Encore une grande soirée pour les compétitions de hauteur lors du meeting d’Athletissima jeudi soir à Lausanne. Sam Kendricks et Pawel Wojciechowski ont battu le record du meeting (5,93 mètres), tout comme Mariya Lasitskene en saut en hauteur (2,06 mètres), frôlant de peu le record du monde.
Comme à son habitude, Renaud Lavillenie se prête à la compétition, se livre volontiers à la presse et surtout au public de Lausanne qui ne manque aucune occasion pour le soutenir. Lui, le “voisin” de la Nouvelle-Aquitaine – marque indélébile de la discipline du saut à la perche, attraction phare de la soirée, comme toujours, à Athletissima – séduit la foule suisse romande, la fait vibrer, lui attise la croyance d’un nouvel exploit; un record du meeting, un saut à six mètres, une victoire au bout du suspense. Lui, le Français tant apprécié de la région, porteur de promesses certaines sur le sautoir de la Pontaise. Lui, qui n’a, semble-t-il, pas besoin d’être stimulé par une compétition particulière pour aller chercher la marque supérieure, son professionnalisme et sa volonté de bien faire dominant tout le reste. La veille, à l’égard du novice sur le circuit, Armand Duplantis, découvert à Eugène un mois après ses détonants 5,90 mètres sautés à Austin en avril dernier, le Charentais plaisantait volontiers avec le jeune Américano-Suédois de 17 ans, s’émerveillant également du potentiel que celui-ci puisse apporter à la discipline: « Je n’ai pas besoin d’adversaire de plus pour aller plus haut, il était déjà présent, c’est très bien pour la discipline car cela démontre qu’elle est en très grande forme, c’est le cinquième à avoir atteint les 6 m en un an et demi, nous sommes dans une très belle dynamique et cela reste très bon pour nous », lâchait-il mercredi après-midi.
« Je suis obligé de donner de mon plus dur au fond de moi-même au moment de tenir sur ce genre de compétition »
Sam Kendricks
24 heures plus tard, sur la piste des Plaines-du-Loup, Renaud Lavillenie apparaissait confiant, heureux de se frotter à nouveau à l’élite de sa spécialité tous réunis, du podium intégral des précédents championnats du monde, incluant également les hommes en forme de la saison, à l’instar de Sam Kendricks, auteur d’un saut à 6,00 mètres à Sacramento douze jours plus tôt. Sur le sautoir, pas de pression particulière, le Français gère sa course, son souffle, et sa stratégie laisse présupposer comme à chaque année qu’il tentera d’entrer dans le dur tout de suite, au moment où beaucoup auront déjà épuisé leur force. De plus, apparaît-il serein, en confiance, laissant le gré à tous les autres candidats, parmi lesquels également son frère Valentin, de se risquer aux barres inférieures. Il assure néanmoins une première marque à 5,63 mètres, avant de faire à nouveau l’impasse sur les 5,73 mètres qui ont vu tomber le champion du monde, Shawn Barber (5,63m) et son vice Raphael Holzdeppe (5,53m). Sam Kendricks dut également prendre son mal en patience avant de réussir à passer les 5,63, puis les 5,73 après un échec. Mais il fut le premier à effacer la marque suivante, aux 5,81 mètres, qui faillit lui donner d’emblée la victoire du meeting avant que le Polonais Pawel Wojciechowski et Renaud lui-même ne parviennent à passer l’étape au troisième essai, matérialisant une “finale” attendue à trois. « Je suis obligé de donner de mon plus dur au fond de moi-même au moment de tenir sur ce genre de compétition. Ce fut dur sur le sautoir ce soir », lâche l’Américain au terme de l’épreuve.
Satisfait, l’auteur de la meilleure performance mondiale cette saison a tenu son rang également sur 5,87 mètres, les coiffants habilement, buste bombé, jambes relevées pour marquer à nouveau son avance sur ses deux adversaires qui suivirent le rythme, plus difficilement. Le Polonais Wojciechowski suivra également l’Étasunien sur les 5,93 mètres – qui est également le record national de Pologne – détrônant le précédent record du meeting d’un centimètre au regard de l’année précédente, déjà détenu par Sam Kendricks. Quant à Renaud Lavillenie, il s’arrêtera aux 5,87 mètres, satisfaisants; le Français a obtenu à Lausanne le meilleur résultat de sa saison (à plus quatre centimètres de son précédent à Shanghai le 13 mai dernier): « Je suis très content d’avoir sauté pour la première fois de l’année dans une finale complète, d’autant plus avec de très bonnes conditions. Je me suis bien battu ce soir et je me sens très bien. En outre, avoir battu mon Season’s Best m’enchante véritablement, même si je dois admettre aujourd’hui que mes adversaires directs ont été meilleurs. Mais ce sont des éléments qui me permettent de m’améliorer toujours plus chaque jour », confie Renaud Lavillenie avant de conclure: « Mon expérience à Lausanne est vraisemblablement une pierre de gué que je vais scruter pour les prochains rendez-vous. Je crois avoir encore 10 centimètres dans les jambes et je vais m’efforcer d’y parvenir bientôt. »
« Je n’y serais jamais parvenu sans le soutien de Renaud et Pawel »
Sam Kendricks
Performeurs à 5,93 mètres, les deux finalistes s’engagent ensuite dans une entreprise plus symbolique encore. Levant la marque à 10 centimètres plus haut, ces derniers se sont tour à tour tentés à l’élaboration de la sixième performance mondiale de l’année (6,03 mètres), en vain. « Je n’y serais jamais parvenu sans le soutien de Renaud et Pawel – lâche l’Américain au terme de l’épreuve avant de poursuivre – J’ai dû être battu plusieurs fois par Renaud en 2015 et 2016 pour parvenir à apprendre de mes erreurs et venir gagner à Lausanne. À Londres, je voudrai être compétitifs à souhait. Ce sera une compétition ouverte et tout le monde pourra l’emporter. Je tenterai de donner de mon mieux. » Avant de partir néanmoins, l’Étasunien ne manque pas de garder quelques mots pour la Pontaise: « J’ai été très heureux d’être à Lausanne, comme toujours. » La marque des champions sans doute.
Sautant sans bannière, Mariya Lasitskene frôle le record du monde en hauteur
L’athlète russe, s’étant présentée à Lausanne sans ses couleurs nationales, n’a pas eu d’histoire sur l’épreuve du saut en hauteur qu’elle a dominée de pied en cap jeudi soir à la Pontaise. Opérant un sans faute jusqu’au mètre 96, la Russe n’a pas eu de véritables concurrentes sur le sautoir du meeting de Lausanne, la championne olympique Ruth Beitia ne dépassant pas la marque du 1,90 mètre, alors que sa dauphine de Rio Mirela Demireva n’est, quant à elle, pas bien entré en compétition, stagnant au 1,87 mètre. La Polonaise Kamila Licwinko a, néanmoins bien tenu la rampe avant de s’effondrer elle aussi aux 1,96 mètres. En roue libre dès lors, la Russe a alors soigné ses tentatives pour effacer la marque des 2,06 mètres, signant le record du meeting, qui datait depuis le 2 juillet 2002 (2,04m) et le record de la Diamond League (2,05m), tout en améliorant sa meilleure performance mondiale de l’année.
« Je suis très contente de ma performance ce soir. J’ai été très impressionnée par le meeting et la Suisse depuis que j’ai atterri. L’atmosphère est grandiose pour les sauteurs, le public nous soutenant bien. Je reviendrai, cela est sûr. » Encouragée, même par les anciennes détentrices du record du meeting, la Russe a savouré son moment sur le terre-plein de la Pontaise: « Apparemment Kajsa [ndlr, Bergqvist, la Suédoise détenant le précédent de record du stade] a dit en tribune que son record tomberait dans la soirée. Je suis très flattée par ces propos et surtout de voir que beaucoup de personnes croient en mon potentiel », affirme ravie Mariya Lasitskene en zone mixte. Malheureusement, aucune de ses trois tentatives à 2,10 mètres (soit un centimètre de plus que le record du monde) ne lui ont été favorables. Sans doute, partie remise pour le meeting de Londres qu’elle disputera: « Ma prochaine compétition sera le meeting de Londres [ndlr, dimanche 9 juillet 2017] où je ne prévois pas de hauteur spécifique pour l’occasion. Ni même pour les championnats du monde. Après le meeting, je rentrerai à Moscou, où je continuerai à progresser, même sans plan précis. »
« Il faut écrire des histoire positives pour que l’on puisse ensemble se relever »
Ce qui est sûr, c’est que nullement, l’affaire de dopage d’État n’a condamné l’athlète à des performances au rabais: « Cela a été très dur à encaisser. Mais j’ai laissé couler et désormais je me concentre pleinement sur mes performances dans l’optique de décrocher le record du monde sur le long terme. Il faut écrire des histoire positives pour que l’on puisse ensemble se relever », termine Mariya, fatiguée mais souriante au terme de l’épreuve.