Danitsa fait jumper le Lisztomania

Danitsa sur la scène du Lisztomania au Montreux Jazz Festival. © Oreste Di Cristino / leMultimedia.info

Première scène pour la jeune artiste genevoise qui nous livre, en avant première, quelques morceaux de son nouvel album EGO à paraître en octobre. Loin de s’enfermer dans une étiquette reggae et soul, la jeune femme évolue vers d’autres horizons.

C’est avec une certaine assurance que Danitsa foule la scène du Lisztomania, ce vendredi 7 juin. Loin d’être une habituée de la scène, on sent que la jeune femme a besoin de s’approprier l’espace dès le début de son live. Pour une première scène, on ne peut pas dire que la jeune artiste à la voix tintée d’un accent jamaïquain se produise à huit clos. D’ailleurs, le Montreux Jazz Festival, Danitsa en rêvait : « J’ai beaucoup de pression mais j’ai énormément travaillé pour ça. Et puis tout ça marche avec la visualisation. Il y a deux ans, quand je faisais mes répétitions avec mes musiciens, je disais : “Comment ça va Montreux ?! Mais je n’allais pas faire le Montreux. Et là ce soir, je me retrouve au Montreux Jazz Festival. C’est un rêve qui se réalise. Et puis quand tu visualises quelque chose, tu finis par obtenir les choses que tu souhaites ». On l’aura compris, la jeune femme sait où elle va et se fixe des objectifs qu’elle atteint. De plus, Danitsa est une production bien de chez nous. Dans un festival où il est parfois difficile d’entendre des artistes helvétiques [Lire la rencontre avec Mathieu Monnier, programmateur du Lab et du Lisztomania], elle représente la scène genevoise : « C’est une énorme fierté. J’ai mes amis du groupe SW4 qui ont joué il y a deux jours. Ils ont fait la première partie de Gucci Man et Flatbush Zombies et de savoir que des Genevois représentent la Suisse, c’est énorme. Je le dirai toujours, c’est un rêve qui se réalise. Il y a ma famille, mes amis et j’espère des fans aussi en salle pour écouter les nouveaux titres de mon album puisque ce soir, je joue en exclusivité les nouveaux sons de mon album qui sortira en octobre », livre-t-elle quelques heures avant de monter sur scène. Si son centre de gravitation se situe à Genève, Danitsa a su également s’expatrier et faire des ponts entre la ville de Rousseau où elle est arrivée à l’adolescence et Paris où elle est née. Son précédent EP, au nom gourmand de “Breakfast”, a été produit par le label parisien Jihelcee Records fondé par Darryl Zeuja, membre du groupe 1995 : « Travailler avec des Parisiens m‘a apporté beaucoup car j’ai pu accéder à des scènes parisiennes dont la Bellevilloise et d’autres scènes ». Enrichie de cette expérience dans la capitale, la jeune chanteuse revient à ses amours : « Travailler à Genève c’est toujours un plaisir car on travaille entre artistes locaux et je pense qu’à Genève, on a énormément de potentiel. Le seul problème c’est qu’on n’a pas assez de structures pour s’exprimer en comparaison avec Paris où il y a énormément de studios d’enregistrement. Moi, j’ai eu la chance de pouvoir trouver un label, Evidence Music [Lire notre article sur le label et le groupe Lipka], avec qui je travaille sur l’album. Paris était une bonne chose. Maintenant, j’avance avec Genève, car je pense qu’on peut y faire énormément de choses. Il suffit juste de se donner les moyens et de trouver, si on a de la chance, des locaux ou un label. »

Se détacher d’une étiquette pour évoluer

Pour son nouvel album EGO, Danitsa promet de surprendre ses auditeurs avec du changement : « Ça va être une nouvelle Danitsa. Mon style musical dans mes projets précédents était plus reggae, hip-hop et soul. Là on va dire que c’est hip-hop, trap et soul. C’est un album éclectique. Depuis que je suis jeune, j’ai la chance de pouvoir écouter du rock, du reggae, de la soul et là j’ai l’impression que j’ai mixé le tout pour en faire un album. Tout ce qui m’a influencé pendant ma jeunesse, je l’ai mis dans cet album. Il y a beaucoup d’ego trip, de punchlines. Je ne suis pas méchante mais je voulais me la péter et rigoler », plaisante-t-elle. Sous cet esprit bon enfant, on découvre une vraie évolution. Avec “Remember me”, premier extrait de son album à venir, Danitsa emmène son public vers des contrées encore inexplorées. Un son plus tranchant, avec des sonorités électro laisse entrevoir que la jeune femme a gagné en maturité. C’est d’ailleurs ce qu’elle nous montre en live. Alors qu’il n’est que 21 heures, le Lisztomania prend des allures de boîte de nuit. Une atmosphère tout à fait voulue : « J’écoute de la trap et j’ai toujours rêvé d’avoir des sons qui pouvaient passer en club. Pour “Remember Me”, j’étais surprise de le voir passer au Downtown Boogie [ndlr, émission radio qui était diffusée sur Couleur 3 et qui vient de s’arrêter] ou à L’Usine, cela m’a fait super plaisir. Aucun de mes sons n’était passé en club. À quatre heures du matin, savoir que des gens dansent sur mon titre, ça fait plaisir. » Pour Danitsa, c’est aussi l’occasion de faire de la musique, qu’elle pratique depuis de nombreuses années, un vrai métier. Alors que son EP “Breakfast” était disponible en téléchargement gratuit, EGO est une grande étape dans la carrière de la Genevoise puisqu’il est prêt à récolter le fruit des dernières années de travail : « Mon album sera disponible sur toutes les plateformes digitales. Cela va être un album payant puisque c’est mon deuxième projet. Je suis arrivée à un âge où je dois pouvoir vivre de la musique. Si les auditeurs peuvent y contribuer, c’est un rêve qui pourra se réaliser », lâche-t-elle.

Du berceau à l’âge adulte, la présence du reggae

Accompagnée sur scène avec, notamment, son ami Gaspard Sommer, on retrouve également le petit frère, chargé de garder le public en haleine tout en exhibant ses talents de danseur. Aucune minute de répit n’est accordée au public qui est sollicité continuellement. C’est une belle ambiance qui se crée au Lisztomania où l’on sent que Danitsa est bien entourée par ses proches et les représentants de son label, tel le fondateur Nicolas Meury. Rien d’étonnant dans une famille où la musique semble être une seconde nature. Sous le nom d’artiste Skankytone, on retrouve le paternel qui pose un regard bien veillant sur la carrière de sa fille : « Mon père me soutient beaucoup mais il est un peu un puriste du reggae. Du coup, quand il voit sa petite fille faire du hip-hop ou de la trap, c’est pas que cela ne lui fait pas plaisir mais ça ne lui parle pas trop ». Loin d’être imaginée depuis la Suisse, c’est aux sources que Danitsa va puiser la culture reggae : « Je suis allée plus d’une vingtaine de fois en Jamaïque. Inconsciemment, comme j’avais entendu le patois jamaïquain, j’ai pris l’accent. En plus, j’ai un petit accent français donc si tu places l’accent jamaïquain, ça le camoufle ! C’est un petit secret ». Son timbre de voix se présente comme une signature que l’on reconnaît facilement, qui porte la marque de la diversité de ses origines. La scène du Montreux offre un tremplin d’exception à Danitsa qui lance le coup d’envoi de sa tournée. Elle jouera en Suisse et en France mais également à l’international : « En septembre, je fais un concert en Croatie et un en Espagne. Je suis très contente. Cela fait dix ans que je fais de la musique, je n’ai jamais fait de tournée. Mais là, faire une vraie tournée, encore une fois c’est un rêve qui se réalise et les gars, si vous avez un rêve, battez vous ! C’est incroyable, je suis super contente ! J’ai énormément travaillé et je pense que tout travail mérite salaire. Aujourd’hui, je commence la tournée et l’album va suivre et je suis au Montreux ! Quoi de plus ? ». Aucun doute qu’avec cette première tournée et ce nouvel album, Danitsa pourra affûter sa carrière ainsi que son expérience. Faut-il garder un œil sur cette artiste prometteuse qui pourrait bien faire parler d’elle par la suite.