Le groupe genevois de Magic & Naked a été le premier à inaugurer la place de la toute nouvelle “Lisztomania”, la nouvelle salle gratuite en remplacement de la Rock Cave. Tendresse et mélancolie ont amorcé la soirée dans le diverticule souterrain du 2M2C, apprêté pour deux semaines de découvertes musicales et insolites dans le cadre du 51e Montreux Jazz Festival. Retour sur un groupe « rétro-futuriste », inspiré par le rock des années 1960 et tenant de ce qu’ils écrivent – non sans un certain sarcasme – la “Psych Love Pop”. C’est original.
Si l’on sait une chose des Magic & Naked – à défaut de comprendre la raison surprenante du nom de ce groupe inspiré à plusieurs égards [lire encadré] –, c’est qu’ils ont foulé en ce dernier jour du mois de juin leurs premières planches au Montreux Jazz Festival. Et ce n’est déjà pas rien. À leur arrivée dans la pénombre de la “Lisztomania”, qui n’a rien à envier à l’ancienne Rock Cave, le groupe entonne, dans un apaisement surprenant, une première mélodie aux allures de rétrospection, proche des anciennes aubades qu’entonnaient les radios à la fin du millénaire passé. Non pas que le style se fasse l’assemblage un peu fortuné d’une musique vieillissante, les compositions apparaissent néanmoins de l’époque actuelle. Cependant, la révolution Pink Floyd n’est pas révolue et sans doute leur influence chez les Magic & Naked non plus. Les deux vaguent sur la même agitation musicale, sans contrefaçon, où les fioritures sont minimalistes et où les artifices du commercialisme sont oubliés. Avec ces Genevois, nul doute que l’on plane au “Lisztomania”, au rythme de leur harmonie musicale, maîtresse de rêves éloignés et de désirs exotiques sur les plages turquoises des bords d’océan. « Nous avons passé des heures et des heures à l’écoute des Pink Floyd mais nous ne cherchons nullement à les copier. Quoi qu’il en soit, il est juste de penser notre première approche musicale dans le rock des années 1960 et 70. Ainsi, il est juste de dire que nous venons de là et que notre musique est emprunte de l’identité de l’époque », affirme Elie Ghersinu, chanteur et bassiste du groupe.
« Une empreinte retro-futuriste qui nous caractérise »
Augustin von Arx, batterie et chœur
Les Magic & Naked sont un groupe suisse, formé en 2013 et initialement lancé par la folie du temps mais décidément touché et investi par leur grande mélancolie, partagée par les cinq membres du groupe: « Nous sommes de gens très mélancoliques et c’est l’une des sources principales de notre musique. Mais nous ne sommes pas pour autant nostalgiques », poursuit Elie. Néanmoins, leur calme et leur attitude posée sur scène, loin du psyché effréné et cardiaque du rock n’ roll nouveau ou encore du garage rock des années 1960, leur confère une tendresse inhabituelle. « Nous faisons de la pop certainement, du garage un peu moins. Mais l’on essaie de produire une musique qui soit la plus éclectique possible, aussi car nous écoutons chacun des genres diversifiés et des musiques aux rythmes différents. Nous ne cherchons pas à labelliser notre musique, l’enfermer dans un style musical. Néanmoins, que l’on nous identifie – ou que l’on nous rapproche – à quelques lignes différenciées de musique, cela ne nous dérange pas », lâche le chanteur du groupe, Elie. Marque incontestée – alternative ? – d’une modernité partagée par les jeunes formations musicales des nouvelles générations qui ont leur propre manière de réinventer les genres et les frontières de la musique ancienne: « En un sens, nous pourrions être un groupe aux productions alternatives mais cela ne nous convainc pas énormément. Il est difficile de véritablement définir l’alternatif actuel, cela renvoie à une réalité inconnue », lâche Elie, suivi dans ses propos par le batteur et choriste du groupe, Augustin von Arx: « Nous aimons bien nous définir en tant que rétro-futuristes. Nous allons puiser notre musique dans les racines du passé tout en cherchant à les redécouvrir. »
Une identité apaisée, presque enchanteresse
Nul doute, les Magic & Naked vendent du rêve. Ne faut-il pas être stressé pour écouter leur production, sinon d’être angoissé afin de se relaxer sous les notes apaisées du groupe: « Je préfère cette vision des choses. Il faut être stressé pour nous écouter », plaisante Romain Deshusses, chanteur et guitariste. « Nous aimons détendre les gens », complète à son tour Léonard Persoz, guitariste. Une image mature et sans doute rodée de leur groupe depuis leur création en 2013: « À la base, nous n’étions pas nécessairement tournés vers ce style plus apaisé. Nous étions plutôt dans une tendance plus “punch”, cet amour du calme et de la tranquillité nous est venu avec le temps. Avec l’âge sans doute », rajoute Elie Ghersinu.
« Nous espérons mettre en place une prochaine tournée »
Elie Ghersinu, chant et basse
Après quelque deux années de travail, le groupe finit par sortir un premier album le 11 décembre 2015, “Magical Vinyl”, suivi immédiatement, en février 2016 par une tournée de présentation. Aujourd’hui, le groupe continue à se produire dans plusieurs festivals de la contrée, en Suisse et en France voisine, une manière naturelle de continuer à faire vivre leur projet musical. « Nous aimerions bien être encore en tournée mais nous partageons tous notre temps avec d’autres projets personnels », lâche Elie. Néanmoins, cela ne les a pas empêchés d’enregistrer un second opus, “Human Expression”, au mois de mai 2016, dont la sortie est prévue pour le mois de septembre prochain. L’occasion, sans doute, de retrouver rapidement l’esprit d’un tour de planches révélateur: « Certainement, des dates tomberont à l’occasion de la sortie de notre album. Cela sera sans doute nécessaire pour en faire la promotion », continue Elie. Une date certaine; inévitablement celle du vernissage au Festival de La Bâtie à Genève, le 14 septembre prochain, en première partie de Curtis Harding à l’Usine, date avant laquelle le groupe visitera et se produira à l’occasion de deux festivals, au Bois-Noir à Pragniot, en France (le 8 septembre) et à Hautes Fréquences à Leysin (le 9 septembre). « On espère pouvoir mettre en place une nouvelle tournée, même s’il ne sera pas évident d’enchaîner toutes les dates. », conclut Elie. Quoi qu’il en sera, une possibilité de s’approcher d’une maturité musicale, dessinée, à en croire le style, à coup d’encre à eau. Solide, surprenante et discrète à la fois. Et dans la pénombre de la Lisztomania, le caractère du groupe s’y incarne au mieux.
Robin Girod, The Pussywarmers et les Enfants Sauvages
Ils sont beaucoup à avoir cadré les premières productions de Magic & Naked. À commencer par Robin Girod, chanteur principal des projets Mama Rosin et Duck Duck Grey Duck [au Blues Rules Crissier Festival en 2017], qui a produit le premier disque du groupe genevois. « Il nous a aidés à démarrer, c’est par ailleurs grâce à lui que nous avons pu nous produire pour la première fois en concert. Robin nous a rapprochés au sein de ce projet et désormais il nous incombe de voler de nos propres ailes, afin de le faire vivre. », explique Léonard Persoz, guitariste. « Nous souhaitons aujourd’hui, nous éloigner de son influence dans le but premier de nous émanciper artistiquement », complète Romain Deshusses. Mais il y a d’autres groupes amis, en Suisse romande – mais aussi en Suisse alémanique et au Tessin, à l’image des Pussywarmers – qui ont donné l’élan initial aux Genevois, laquelle aide fraternelle leur permet de s’accointer dans l’univers élargi des nouveaux groupes de musique dans les alentours de la Romandie. « Avec les Pussywarmers, nous avons des liens assez forts puisque nous avons enregistré notre premier disque chez eux. Ils nous ont vraiment aidés au début et nous les en remercions. Nous nous retrouvons souvent pour jouer ensemble à Zurich, et nous avions débuté une tournée suisse avec », explique Augustin. « Nous sommes également amis avec quelques groupes suisses romands et parfois quelques petites scènes se forment avec notamment plusieurs groupes genevois lors desquels, les différents projets s’expriment. Une rencontre qui s’étend aussi avec d’autres groupes suisses. Il y a une dynamique qui se met en place dans ce sens depuis deux ou trois ans », poursuit Romain. Ceci même dans une finalité: jouer et mettre en train une pétulance commune entre les différentes formations passionnées: « On essaie de jouer le plus souvent possible », résumait le chanteur du groupe Elie. En atteste, un concert unique tenu dernièrement en compagnie des “Enfants Sauvages”, qui regroupe notamment plusieurs projets genevois – entre six et dix – sur une scène ouverte: « Comme cela a bien marché, l’on va certainement réitérer l’expérience », confirme ce dernier. Une manière de raviver une substance musicale qualité dans une réalité plus évasée et plus affermie par l’expérience partagée de chacun des groupes indivisaires.
Un nom de scène déjanté… par le plus grand des hasards
L’on pourrait prétendre à s’appeler Magic & Naked (Magique et Nu) en référence à une musique sans artifice et sans mauvaise contrefaçon artistique. Néanmoins, il s’avère que la réalité est plus surprenante qu’elle n’y paraît. Et le groupe l’assume parfaitement: « C’est une manière de voir les choses. Mais le nom de notre groupe est en réalité moins pensé que cela. À l’origine, nous avons été pressés, pour les besoins d’un concert, de trouver un nom très rapidement. J’avais initialement proposé “Magical Nugget” mais mon interlocutrice au téléphone a compris “Magic & Naked” et cela nous a suivi jusqu’à aujourd’hui », raconte le chanteur et bassiste du groupe, Elie Ghersinu. « C’est un hasard mais on en est heureux finalement », complète Augustin von Arx, batteur. C’est cela, les Magic & Naked.