Dantesque mais nécessaire, le match aux Îles Féroé marquera un tournant

Le stade Tórsvøllur de Tórshavn prêt pour Îles Féroé-Suisse vendredi soir (19h45 locales). © Oreste Di Cristino / leMultimedia.info
De Tórshavn (Îles Féroé)

L’épreuve de l’Équipe de Suisse s’annonce périlleuse mais intéressante aux Îles Féroé. Entre calme paysan et bise d’hiver, les forces se voudront régénératrices pour les hommes de Vladimir Petkovic, pour qui les trois points compteront plus que tout vendredi soir (19h45 locales, 20h45 en Suisse) sur le synthétique du Tórsvøllur de Tórshavn. Prise de température en capitale féringienne à l’aube du nouvel épisode des qualifications pour la Coupe du Monde 2018 en Russie.

↘ Notre direct de Tórshavn, moins de 48 heures avant la rencontre entre les Îles Féroé et la Suisse !

Il en faut du courage pour dompter le périple menant aux lointaines îles Féroé. À commencer par le dépaysement total qui prend à la gorge dès l’atterrissage au coquet aéroport de Vágar. Entre dunes et monts impétueux, la douceur du paysage détonne par sa surprenante contenance et la faune riche contraste la silhouette peu fleurie de territoires escarpés, verts, mais dont l’abîme ajoute au charme de ce pourtour océanien. Entre lacs et cascades improvisées, le teneur du paysage surprend et favorise l’envol vers de nouvelles terres, inconnues, effarouchées, sauvages mais tout aussi attrayantes. [→ Lire encadré] C’est dans ce cadre-ci, que tiendra part la sixième étape d’une route menant au complexe mondial de Russie 2018. Une étape qui se voudra passablement rugueuse et hostile – bien que très accommodante dans la réception que le pays sait réserver à ses hôtes –, pour l’équipe nationale suisse pour laquelle les trois points d’une victoire attendue ne fait pas office de garantie. C’est ce que l’on attend de Vladimir Petkovic – par sa fougue dirigeante –; de brader l’élégance féringienne au prix d’un succès commode de la Nati dans l’antre du football des Îles Féroé, celui même du FC Tórshavn. Pelouse synthétique, terrain municipal, national et théâtre de duels – et parfois de barouds – qui réserve souvent beaucoup d’allégresse, parfois même un brin de stupeur.

Jouer sans pression

Johan Djourou semble l’avoir préconisé à l’heure où il tardait à l’équipe de Suisse de quitter la Stockhorn Arena pour rejoindre l’aéroport de Bern-Belpmoos peu avant 15 heures: la Suisse devra jouer simplement, chichement sans se compliquer inutilement la tâche sur le synthétique du stade Tórsvøllur. Cela tombe bien; l’esprit sera en parfaite synergie avec la simplicité ambiante du lieu. Mais la question demeure encore centrale sur la composition que Vladimir Petkovic mettra en jeu dès les premières minutes au Tórsvøllur, tant en défense qu’à l’avant. En effet, si les incertitudes physiques concernant Johan Djorou (qui avait été remplacé par Granit Xhaka à l’heure de jeu face à la Biélorussie à Neuchâtel, (→ Lire l’article) et Valon Behrami, contraint en conséquence de tenir le rôle les 90 minutes lors de l’amical à la Maladière, se sont évanouis, c’est le forfait de Nico Elvedi, tombé mardi matin – cumulé à la suspension de Fabian Schär et l’indisponibilité de Léo Lacroix – qui adresse quelques questionnements quant à la charnière centrale qui se verra débuter la rencontre face aux Îles Féroé. Mais la présence de Timm Klose ou encore du jeune prodige du FC Bâle, Manuel Akanji (21 ans) [→ appelé vendredi soir par Vladimir Petkovic pour ce qui lui compte comme première sélection nationale avec les A] lave le trouble de tout embarras. D’autant plus que, arrivé mercredi au rassemblement de Berne, Ulisses Garcia (20 ans) – initialement appelé par Heinz Moser pour la rencontre des M21 nationaux du 13 juin face à la Bosnie-Herzégovine à Bienne – revient compléter la liste précomposée par le sélectionneur national en fin de semaine dernière. Du reste, l’indécision sur le flanc défensif ne pense à être compensée que si le secteur offensif se complait dans l’emprise d’un score plein. Et pour le garant du numéro 9, il s’agira certes d’être prodigue dans l’effort mais avec le moins de déchets possibles dans les occasions qui lui seront procurées tout au long du match. Quitte à marquer rapidement, la résistance fera (elle aussi) certainement appel à de belles promesses.

Un voyage pittoresque et coloré qui ne passera pas inobservé

Le match à Andorre-La-Vieille en octobre dernier (→ Lire l’article sur place de l’Estadi Nacional) appartenait déjà au genre; collines escarpées, vallée profonde, contexte pittoresque, l’océan en moins. C’est dans ce coin isolé que la Suisse s’apprêtait à boucler une rencontre maîtrisée avant de subitement se laisser porter par de tortueuses manœuvres de guerre lasse. C’est principalement l’écueil à contourner vendredi soir face à la grimpante équipe féringienne. Et l’épreuve sera marquante, sous tous les points de vue. Le coin de paradis est le même, le piège également. C’est par le contrebas – à vue des maisons de Tinganes en toiture végétale, du centre culturel de la Nordic House, de la cathédrale chrétienne de la capitale, de la Skansin Fortress dominée par l’unique phare du port industriel ou encore des chapelles modernes de Vesturkirkjan et Hoyvikar – que se dresse l’immortalité dans l’événement au sein duquel l’équipe de Suisse se jouera en tant que principale protagoniste. Une victoire – et la précieuse acquisition des trois points – par le pittoresque et l’acharné qui devra s’imprégner du lieu tel qu’il est apprivoisé par nos confrères du nord d’Europe, soit haute en couleurs ! À tel se résumera l’étape tórshavnoise dès les premiers entraînements en immersion au stade Tórsvøllur jeudi 8 juin (17 heures) !

Une tranche de paradis dans le Gulf Stream

Les Îles Féroé sont traversés par le Gulf Stream, ce courant chaud de l’Atlantique Nord qui prévoit à chaque saison des température douces et peu ancrées dans les extrêmes saisonnales, désormais comparses dans les contrées continentales de notre Europe. En moyenne, variant des 3,5°C aux 12°C saisonnières dans les trois mois (juin à août) du courant estival de l’archipel, les îles Féroé n’accusent pratiquement aucune gelée sur l’ensemble du territoire maritime, où les temps se veulent changeants et souvent imprévisibles. Un climat tempéré qui caractérise particulièrement un lieu où modération et simplicité font loi.

La capitale, Tórshavn, sied sans aucun flottement dans la modernité, dont les rues jonchées de boutiques au design reconnu, terminent l’habit sensiblement moderne – tout autant constitutif également d’une révérence vers l’antique – de la métropole, unique au visage habituel des autres capitales continentales. Aussi, le salut (monumental) de la ville à son passé traverse l’histoire des îles en elles-mêmes, dominées dès le huitième siècle par la conquête des Vikings norvégiens. Le début de la vie au sein des îles Féroé, restées des millions d’années durant, inhabitées. Seuls quelques moines irlandais furent venus se cloîtrer dans l’immensité océanique dès 700 ap. J.-C, laissant aux menus territoires de l’Atlantique la marque du christianisme estampillée dans les rues de la capitale actuelle.

Néanmoins, au-delà des trublions vikings, les Îles Féroé ont laissé, dès la fin du XIXe siècle, la libre entreprise à des investisseurs volontaires, permettant de bâtir l’ensemble de l’empire du poisson – dont les pêcheurs sont reconnus être les meilleurs dans le domaine –, devenu fierté et essence économique nationale depuis plus d’un millénaire. Ainsi, les 18 îles composant l’archipel féringien, malgré la petite taille (113 km de latitude), investissent les 1’100 kilomètres de côtes pour y développer la pêche (puis le commerce intérieur et extérieur du poisson). En effet, depuis 1948 – date par laquelle les îles Féroé sont devenues une région autonome du royaume du Danemark, bénéficiant néanmoins du propre parlement (et par là-même du propre drapeau) –, le poisson féringien constitue les 97% des exportations nationales, devenant la première source économique pour les Îles Féroé, devant le tourisme, la laine (par le tondage de près des 90’000 moutons vivant les verdures du pays) et la vente d’autres produits manufacturés. Ainsi, sans aucun manifeste, les Îles Féroé sont devenus un lieu incontournable du panorama atlantique touristique en Europe et ailleurs dans le monde.

La liste des 23 joueurs sélectionnés:

Gardiens:
Roman Bürki (Borussia Dortmund)
Marvin Hitz (FC Augsburg)
Yann Sommer (VfL Borussia Mönchengladbach)

Arrières:
Manuel Akanji (FC Basel 1893)
Johan Djourou (Hamburger SV)
Ulisses Garcia (Werder Brême)
Timm Klose (Norwich City)
Michael Lang (FC Basel 1893)
Stephan Lichtsteiner (Juventus)
Jean-François Moubandje (Toulouse FC)
Silvan Widmer (Udinese Calcio)

Demis et avants:
Valon Behrami (Watford FC)
Eren Derdiyok (Galatasaray SK)
Blerim Dzemaili (Montreal Impact)
Edimilson Fernandes (West Ham United)
Gelson Fernandes (Stade Rennais FC)
Fabian Frei (FSV Mainz 05)
Remo Freuler (Atalanta Bergamo)
Admir Mehmedi (Bayer 04 Leverkusen)
Haris Seferovic (Eintracht Frankfurt)
Xherdan Shaqiri (Stoke City FC)
Granit Xhaka (Arsenal FC)
Steven Zuber (TSG 1899 Hoffenheim)