Mehidin, grand gagnant du Banane Comedy Club 2017

Les six finalistes du Banane Comedy Club 2017 au CPO le jeudi 13 avril. De gauche à droite: Cinzia Cattaneo, le vainqueur Mehidin Susic, Karim Ovic, Kévin Eyer, Randy Guine et Sacha Porchet. © Yves Di Cristino / leMultimedia.info

Mehidin Susic est le nom du grand gagnant du Banane Comedy Club 2017. Il succède aux désormais grands noms de l’humour romand comme Thomas Wiesel, Marina Rollman, Alexandre Kominek ou encore son prédécesseur Blaise Bersinger. Retour sur une Finale au CPO riche en personnalités et en originalité. Visionner aussi la galerie photo de 30 images de la soirée.

Le Banane Comedy Club c’est un peu ce qu’il se fait de mieux dans son genre. Véritable tremplin de l’humour en Suisse romande, le concours élaboré la radio estudiantine de l’EPFL, Fréquence Banane, sourit ses nombreuses découvertes artistiques. Thomas Wiesel (2012), Marina Rollman (2013), Alexandre Kominek (2014) ou encore Blaise Bersinger (2016) sont les illustres talents révélés par le concours impulsé par le désormais producteur Sébastien Corthésy. Cette année, c’est par la qualité de leur jouerie que les six finalistes, Karim Ovic, Cinzia Cattaneo, Mehidin Susic, Kévin Eyer, Randy Guine et Sacha Porchet ont animé la salle basse du Centre pluriculturel d’Ouchy (CPO) jeudi soir. Le tout modéré par l’extravagance et la folie de Yoann Provenzano. C’est non sans un appétit pour la scène que l’humoriste villeneuvois a présenté la finale du concours où tant les institutions universitaires que leurs étudiants ont été pris en dérision toute la soirée durant. Tant en phase d’improvisation que sur les nombreux passages revisités de son propre spectacle, Yoann Provenzano a su jouer de son talent sur les planches pour diriger la soirée d’une main de maître, ou de dingue. Tant mieux, c’est ce que l’on attendait de lui; des paillettes, un rideau, deux poésies, le tout saupoudré d’une incommensurable absurdité lui étant si caractéristique. Yoann a écumé la scène du CPO et ses installations qui s’offraient (presque) naturellement à lui. Une première belle réussite donnant le pas à des candidats déjà bien apprêtés pour la scène même pour les plus novices d’entre eux. Une belle surprise pour l’organisateur, responsable des événements à Fréquence Banane, Thibault Gilgen: « Il y a eu de très beaux humoristes cette année dont certains qui faisaient leur première scène. Donc c’était une très belle expérience pour eux comme pour nous. D’autres faisaient également leur retour par rapport à l’année passée donc on a eu un beau mix entre les nouveaux et les anciens. »

Une “première” pour Cin et des revenants

Pour Cinzia Cattaneo – appelée Cin pour la proximité de l’artiste naissance avec son jeune public – la montée des planches du CPO était pour la Genevoise sa deuxième expérience scénique dans le domaine de l’humour. Une belle preuve d’agilité et d’acclimatement alors qu’elle se confrontait face à des (plus) habitués de l’exercice comme Mehidin ou Kévin. Pourtant d’entrée de scène, elle s’attaque au plus facile: sa personne. En grande pompe d’autodérision, Cin se compare à sa sœur et c’est touchant, tout autant que drôle. Un univers qui se démarque avec originalité – rappelle par ailleurs le juré Jonas Schneiter – tout autant qu’il ne rappelle sous quelques attraits celui de Tamara Cesar, demi-finaliste en 2014 du concours, dans la critique d’une jeunesse hyperconnectée. Un stand-up classique maîtrisé de bout en bout et sans stress qui épate: « C’est seulement ta deuxième scène et cela ne s’est jamais vu dans ton sketch », lui commente le présentateur de “C’est Ma Question” sur RTS Un. Très fort. Le contraste apparaît néanmoins avec les candidats dont l’habitude des planches commence à apparaître, notamment chez Kévin Eyer (de Genève également) qui a su captiver l’assistance par une très belle entrée en rap. Son personnage relève d’une très grande personnalité alliant les allusions au plus ordinaire tout autant qu’au plus périlleux. Kévin s’aventure sur tout – même le terrorisme – sans pour autant se risquer à l’humour noir. Une maîtrise qui a plu au juré Thomas Wiesel qui salue sa bonne expression et son jeu de comédien, très prometteur. Tout comme Sacha Porchet et Randy Guine qui ont su investir la scène lors de leur passage; les deux avec des sujets aussi polémiques qu’ils parviennent (même si parfois difficilement pour Randy) à banaliser sous les larges traits de leur humour. Cependant, aussi bien la violence sur les femmes de Randy que l’homosexualité déridée par Sacha ont su amuser un public très ouvert. L’on attendait pas mieux.

Un vainqueur singulier et un jury apprécié

Il a gagné le Banane Comedy Club et c’était une (agréable) surprise pour tout le monde: « Je ne m’y attendais vraiment pas – lance en fin de soirée Mehidin Susic, gagnant de l’édition 2017, au micro de leMultimedia.info – J’avais écrit la moitié de mon sketch mais l’autre a été totalement improvisée. Je m’étais laissé trois jours pour le compléter mais je n’ai pas trouvé le temps. Je me suis donc limité à raconté mes galères et c’est apparemment ce qui a fonctionné le mieux. Mais j’en suis le premier surpris. » Même considération pour Thibault Gilgen: « Sa victoire est en effet surprenante car ce n’est pas forcément celui que l’on attendait. Il a un univers très particulier que l’on a pas l’habitude de voir. Néanmoins, il travaille sa présence sur scène depuis plusieurs années et il est revenu avec un sketch très propre et très professionnel. C’est mérité. » Aussi, le plus de Mehidin, c’est sa sincérité, la vérité qu’il raconte ou ne raconte pas sur scène. Tout semble honnête est c’est bien le plus fort de son talent naissant: « D’habitude je ne dis pas nécessairement la vérité sur scène mais aujourd’hui je devais absolument me sortir d’une situation inédite – raconte-t-il avant de poursuivre – Je n’avais pas le contenu de la fin de mon passage et je devais tenir quatre minutes sur scène. » Mais non seulement la part d’improvisation étonne, surprend et, par mesure de fait, plaît, c’est la manière par laquelle il y parvient qui détonne le plus dans l’alentour. Mehidin est, tout compte fait, l’humoriste présenté qui a fait montre non seulement d’une plus grande personnalité que ses concurrents mais aussi d’une capacité comique et comédienne de grande qualité. Son personnage – ancré dans la nonchalance – se retrouve dans un juste milieu entre un pur stand-up (micro à la main) que dans l’incarnation d’un personnage de belle comédie. « C’est un personnage que je travaille depuis quelque temps et j’arrive à m’en imprégner. Mais je dois l’affiner car si j’étais passé en premier ce soir, j’aurais peut-être connu un raté. J’ai pourtant réussi à m’inspirer des sketches précédents et donc à prendre le public dans mon univers. L’écriture entrera aussi en compte par la suite, ce qui n’a pas été le cas ce soir », avoue avec une modestie caractéristique Mehidin. Aussi car ce n’est pas sa première au BCC. Déjà en 2016, il s’était confronté à Blaise Bersinger en finale au Lido Comedy & Club: « Je suis arrivé en finale l’année passée où Thomas et Jonas faisaient déjà partie du jury [ndlr, avec Marina Rollman]. Je ne voulais pas nécessairement me représenter mais l’on m’a un peu engrené; mes amis Randy, Sacha et Kévin se sont lancés en même temps et j’ai apprécié le moment. » Désormais, grand gagnant de l’édition 2017, Mehidin devra préparer la suite. Il a déjà quelques minutes de son spectacle qu’il souhaite maintenant combler pour présenter au plus vite son premier one man show: « J’ai un spectacle en cours d’élaboration. J’ai joué 40 minutes à Genève et maintenant j’essaie de mettre en place certaines choses pour pouvoir arriver à faire une heure de spectacle. Je rajouterai certaines scènes tout comme j’en bifferai quelques unes. Le tout est en rodage », dit-il.

« Un jury parmi le meilleur de ce qui se fait en ce moment »,
Thibault Gilgen

Composé de Jonas Schneiter, présentateur de “C’est Ma Question” sur RTS Un, Thomas Wiesel, artiste confirmé de l’humour en Suisse et à l’étranger (il sera à Paris samedi 15 avril 2017 pour la finale du Campus Comedy Tour à La Cigale – objet de la chronique du Marathon du stand-up de Patrick Aimé – mais aussi au festival Kermezzoo de Bruxelles les 6 et 7 mai 2017), Yann Marguet, auteur de la chronique “Les Orties” sur Couleur 3 et Blaise Bersinger, champion en titre du BCC 2016, le jury de la finale de l’édition 2017 a tapé dans le luxe, et c’est peu dire. « On essaie toujours de réunir un jury parmi les meilleurs éléments de la scène humoristique romande. On a pris volontairement des personnes de la radio, de la télévision et de l’humour, qui ont tous l’habitude de faire rire les gens », explique Thibault Gilgen à notre micro. Mais au-delà de Blaise, la présence de Thomas, également ancien vainqueur du concours, participe tout autant à la valorisation de l’événement comme le rappelle l’organisateur: « C’est une des plus belles marques de publicité pour nous. C’est démontré que le concours a une utilité. Nous lançons vraiment des gens dans l’humour. Ça a commencé avec Thomas Wiesel et d’autres ont suivi comme Blaise Bersinger. Cela est plaisant de constater que des humoristes réussissent grâce à nous. » Un jury que le gagnant 2017 apprécie tout aussi particulièrement; départagé de Sacha Porchet (avec qui il est arrivé ex-æquo au vote final) par Jonas Schneiter, Mehidin salue la reconnaissance de celui qu’il a à diverses reprises croisé dans le métier: « Cela faisait trois-quatre concours que j’arrivais en finale sans remporter l’épreuve et Jonas m’a toujours soutenu, encouragé et conseillé. Et pour une fois que j’ai réussi à gagner, je suis content. D’autant plus que le jury semblait apprécier mon passage. »