« Audace et utopie » à la Ruche, le 42e Paléo Festival s’annonce resplendissant

Le président et fondateur du Paléo Festival, Daniel Rossellat, lors du tour de visite du site pour la presse. © Oreste Di Cristino / leMultimedia.info

Lors de traditionnelle conférence de presse d’ouverture du Festival, le Paléo a amorcé sa 42e édition à La Ruche, recoin actif et vitrine sensationnelle du cirque et de l’art de la rue qui fête cette année les dix ans de présence sur le terrain de l’Asse. Reportant l’effort pour cultiver à chaque édition la créativité des structures et l’urbanisme du terrain, Daniel Rossellat n’a pas été sans rappeler la qualité d’accueil de son festival. Puis, au terme de la conférence de presse, s’ensuivit, comme de coutume, la visite du terrain. Exploration sur les nouveautés de la volée 2017.

Sous l’insigne de l’audace et de l’utopie, passant en revue l’ancienne référence de la gestuelle circassienne de l’année 2016, la Ruche fête cette année les 30 ans du vernissage des arts de la rue à Paléo. Et ce n’est pas anodin ; vitrine du cirque et des talents aujourd’hui si peu reconnus, la Ruche est devenue depuis 10 ans, – première en 2007 –, une escale incontournable du raout nyonnais, succédant à La Crique, premiers pas d’un « écrin réussi et assez extraordinaire », selon Daniel Rossellat, président-fondateur du festival. Aussi car l’expérience Paléo ne se vit pas qu’aux abords des scènes. La Ruche est à la fois un parfait apprentissage et une digne exploration culturelle et visuelle d’un produit si particulier et si cher qu’il en vaut le grand détour. L’enseigne du chapiteau est floquée aux couleurs et au graphisme des Toulousains du cirque Pardi!, adeptes du cirque moderne sous chapiteau et où la troupe y consacre toute son expérience et son métier, forgé même au bénéfice du premier contrat conclu il y a de cela trois décennies avec le festival, qui sortait alors seulement de sa teen age. C’est alors un anniversaire que le public du Paléo – les quelque 230’000 spectateurs à nouveau attendus sur les 84 hectares de la plaine de L’Asse – fêtera joyeusement tout au long de la semaine. Un anniversaire sacré et curieux qu’il attirera vents et marées en contrebas du quartier des Alpes. À l’avant-goût offert à la presse lors de la traditionnelle conférence de presse, Carola Aramburu, réitérant acrobaties et mimiques du spectacle BorderLand – 75 minutes tout public sous chapiteau, créé collectivement en 2014 –, tient habilement en haleine un public averti et avide de voltige et autant de pitreries sur cerceau volant qui préfigure parfaitement le style dans le recoin réservé de la Ruche, au large de la Grande Scène.

« Un effort conséquent sur l’urbanisme du terrain »

Daniel Rossellat, président du Paléo Festival

Mais il est également, comme chaque année, d’autres expériences à vivre au sein du festival, notamment au nord de l’étendue de la plaine, au Village du Monde – véritable festival à thème – dédié cette année à la colorée et musicalement riche Amérique centrale. Aussi, « c’est un mélange d’excitation et de stress » qui a composé cette nouvelle édition du Paléo Festival, concède Daniel Rossellat avant de préciser que la préparation fut optimale, avec notamment une identité réfléchie et dûment travaillée de chacun des quartiers du site. « Nous avons fait un effort conséquent sur l’urbanisme du terrain du Paléo », affirme le président avant de passer en revue les nouveautés de cette nouvelle année. Une première particularité sied justement, au sortir de la Ruche, sur la pente du quartier des Alpes, des monuments ferraillés, construits et fabriqués uniquement de métal, adapté et créativement manié par le collectif “Monic La Mouche”. Des structures inédites aux panicules imparfaites faisant, parmi d’autres, l’ornement du festival à l’image de sa singularité.

Incontournable est le Village du Monde

Puis, remontant sur le quartier du Village du Monde, ce sont diverses structures colorées et si remarquables qui attirent l’œil du curieux festivalier, sensible à souhait à la richesse de la terre et des spécialités typiquement caribéennes. Sur le passage, avant d’atteindre, la scène du Dôme, se voient érigés trois pyramides, constitutives et représentatives d’un patrimoine historique incontournable du nord du Mexique au sud du Panama. Ces trois temples – culminant à sept mètres de hauteur pour les deux premières et neuf mètres pour la dernière – parcourent simplement le patrimoine maya ; marches escarpées, fanions de couleurs triangulaires l’arborant – marque des Aztèques – l’ascension s’y fait non sans une quelconque sensibilité à une culture intrépide, du passé historique à un futur commun. La structure et l’organisation du génie civil Paléo est porteuse de signification, parfois même de mélancolie à l’image des symboles que le festival érige sur son territoire.

« L’Escale, une grande fête entres amis »

Amaryllis Blanchard, programmatrice du Village du Monde

L’un des trois temples du Village du Monde abrite le traditionnel plateau de l’Escale, attenant à la scène du Dôme. « L’Escale n’est en réalité rien d’autre qu’une grande fête entre amis », affirme Amaryllis Blanchard, programmatrice du Village du Monde. En effet, donnant du temps de jeu supplémentaire à la plupart des artistes qui fouleront les planches du Dôme – par un set d’une vingtaine de minutes – la structure de cet écrin permet indubitablement l’explosion des sens aux alentours d’un voyage inattendu au travers de la musique des Caraïbes. Aux contours de ce monde reconstitué, réapparaît le Bar des Voyageurs, où toute une sélection de bières, de cocktails colorés et de spécialités culinaires de l’Amérique centrale rappelleront l’extraordinaire périple dans ce coin de monde atypique et artisanal. De l’artisanal, par ailleurs, on en retrouve à même le sol, travaillé par les mains d’artistes mexicains – tenant autre que la peinture ou la calligraphie – créateurs d’esthétique et maîtres dans l’art de la minutie. Au travers d’un tapis éphémère, ils étaient cinq lundi après-midi à donner la touche finale à une composition visuelle de haut relief. Copeau par copeau, aux couleurs variées, ces artistes créèrent là une fresque à l’harmonie certaine, valant le détour du regard du plus curieux des voyageurs s’extirpant, le temps d’une soirée ou même d’un après-midi, dans l’immensité d’une civilisation réhabilitée au sein même du festival.

L’accueil du public, qualité première du Paléo Festival

Alors que le festival affiche à nouveau complet dès l’ouverture de la billetterie fin mars – comptant également 1’500 billets supplémentaires vendus chaque jours du festival, qui restera néanmoins à guichets fermés – le Paléo Festival réservera, comme chaque année, sa bonne qualité d’accueil aux nombreux festivaliers qui fouleront le site. Reconnu notamment pour tel dans la sphère européenne des festivals de moyenne catégorie, le Paléo entend maintenir sa belle réputation sur les facilités d’accès sur le terrain de l’Asse, au coût carbone toujours le plus fin possible. Aussi, fort de ses 4’770 volontaires bénévoles et ses 63 salariés (dont 44 à plein temps) recensés l’année dernière, l’entier festival souhaite enrichir son image d’une programmation multi-générationnelle, même si la moitié des festivaliers recensés en 2016 avaient moins de 30 ans (dont 17% ayant moins de 20 ans et au contraire, 17% ayant plus de 50 ans). Une programmation qui tend toutefois vers la sérénité malgré une offre de plus en plus restreinte d’artistes, compte tenu de la présence sur les marchés mondiaux de groupes d’événementiels surpuissants et tendant vers un monopole de festivals organisés sur le globe. C’est le cas du groupe américain Live Nation, récemment devenu actionnaire principal du festival Openair de Frauenfeld, brassant une fortune et un chiffre d’affaire de l’ordre de plusieurs milliards. Une immensité au regard des 25 millions de budgets du Paléo Festival. Néanmoins, fort de son passé et de sa bonne tenue, le Paléo pourra sans doute encore compter sur la richesse de son carnet d’adresses, les 3’305 artistes ayant joué au festival depuis 1976. Un risque de voir le Paléo Festival – qui est actuellement une association et par laquelle tout bénéfice est automatiquement réinvesti pour la bienséance de l’entière structure du festival – racheté par de lourds mécènes dans le futur ? « Le Paléo n’est pas à vendre », rappelle Daniel Rossellat avant de conclure sous le ton de la plaisanterie : « Il n’y a aucune chance de négocier dans ce champs-ci. Et ce n’est pas un appel. »