De Paris (France)
Pendant huit jours, du 13 au 20 avril 2017, Patrick Aimé s’installe à Paris pour contempler le stand-up comme objet d’art. Retrouvez chaque après-midi dès 14h sa chronique sur les spectacles qu’il a vu la veille.
Samedi 18h30, place de la République. Je sors de la bouche de métro, il fait beau et bon pendant que le soleil se couche sur Paris. Autour de moi, des militants de Nuit Debout sont réunis, toujours rassemblés autour de leur combat ; repenser la démocratie française et contester le modèle économique productiviste. Comme la leur, toutes les têtes françaises bouillonnent de la politique française à une semaine du premier tour de l’élection présidentielle. Ce soir, je décide, une fois de plus, de vider la mienne en me rendant à l’Apollo Théâtre qui n’est à qu’à 200 mètres.

J’ai choisi Sebastian Marx pour son spectacle A New-Yorker in Paris, qu’il joue en anglais. En anglais me dîtes vous ? Car oui, on peut trouver du stand-up dans sa langue maternelle puisque la capitale est une ville très internationale. Une bonne cinquantaine de spectateurs s’installent donc dans la salle. « Where do you come from » demande Sebastian. « Mexico », « Norway », « England », « Germany », mais aussi « France » répond le public. « Great ! Every week I have people from the whole world » se réjouit Sebastian. Du début à la fin, je me rends compte que rien ne m’échappe aux vannes et je suis heureux de voir que mon niveau d’anglais est toujours bon. Il faut dire que Sebastian parle clairement et distinctement. Alors il poursuit l’échange avec le public qui commence déjà à l’adopter et aime son french-bashing. Il entame sur des clichés sur l’impolitesse et la folie française pour les repas puis propose des vannes plus originales : « French language wasn’t invented by linguists but by abstracts artists, take an “e”, “a”, “u”, “x”, and it makes the sound “o”. » Sebastian parle de sa famille, ses origines juives et de sa naturalisation française. Lui qui s’est installé en France par amour a eu deux enfants. Son spectacle, il le joue également en français dans le même lieu. Histoire de faire rire les anglophones comme les francophones.
À 19h45, je sors de l’Apollo et file à grandes enjambées à la Cigale pour la finale du Campus Comedy Tour. Cet événement s’organise étroitement avec des écoles de commerce, d’ingénieurs, etc. pour pousser des étudiants à s’essayer à l’humour. Un d’entre eux a été sélectionné sur 2 000 candidats après un premier sketch enregistré et soumis au jugement des internautes et quatre autres par jury. Le vainqueur de la soirée gagne notamment 5 000 euros. Au bas mot, c’est une belle somme. Lui aussi issu d’un concours d’humour à l’Université de Lausanne, Thomas Wiesel a participé avec sept autres collègues au spectacle et témoigne de l’importance de ce genre d’événement pour le métier : « C’est l’endroit idéal pour tâter de la scène au début, pour être vu à la fois par des collègues humoristes au même stade ou plus établis et par des gens du métier. L’aspect compétition est finalement secondaire. Quelques années plus tard, hors chambrages entre collègues, on ne se soucie plus vraiment de savoir qui a gagné ou perdu. C’est surtout qui bosse le plus suite au concours qui compte vraiment. » À 20h15, j’arrive à la Cigale in extremis pour le début de spectacle. Tom Villa, parfait maître de cérémonie, occupe la scène pour présenter le show ainsi que le partenariat avec l’association Zup de Co, qui lutte contre le décrochage scolaire.
En tout cas, les finalistes n’ont pas volé leur place. Tous ont eu les faveurs du public et ont terminé leur passage sans flancher, même Mathieu Fernandez, un brin déstabilisé pendant vingt secondes faute de trou de mémoire. Mais il fallait bien un vainqueur et le jury – composé de producteurs, professionnels du divertissement à la télévision, etc. – ont choisi Nordine Ganso, direct (« Je suis puceau et j’ai 20 ans »), rapide dans son débit de parole, distribuant ainsi un maximum de vannes très efficaces à en compter les rires. Avec lui, c’est aussi une petite victoire du stand-up. Mazine El Aichouni a aussi beaucoup séduit le public, ainsi que Thomas Wiesel : « Il avait des blagues d’actualité et de politique originales et percutantes, et une posture déjà très établie. » Et de prendre acte de deux talents prometteurs : « Je ne serais pas surpris de croiser ces deux là encore longtemps dans le circuit de l’humour. »
Pour effectuer un don à Zup de Co, rendez-vous sur www.zupdeco.org
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