et trente minutes de plus à jouer. Il n’y a pas de discussion pour moi, même sous prétexte qu’il y ait pu y avoir un pénalty nié pour Lucerne en première période. Si l’arbitre a équilibré la balance en ne sifflant pas [sur Willie], c’est totalement injuste. » De manière posée, l’entraîneur du Servette FC ne crie à aucun scandale, justifiant une conviction personnelle qui pourtant, preuve à l’image, reste indubitable.
« Malgré la défaite, nous parviendrons à retenir les points positifs de cette rencontre »
Sally Sarr, défenseur central du Servette FC
La situation finale ne fait pas polémique au terme de la rencontre. Du moins pas en zone mixte où la philosophie et la confiance du groupe servettien, dans son entièreté, prédomine sur un quelconque fait de match. « Nous avons une équipe avec beaucoup de qualités et avec l’envie montrée aujourd’hui, nous arriverons à nous approcher du meilleur niveau. Désormais, nous connaissons le niveau de la Super League, nous l’avons affronté ce soir – Lucerne est quand même quatrième et n’a perdu que contre Bâle. Nous avons un match très important mercredi [ndlr, face à Neuchâtel Xamax FCS au Stade de la Maladière] et il nous est impératif de rester dans la même mentalité pour peut-être ramener un très bon résultat de Neuchâtel », rappelle Sally Sarr, qui refuse pourtant toute logique dans la défaite des siens ce samedi après-midi à la Praille: « Nous allons apprendre de cette rencontre. Beaucoup nous disaient que nous n’avons rien à perdre mais, personnellement, je n’aime pas cette manière de voir les choses. Je préfère dire que nous avions tout à gagner. Ainsi, même malgré la défaite, nous parviendrons à garder les points positifs de cette rencontre. Avec la vidéo, nous pourrons sans doute avancer. » Une vision partagée par Meho Kodro pour qui l’élimination en Coupe n’est pas un fait positif même si celle-ci assure théoriquement à Servette la maximale concentration en championnat: « Je ne vois pas d’un œil positif le fait que nous n’avons désormais que le championnat sur quoi penser. L’on ne peut pas penser de cette manière quand l’on vient de perdre un match de Coupe que l’on pouvait gagner. Quand je vois ce que nous avons proposé et que cela pouvait presque suffire pour aller plus loin, je n’imagine même pas qu’il puisse y avoir un versant positif dans cette défaite », lâche-t-il. L’entraîneur servettien soutient pourtant toute l’importance de la prochaine rencontre de Challenge League face à Neuchâtel Xamax, rappelant l’essentiel: « Dès demain matin, nous penserons au match face à Xamax. Si nous arrêtons maintenant de pleurer... » De quoi promettre une vive réaction Grenat à la Maladière mercredi soir !
Les espoirs suisses à l’honneur au Stade de Genève
Au-delà de Kastriot Imeri (M18) et Shqelkim Demhasaj (M20), seul buteur lors du 1/16e de finale entre Servette et Lucerne, c’est l’entrée de Dereck Kutesa qui a attiré l’attention. Apparu à la 78e minute pour Francisco Rodriguez, l’international M20 (prêté par le FC Bâle jusqu’en juin 2018, conséquent au retour de Cédric Itten dans les rangs des Rhénans) s’est également fait l’auteur d’une rencontre quasi irréprochable.
« Après six années à Lucerne, la page est tournée. Je suis à Servette maintenant »
Sally Sarr, défenseur du Servette FC, ex-Lucerne
Sur le terrain, il y eut également un air de retrouvailles pour… Sally Sarr, ancien du FC Lucerne de 2011 à 2017 avant d’être transféré cet été au Servette FC. « J’ai fait six années à Lucerne mais je n’ai réfléchi qu’aux objectifs que je partage avec Servette », a affirmé le Franco-Mauritanien en zone mixte au terme de la rencontre. « Nous pouvons être déçus car nous pouvions gagner (ou du moins arracher les prolongations). Nous nous sommes créé quelques belles occasions – nous heurtons deux fois le poteau [5e] – et un but nous aurait pleinement changer le match. Mais nous n’allons pas refaire le match, nous n’avons qu’à en tirer les enseignements », a-t-il aussitôt détourné.
Les faits de match: Servette FC v FC Lucerne 0-1 (0-0) Composition du Servette FC: David Gonzalez, Anthony Sauthier ©, Sally Sarr, Nathan, William Le Pogam, Kastriot Imeri, Boris Cespedes (70e Dalibor Stevanovic), Florian Berisha (64e Dominique Malonga), Matias Vitkieviez (80e Willie), Miroslav Stevanovic et Steven Lang. Entraîneur: Meho Kodro. Composition du FC Lucerne: Jonas Omlin, Claudio Lustenberger ©, Tomi Juric, Daniel Follonier (70e Olivier Custodio), Marvin Schulz, Simon Grether, Christian Schneuwly, Shkelqim Demhasaj, Hekuran Kryeziu, Stefan Knezevic et Francisco Rodriguez (78e Derek Kutesa). Entraîneur: Markus Babbel. Buts: 61e Demhasaj (0-1). Notes: Stade de Genève, 2'747 spectateurs. Servette sans Mirsad Hasanovic et Alexandre Alphonse (non convoqués).