De Paris (France)
Pendant huit jours, du 13 au 20 avril 2017, Patrick Aimé s’installe à Paris pour contempler le stand-up comme objet d’art. Retrouvez chaque après-midi dès 14h sa chronique sur les spectacles qu’il a vu la veille.
Hier soir, 19h.
Une fois de plus, je suis place de la République. Décidément, le quartier regorge de scènes et se veut incontournable à Paris. Ce soir, je ne vais pas voir de show solo. J’ai rendez-vous au Paname Art Café. Depuis que Kader Aoun, metteur en scène très célèbre dans le métier, et Karim Kachour, le manager, ont ouvert début 2008 le comedy cellar (une autre dénomination anglo-saxonne pour les comedy clubs dans des caves), c’est devenu un lieu réputé dans le stand-up.

Le public y vient dîner – gastronomie française oblige –, prendre un apéritif et se marrer. Hormis l’achat d’une boisson qui paye le bar, les artistes jouent gratuitement – et apprécient toute rémunération au chapeau à la sortie du spectacle. Donc c’est une soirée pas chère qui attend le public. En ce qui me concerne, ma soirée commence à 20h par la scène ouverte « Plus drôle les filles ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le stand-up si peu représenté par des femmes n’a pas de soucis à se faire après le plateau que j’ai vu. Audrey Charlot est bonne comédienne et danse en déhanchant ostentatoirement, bêtement, face au premier rang : « ça peut être agaçant » assure-t-elle sous les rires. Charlotte Creyx se démarque vraiment en proposant plus du comique d’absurde que du stand-up, comptant beaucoup sur ses silences et un univers minimaliste avec des vannes sorties de nulle part : « Quand je me vois dans le miroir, je bande avec mon doigt ». Elle me rappelle Monsieur Fraize dans “On n’demande qu’à en rire” et c’est mon coup de cœur de la soirée. Avec Fadily Camara, Marina Cars, Lisa Raduszynski et Laura Domenge, ce sont six femmes qui ont convaincu la salle à en juger les rires nombreux d’une salle pourtant à moitié remplie.

Quinze minutes plus tard, « We Love Comedy » occupe la salle avec plus d’hommes. Lenny M’Bunga (aussi surnommé Lenny Harvey sur scène), je crois, a transcendé toute la salle. Cela a été de loin le meilleur, lui qui aime raconter des histoires crues sur les femmes s’est aussi essayé à une nouvelle vanne de son retour de Martinique, mais a accusé le coup du bide. Et a assumé : « Elle on verra la prochaine fois ». Car ces soirées aussi là pour aider les humoristes à se renouveler en proposant des vannes nouvelles, qu’ils viennent tester avant de les retravailler pour leurs spectacles. Mais hormis cet impair, il a beaucoup interagi avec le public, notamment un homme du premier rang qu’il a plus que taquiné. Pierre Thevenoux s’est aussi distingué pour une imitation… d’une huître. Tom Villa, plutôt aperçu ses temps-ci sur France Inter et Salut les Terriens !, est aussi venu avec d’autres comme Hakim Jemili (qui fait partie du Woop), Marion Mezadorian, Seb Mellia et Jonathan O’Donnell. Du rire, pour ressortir sans ses tracas du Paname.
À propos de cette salle, Kader Aoun confiait à Télérama en 2016 : « On se bat pour ce lieu. Il n’y a pas encore de vrai public de stand-up en France. On creuse le sillon, on est en train de construire. Le fait qu’il y ait des artistes connus qui sont passés ici donne ses lettres de noblesses à cet endroit, et de vrais exemples de réussites aux jeunes qui débutent. Et c’est évident que si un producteur vient ici et attend un peu, il y verra des futures stars. »