Critique des spectacles de Kamel le Magicien et Mustapha El Atrassi

De Paris (France)

Pendant huit jours, du 13 au 20 avril 2017, Patrick Aimé s’installe à Paris pour contempler le stand-up comme objet d’art. Retrouvez chaque après-midi dès 14h sa chronique sur les spectacles qu’il a vu la veille.

Lorsque j’arrive à Montparnasse, je suis toujours à mon aise. Je connais bien le quartier, les bons plans pour le restau, les salles de cinéma. Le quartier a toujours plu aux artistes qui s’y sont installés comme Picasso et aujourd’hui c’est un quartier incontournable de Paris pour les pièces de théâtre ou les one man show. La rue de la Gaîté porte bien son nom. On y trouve notamment Bobino, un théâtre magnifique où j’y ai vu Fary fouler les planches au cœur de son succès en février dernier. Vendredi après-midi, c’est Kamel le Magicien que j’ai choisi et il y jouait dans cette même salle.

À 15h, face à un public très familial – de jeunes enfants accompagnés par leurs parents – il raconte comment il a voulu devenir magicien. Ses tours sont parfaitement orchestrés, entre illusionnisme et mentalisme. Comme le rappelle la voix off en début de spectacle « Ce que l’on voit n’est pas forcément ce que notre cerveau nous comprend », une façon de dire que les illusions doivent provoquer de l’émerveillement plutôt que de s’obstiner dans la réflexion.

Pour profiter du spectacle, rien de mieux que de participer quand Kamel le demande. Ce qui est le cas d’une jeune femme à ma droite qui l’aide à retirer le plastique qui protège un paquet de carte neuf, et qui, quelques secondes plus tard, retrouve à nouveau le plastique d’emballage. De la magie à quelques centimètres de soi, c’est bluffant. Intriguant et séduisant. Surtout pour les enfants, qui avaient hâte de participer, comme une jeune fille qui récupère une rose en papier transformée en véritable rose à la fin du tour. En une heure et demie, Kamel a régalé le public.

La façade du Grand Point Virgule où s’est produit Mustapha El Atrassi. Photo: Patrick Aimé / leMultimedia.info

À 21h30, j’enchaîne avec un deuxième spectacle dans le même quartier. Cette fois, c’est du stand-up pur, avec Mustapha El Atrassi au théâtre du Grand Point-Virgule. Il n’a que 31 ans, mais déjà 15 ans de carrière. Oui, Mustapha a joué son premier one man show à 16 ans et fait l’Olympia à 23 ans. Un talent précoce qui impressionne toujours, car sa force c’est son attitude cash. D’entrée de jeu, il interagit beaucoup avec le public entre 20 et 30 ans, de moins d’une centaine de personnes seulement ce soir-là. « D’où venez-vous ? » « Venez remplir les premiers rangs, je n’aime pas jouer avec des trous face à moi ! » Il ne manque pas de critiquer la placeuse sous les rires : « Lulu ne vous pas a placé ? Que le régisseur aille la chercher, j’ai deux mots à lui dire … » Du roast, c’est-à-dire des vannes méchantes à l’américaine, il y en a eu toute la soirée.

Avec un sourire provocateur, Mustapha se livre un peu sur lui. Sa vie, « déprimante » passée par les Maisons de la Culture et la Jeunesse et les vols des jeunes, des one-line jokes (des blagues d’une phrase, de type punchline). Avec une parole traînante, inégalable, il semble pouvoir tout critiquer. Surtout le public en réalité, qu’il veut réveiller et à qui il n’hésite pas à s’en prendre. « Je vous vanne, mais c’est gentil », dit-il à la salle. Les moins timides parlent volontiers avec lui, comme un jeune marocain qui lui donne une cigarette et un briquet quand Mustapha demande d’être dépanné. Et Mustapha fume sur scène pendant son propre show. Réellement. C’est rare dans un spectacle tant c’est mal vu. Rompre une règle de bienséance, ça l’amuse et tout le monde avec. Après tout, le titre « Troisième degré » n’est pas un hasard.

> Lire également l'interview réalisée lors de son précédent spectacle au Lido Comedy & Club de Lausanne

Peu sont ceux qui poussent leur personnalité à ce point dans le stand-up. Mustapha El Atrassi est original dans sa défiance face à une salle qui ne peut s’empêcher de rire du parfait-connard qu’il joue, ou qu’il est… avec finesse et gentillesse. La parole est une arme, Mustapha l’a bien compris.

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