De Paris (France)
Pendant huit jours, du 13 au 20 avril 2017, Patrick Aimé s’installe à Paris pour contempler le stand-up comme objet d’art. Retrouvez chaque après-midi dès 14h sa chronique sur les spectacles qu’il a vu la veille.
Mercredi soir, 19h, dans le Marais.
Je commence par aller voir le spectacle de Gérémy Credeville « Parfait (et encore je suis modeste) » avant Sugar Sammy. C’est un show très sympa au Théâtre des Blancs Manteaux dans le Marais. Seule une cinquantaine de personnes sont venus. Car à Paris, beaucoup de comédiens sont peu connus et jouent dans des salles intimes, très proches du public. Gérémy (oui, c’est bien Gérémy avec un G) est bon comédien et raconte son histoire, romancée, sur scène. Des Hauts de France à Paris, il se présente comme un jeune tombeur à l’ego surdimensionné (« Préparez-vous, dans deux ans je joue l’Olympia ») avant d’avouer au public qu’il cache son manque de confiance derrière ce personnage. Pas très touchante cette fin, mais l’ensemble du spectacle est bien interprété et est interactif. Le public est venu rire de bon cœur et salue l’artiste à la sortie.
Deuxième partie de soirée. L’entrée était sympathique mais maintenant, le plat principal arrive. Sugar Sammy. Le Montréalais d’origine indienne, qui voyage dans de nombreux pays pour du stand-up en français, anglais mais aussi hindi et punjabi. Alors que fait-il en France, là où le stand-up n’est pas encore très connu du grand public ? « Je pense que comme artiste, il faut tout le temps se renouveler, sinon on perd de la motivation », confiait-il à Comediscope, émission de la chaîne Comédie +. Alors il est venu à Paris et en province pour écrire un spectacle spécialement destiné aux Français. « Vous êtes mon pays arabe préféré. Liberté, Égalité, Fraternité, pour presque tout le monde. […] Après le 11 septembre, les États-Unis ont commencé à maltraiter les arabes alors que vous, vous l’avez toujours fait. » C’est aussi de la curiosité culturelle pour ce Québécois qui a déclaré que la France était « la suite logique » après sa carrière au Québec, et estime « qu’il y a beaucoup de matière pour l’humour en France ». Un exemple qu’il trouve frappant : parler des origines de chacun en public, qui lui semble tabou dans l’Hexagone contrairement à chez lui, au Canada.

Brun ténébreux et musclé, sa première impression auprès du public est celle d’un beau-gosse confiant, qu’il ne faut pas embêter. Lui, part sur l’autodérision et se réduit à ses origines « Il est sympa l’Indien, hein ? » dit-il. En fait, il est sur scène à l’Européen comme chez lui et s’adresse à 50% du temps directement à certaines personnes du public, ce qui est idéal dans la salle de l’Européen, pas trop grande, pour que tout le monde puisse tourner la tête et voir qui lui répond. « Pour moi, c’est naturel de converser avec le public. Je n’aime pas avoir ce quatrième mur » (ndlr, métaphore qui consiste à jouer son spectacle sans s’adresser, ni prêter d’attention au public), disait-il lorsqu’il était invité sur France Inter. Surtout, Sammy sait mettre tout le monde à l’aise, y compris ceux qui sont plus timides et qu’il va gentiment piquer. L’impro, une force qu’il muscle depuis… 22 ans. Il faut du métier pour en arriver à ce niveau de spontanéité et de répartie. Sans être agressif, il châtie bien, et a de la simplicité comme lorsqu’il reste disponible pour discuter, prendre quelques photos et serrer des mains après le spectacle.
Petit aparté, toute sa communication est bien rodée pour être au complet dans la salle : entre les publicités de son spectacle dans le métro et sur les colonnes Morris dans tout Paris, ses promotions en télévision, radio, le service après le spectacle avec des photos et l’incitation au bouche à oreille fonctionnent plutôt bien. Il diffuse aussi sur ses réseaux sociaux ses meilleurs moments d’improvisation lors de chaque spectacle. Une communication importante, précise, pour lui garantir un retour sur investissement, mais qui, il faut le reconnaître, n’enlève rien au succès qu’il a dans la salle. Il part ensuite jouer aux États-Unis du mois de mai à juillet et reviendra en France en automne. Tant mieux, le public de l’Hexagone commence aussi à l’adopter et le stand-up dont il est une bonne égérie.