Kery James, roi incontestable de la scène hip-hop française

© Oreste Di Cristino / leMultimedia.info

Après Casey et Youssoupha & Crew Peligrosos, c’est au tour de Kery James de fouler, pour la toute première fois de sa carrière, les planches du Montreux Jazz Festival. Attendu avec grande impatience, le public du Lab a du prouver au rappeur aux 700’000 disques vendus qu’il était encore chaud bouillant. Attention : il va y avoir du sport.

Pour sa première venue au Montreux Jazz Festival, Kery James a mis la barre haute. Dans le cadre de sa tournée qui suit son huitième album solo “Mouhammad Alix”, le membre du collectif Mafia K’1 Fry a parié sur l’effet d’une mise en scène très étudiée. En guise d’introduction, quelques medleys de ses grands tubes distribués par son DJ Mosko afin d’ambiancer le parterre. Le poids lourd du rap français se fait désirer. Enfin, Teddy Corona en chemise blanche annonce l’arrivée du champion dans l’arène en détaillant son palmarès, à la manière d’un speaker présentant les combattants d’un match de boxe. Mais il faut croire que son adversaire était déjà K.O. puisque c’est seul, en Rocky Balboa que Kery James entre sur le ring du JazzLab.

Flanqué d’un peignoir à capuche, le rappeur envoie des uppercuts et des crochets sur son acolyte OGB, transformé en entraîneur pour l’occasion. C’est parti pour une heure et quart de show intense. Kerry James harangue sa foule: physiquement et moralement, il est prêt pour la performance de sa soirée montreusienne mais il exige de son public une réactivité égale à sa préparation. Dès le second titre, ses compères lancent les directives au public : gauche, droite, bras en l’air et même squat au point où l’on se demande s’il n’y a pas erreur dans la programmation. Ne serions-nous pas arrivés par mégarde dans un cours collectif d’une salle de fitness ?

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L’engagement sans faille

Mais cette mise en scène virile qui contribue à l’image mythique du rappeur n’enlève en rien à la nécessité de sa présence sur la scène hip-hop. Dès le troisième morceau de son live, il évoque le dérapage du désormais ex-directeur de Radio Courtoisie. Henry de Lesquen, situé dans l’échiquier politique dans un conservatisme puant, avait affirmé durant l’élection présidentielle qu’il souhaitait, selon ses mots, bannir la musique nègre. Cette provocation aura donné naissance à l’une des pistes du dernier album de Kery James : « Musique noire ». Hasard heureux, il s’agit d’un featuring avec Lino et Youssoupha. Ce dernier rejoint donc la scène pour un duo exceptionnel sur la scène du Lab. Le public exulte et les punchlines fusent: « Musique nègre / Pas calibrée pour la FM, on fait de la musique nègre / Quelle insolence / Musique nègre / Garde tes ‘’yes we can’’, on fait de la musique nègre ».

La programmation de cette soirée rap français est exceptionnelle ; les artistes qui se sont succédé sur scène apportent une plus-value de qualité, alors que le style n’a que peu de représentants à Montreux. Casey, Youssoupha et Kery James sont le visage de cette musique urbaine bien loin des agitateurs qui brassent du vent. Messagers d’une France qui se reconnaît dans leurs textes bruts et violents, ils font émerger la pointe d’un iceberg. La partie émergée, c’est cette face que la société française répugne encore à regarder droit dans les yeux. Cette France oubliée, qui fait parler d’elle toujours négativement dans les médias, les artistes de cette soirée lui offre une tribune mais également un exutoire. Le programme de ce lundi 9 juin au Montreux Jazz Lab regroupe peut-être ce qui se fait de mieux dans le hip-hop français. Dans son album “92.2012”, Kery James signait un titre évocateur : “Lettre à la République”. Ce morceau qui n’a pas pris une ride pourrait être la bannière du trio de ce soir : « La République n’est innocente que dans vos songes / Et vous n’avez les mains blanches que de vos mensonges ».