Sous la pluie battante, devant 13’600 spectateurs, la Suisse s’est imposée face à la modeste sélection de la Principauté d’Andorre (3-0), assurant également, dans le pire des scénarios, sa qualification aux barrages, éliminant quasi mathématiquement la Hongrie d’une dixième Coupe du Monde de son histoire. Cela fera la huitième édition de suite que les Magyars ne participeront pas aux poules de la compétition.
Il fallait tout de même souffrir quelque peu sur le terrain ce jeudi soir. Les conditions météorologiques n’aidant en rien la cavale des Suisses pour ouvrir la marque en première mi-temps, pénalisés par une surface de jeu lente – contrastant le pelage artificiel de l’Estadi Nacional à l’aller –, à la limite du communément impraticable, et une défense andorrane qui, par ses faibles moyens, s’attèlent à ne laisser aucun espace vierge dans la surface de réparation. Quelques conclusions, de Shaqiri en ouverture de rencontre (3e), puis de Seferovic (13e), bien servi par Granit Xhaka ou encore une tête de Mehmedi au quart d’heure passé (18e) mais la partie se tend quelque peu, sans que l’Équipe de Suisse ne parvienne à trouver la faille. Aussi le match perd quelque peu le rythme habituel des rencontres internationales, rendue nette à la demi-heure; une suspension de la rencontre étant demandée par l’arbitre pour le nécessaire drainage (de fortune) de la pataugeoire du Kybunpark. Mais il n’en tire pas moins quelques interjections de la part de Vladimir Petkovic. Du banc, il invite – par son calme habituel – à limiter les risques et à garder la confiance qui persiste au sein de l’effectif quelque peu remanié pour l’occasion. Son contingent est riche en individualités talentueuses et l’entraîneur sait tout aussi bien faire tourner son effectif, comme à Andorre. Avec Steven Zuber et de Manuel Akanji titulaires, Petkovic s’est permis le luxe de varier ses choix. Et cela, en réalité, n’a rien de surprenant. « Je mets dans mon onze de base les joueurs en forme du moment mais, surtout, je mets toujours sur le terrain les onze joueurs qui nous ferons gagner la rencontre », affirme, sarcastique en conférence de presse, le sélectionneur de la Nati.
« Avoir la même patience démontrée ce soir »
Vladimir Petkovic, sélectionneur de l’Équipe de Suisse
Il n’empêche, dans les faits, un match fermé, qui manque de régularité sous le déluge de Saint-Gall et une patience pour les Suisses qui s’est vue rudement mise à épreuve. « Il est presque inutile de faire une analyse de cette rencontre. Nous avons sans cesse essayé de varier notre jeu mais à la fin, une satisfaction culmine; les trois points sont acquis et aucune blessure ne s’est manifestée chez mes joueurs », lâche à nouveau Vladimir Petkovic avant de continuer: « Chaque match est un pas en avant. Aujourd’hui comme toujours et dimanche [ndlr, à Riga], nous devrons avoir la même patience que nous avons eue ce soir. Cela ne dépend que de nous, toujours tenter de trouver la voie du but et nous procurer des occasions. Comme ce soir. » Une vision partagée par Remo Freuler, dont la première titularisation en Équipe de Suisse fut une belle surprise (et une franche réussite): « Nous devrons toujours chercher de marquer le plus vite possible. Cela aide passablement de trouver la faille dès les premières (dix) minutes de jeu. Mais nous ne devrons pas être nerveux si nous n’y parvenons pas tout de suite. Nous entrerons sur le terrain avec confiance. »
Une efficience de mise malgré la météo
La délivrance est toutefois arrivée au terme d’une première période relativement peu disputée. C’est un centre parfait de Xherdan Shaqiri pour Haris Seferovic qui permet à l’avant-centre de Benfica de finalement débloquer le score (43e), après avoir entraîné le geste quelques minutes plus tôt (39e). Mehmedi, d’un tir lointain, et Seferovic – à nouveau sur un centre millimétré de Shaqiri – ont même manqué d’aggraver le score avant la pause, dans d’interminables minutes de jeu additionnelles (8). Le jeu en est ressorti altéré mais la solidité que l’on attendait de cette nationale a finalement pris le dessus sur d’effroyables conditions météo. Une pluie diluvienne qui a autant désavantagé Andorre que la Nati et ce ne fut pas terrible. Juste de jouer en la circonstance ? « Ce match pouvait aussi être reporté – concède Vladimir Petkovic – mais à présent, nous ne devons nous réjouir que des trois points gagnés. Jamais avec mon capitaine – Lichtsteiner – nous n’avons parlé de renvoi, même si après quelques minutes de jeu, nous avions bien constaté que le terrain était irrégulier. Néanmoins, nous nous sommes bien déplacés sur le terrain même si l’eau nous a fait manqué ce peu d’efficience qui nous manquait. »
« Ne jamais faire l’erreur de sous-estimer l’adversaire »
Vladimir Petkovic, sélectionneur de l’Équipe de Suisse
Andorre était-elle alors trop faible pour que la Suisse ne s’inquiète ? En réalité, au-delà d’une tentative lointaine à effet de Marc Pujol, dans le courant de la première fraction (36e), Sommer n’a semble-t-il jamais connu le danger. Et le dire relève même d’un euphémisme. « Nous devons rester sérieux à n’importe quelle occasion et ne jamais faire l’erreur de sous-estimer l’adversaire », rappelle cependant Petkovic. Et il a certainement raison, alors que sa Suisse s’apprête à vivre un nouveau long déplacement à Riga, en Lettonie, dès vendredi. La manœuvre, même si légèrement plus délicate qu’au Kybunpark, sera la même. Assurer son rang de leader et prévenir les risques inutiles. À Saint-Gall, les risques furent rapidement identifiés, sur un terrain nettement imbibé d’eau. « Nous avons rapidement compris qu’il ne nous était pas possible de garder le ballon au sol. Il nous fallait jouer, par sécurité, nombre de longs ballons vers l’avant. Risquer inutilement dans notre moitié de terrain, vu la situation de la pelouse, serait peu adroit », confirme à son tour Remo Freuler en zone mixte.
Haris Seferovic confirme en nationale
Il ne faut pas l’attendre, en réalité. Haris Seferovic joue plus libéré maintenant que sa situation en club, à Benfica, est stabilisée. Nul doute, qu’à 25 ans, l’avant-centre de la Suisse jouit d’un cadre de jeu plus sain et sans doute moins pressant qu’en Allemagne. Il est sur le point d’entrer dans la fraction de joueurs qui atteignent un haut point de maturité, d’autant plus qu’il vient d’atteindre les dix buts en équipe nationale jeudi soir (en 42 sélections). Et il s’en augure. « Je l’espère. J’ai cette envie de jouer mieux et de marquer des buts. Je travaille dur pour cela et j’essaie de récupérer au mieux après chaque match. À Benfica, tout est différent, de l’ambiance à l’équipe. La cohésion dans l’équipe est présente et à chaque fois que je retourne à Lisbonne, je le fais sans arrière-pensées. Je m’y sens largement plus libéré. » Et le secret ? « Je travaille bien maintenant. Je suis plus concentré sur le terrain. Et les service de “Shaq” [ndlr, Xherdan Shaqiri] étaient parfaits ce soir. Dans ces conditions, je ne me pose plus la question d’où je tire le ballon. Je le tire et quand ça entre, ça entre. » Preuve – s’il en fallait – que la Suisse vient sans doute de retrouver l’efficacité manquante à l’avant.
« Un attaquant doit être dans la surface, c’est sa place »
Haris Seferovic, avant-centre de l’Équipe de Suisse
Dès la reprise, l’entrée d’Eren Derdiyok (pour Steven Zuber) a laissé présager que la Suisse vivait mieux dans son habit de favorite et de dominatrice. À deux attaquants devant, il y eut sans doute ce que l’on attendait plus dans les premières 45 minutes de jeu. De l’envie, de la fougue et de la réussite, bien entendu. L’attaquant (pour l’heure remplaçant) de Galatasaray a eu ses occasions d’entrée. À deux reprises, sur des centres successifs de Granit Xhaka (55e) et de Xherdan Shaqiri (61e), il eut l’opportunité de doubler la mise. Ses glissades ont manqué de précision et de conviction. Tant pis. Mais loin de céder du terrain, Haris Seferovic a su investir l’aire de réparation adverse pour se montrer encore plus dangereux. Surgissant de la ligne de fond (hors-jeu à discuter sur l’action), sur une remise en profondeur d’Admir Mehmedi, Seferovic a eu la lucidité et la réactivité nécessaire pour punir, une seconde fois, le portier andorran, Josep Gomes (63e). De là, à l’heure de jeu, tout a été plus simple; y compris la tâche de clôturer l’avance et se laver d’une fin de match sous pression, comme ce fut le cas en Andorre. D’abord, un coup-franc de Shaqiri manque de peu sa cible (65e). Puis, c’est le capitaine, Stephan Lichtsteiner qui a planté le coup de tête décisif pour assurer trois points primordiaux dans la course à la qualification (67e). Tout fut finalement une réussite pour les hommes de Vladimir Petkovic, jouant avec l’âme et le cœur. « Tout cela montre que nous jouons avec le juste esprit », affirme Remo Freuler, suivi par ses pairs: « Ce fut du beau jeu, effectif et qui nous portent trois nouveaux points au compteur. Et trois points sont trois points », lâche Seferovic. Jouant avec beaucoup de plaisir et d’envie, le numéro 9 suisse justifie ses bons mouvements: « Un attaquant doit jouer dans l’aire de réparation. C’est où doivent être, en théorie, tous les attaquants. C’est ensuite à Shaqiri de travailler la transition », lâche-t-il pour terminer.
Portugal-Hongrie et Lettonie-Suisse, des calculs à faire ?
Dimanche, ce sont deux matches de première importance dans le groupe B. Si la Suisse s’en va défier la Lettonie à Riga, le Portugal de Cristiano Ronaldo défiera la Hongrie, quasiment éliminée de la course pour le Mondial 2018 en Russie. Y a-t-il des calculs à se faire ? « En théorie, cela ne doit pas nous intéresser. Du tout », rappelle Vladimir Petkovic. « Nous devons aller de l’avant avec nos propres qualités jusqu’au dernier match afin qu’à notre arrivée au Portugal [ndlr, le 10 octobre], nous puissions jouer la qualification avec plusieurs variantes. » Une victoire, un match nul et peut-être même une défaite ? Pour cela, c’est à la Suisse de jouer ses cartes, dont elle en est pleinement détentrice.
Quelle composition en Lettonie ?
Alors que Valon Behrami faisait quelques ajustements physiques au bord du terrain, les titulaires contrôlaient aisément la fin de la rencontre, manquant plusieurs occasions de plaquer un mérité 4-0, à l’image d’une conclusion de distance de Xherdan Shaqiri (72e) ou encore sur une action de Denis Zakaria; son tir dévié, trouvant le poteau (90e). Preuve que l’équipe joue bien en l’état ? Très certainement. Mais reste à définir si les novices (Akanji, Freuler et Zuber) auront encore leur place au Skonto Stadium… « Nous sommes nombreux dans l’équipe et au moment venu, nous cueillerons les décisions du “Mister” », rappelle pour son compte, le joueur de l’Atalanta Bergamo. Toutefois, nous verrions mal Petkovic se passer de Johan Djourou, Valon Behrami ou encore Blerim Dzemaili dimanche soir, 3 septembre.
Les faits de match: Suisse v Andorre, 3-0 (1-0) Composition de l'Équipe de Suisse: Yann Sommer, Stephan Lichtsteiner ©, Fabian Schär, Manuel Akanji, Ricardo Rodriguez, Granit Xhaka (65e Denis Zakaria), Remo Freuler, Admir Mehmedi (72e Edimilson Fernandes), Steven Zuber (45e Eren Derdiyok), Xherdan Shaqiri et Haris Seferovic. Entraîneur: Vladimir Petkovic. Composition de l'équipe d'Andorre: Josep Gomes, Jordi Rubio, Ildefons Lima ©, Max Llovera, Marc Garcia, Marc Rebés, Marcio Vieira, Ludovic Clemente (83e Emili Garcia), Alex Martínez (75e Aaron Sánchez), Marc Pujol (91e Sergi Moreno) et Jordi Aláez. Entraîneur: Koldo Alvarez. Buts: 43e et 63e Seferovic (2-0); 67e Lichtsteiner (3-0). Notes: Kybunpark, Saint-Gall. 13'600 spectateurs. Arbitre: Tore Hansen (NOR).