Avant le premier tour, une soirée d’humour politique avec Bun Hay Mean et Haroun

La salle 360 de l'Apollo Théâtre à Paris avant le spectacle de Bun Hay Mean. Photo: Patrick Aimé / leMultimedia.info
De Paris (France)

Pendant huit jours, du 13 au 20 avril 2017, Patrick Aimé s’installe à Paris pour contempler le stand-up comme objet d’art. Retrouvez chaque après-midi dès 14h sa chronique sur les spectacles qu’il a vu la veille.

Dimanche 17h30. Dans le métro, je me prépare à deux spectacles que j’attends depuis longtemps : Bun Hay Mean puis Haroun. Deux prodiges du stand-up, encore peu connus du grand public français car ils ne font pas de télévision, ni radio. Néanmoins, grâce au bouche à oreille et aux vidéos virales sur le web, ils remplissent des salles de 360 places (Bun Hay Mean à l’Apollo) et 800 places (Haroun au Théâtre du Gymnase Marie-Bell). Dimanche de Pâques ou pas, les séances étaient archi-complètes.

L’affiche de Bun Hay Mean.

À 18h, le spectacle de Bun commence par deux premières parties : ses amis Donel Jack’sman et Kheiron qui ont extrêmement bien chauffé la salle. Puis, celui qui s’est surnommé le Chinois Marrant, monte sur scène. Dynamique, mobile sur scène, Bun Hay Mean parle au public qu’il veut mieux connaître. Il cherche des gens de toutes les origines, et trouve un métissage dans la salle : une vietnamienne, une beur, un martiniquais, et même une femme âgée, Janine, 75 ans mais l’ensemble du public est plus jeune, de 20 à 35 ans. Visiblement, Bun prend beaucoup de plaisir à échanger. Son spectacle est essentiellement interactif, grâce à sa casquette d’improvisateur hors pair.

La première partie est plus générale autour de lui, sa famille, et de la « Légende de Bun Hay Mean », le titre de son spectacle. Son autodérision (« J’ai un nom de maladie. Tu vois c’est comme si on te disais « T’as pas la Bun Hay Mean ? » »), ses origines (« Là je heureux et là je pleure » dit-il avec en gardant le visage raide) et sa répartie face au public (« Tire la chasse d’eau avant de parler » dit-il à une jeune femme) font un tabac à en juger les rires de la salle.

L’affiche de Haroun, tirée de ses réseaux sociaux.

Puis, une deuxième partie – plus politique et plus compliquée à suivre tant son débit de parole est élevé – survient. Il prend le parti de taper sur tous ceux qui le réduisent à son faciès. « Je suis français » martèle-t-il. Et pointe les étrangetés démocratiques en France : « En Chine, on nous dit de se taire, mais en France, on élit des gens qui ensuite vomissent sur nous. » Ou montre à quel point les débats peuvent devenir confus dans les esprits : « C’est « qui est Charlie » ou « où est Charlie » » ? interroge-t-il comparant Charlie Hebdo à la bande dessinée. Le spectacle qui se termine par un tonnerre d’applaudissement et, comme aucun spectacle ne s’enchaînait dans la salle (l’inverse est fréquent à Paris), Bun Hay Mean a exceptionnellement prolongé sa présence de dix minutes.

À 19h20, je sors de l’Apollo séduit. Un dîner m’attend puis j’enchaîne à 21h30 sur le spectacle « spécial élection » d’Haroun. J’attrape le métro place de la République et sors à l’arrêt Grands Boulevards. Je trouve un proche et nous dînons rapidement. Puis, faisons la queue, une queue impressionnante de 800 personnes pour retrouver le prodige des vannes politiques. Depuis trois ans seulement, il pratique le stand-up ; et depuis un an il connaît un succès fulgurant. C’est le bon élève qui a fait de l’improvisation, du breakdance presque à niveau professionnel, travaillé comme consultant avant de passer à l’humour sur le tard. Sans regrets à en juger la prestance d’hier soir, qui s’est terminée en standing ovation.

Car à une semaine des élections, le public venu de Paris comme de province était enthousiaste à voir de l’humour politique. Alors Haroun a fait le job. Il y a eu des vannes sur les « foutus », des citoyens qui confondent l’histoire politique. Exemple : « Je défends le général Pépin ! » « Euh, le maréchal Pétain tu veux dire ? » interroge Haroun. « Non, le général Pépin. » « En fait, ils ne sont pas complètements ignorants mais les foutus ont plutôt un savoir parallèle », commente l’humoriste. Il questionne l’intérêt de voter, et assume ne pas l’avoir fait une fois. « Aux cantonales où les partis envoient en candidats ce qu’ils leurs restent » dit-il, ce qui fait rire la salle. Avec ses one-line-joke, une pour presque tous les candidats, Haroun a frappé sans juger, et logiquement, il ne s’est pas fait hué. Au fond, son spectacle ne parlait pas beaucoup des candidats, ni même des idéologies attribuées à la gauche ou à la droite, mais du peuple et des responsabilités du Président.

Il a conclu la dernière de son spectacle (il n’y a eu que trois représentations) sur un mot à l’attention de la salle : « Quoique vous fassiez dimanche prochain, faites-le avec cœur parce que vous êtes heureux de le faire, même si vous n’allez pas voter ou que vous votez FN. » Tout est dit pour Haroun.

> Le spectacle d'Haroun a été filmé et sera disponible sur sa chaîne YouTube dès le mardi 18 avril 2017.
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