Dans le but d’élargir sa structure et son influence auprès d’un public nouveau et surtout plus jeune, la marque du Lausanne-Sport s’étend aussi au sport électronique, trois semaines après que Servette ait également annoncé la création d’une équipe (Servette Geneva eSports, SGE). Le point en conférence de presse à la Pontaise. Lire aussi: Servette étend également sa marque à l’eSport.
La volonté est à l’expansion. Indéniablement. Patron de Grand Chelem Management, propriétaire du FC Lausanne-Sport, Jean-François Collet – aussi ancien président du club de la capitale olympique et membre actuel du comité de la Swiss Football League –, loue un projet aussi novateur qu’avant-gardiste, particulièrement en Suisse et à l’heure du tournant numérique du sport. À l’occasion de la mise en opération de l’International Gaming Show, du 24 au 26 novembre 2017 à Beaulieu, le Lausanne-Sport a choisi de prendre le virage de l’eSport, véritable transfuge du sport physique à l’effort du jeu vidéo. L’extraordinaire développement de l’électronique et l’importance de s’appuyer sur des personnes qui ont une certaine expertise dans le domaine marquent tout l’emprunt fait par un club de football sur la possibilité nette d’une croissance, tant en influence qu’en singularité du club vaudois. Du point de vue de l’influence, l’objectif est on ne peut plus clair: rajeunir le public au stade du FC Lausanne-Sport aux 15-25 ans, tout en promouvant la marque, l’étendant à diverses disciplines sportives car, en déplaise à plusieurs, l’eSport est bien du sport: « L’eSport va devenir une discipline à part entière, au mélange sans doute entre la culture et le sport. », lance Jeff Collet. « L’évolution de l’eSport est flou. Son développement ne permet pas encore de le catégoriser entre la culture et le sport. Mais la concentration, l’agilité et les réflexes qui y sont développés sont des entraînements qui le rapprochent avant tout du sport. Comme les échecs finalement, y compris la gestion de la pression et du stress. », complète Frédéric Boy, Président du tout nouveau Lausanne-Sport eSports. Il en va ainsi, aussi car beaucoup d’opérations vont, et iront par la suite, dans le même sens; l’eSport se veut être, de nos jours, une opportunité certaine pour motiver la relève future du club de football.
L’évolution exponentielle du « Gaming »
Le « Gaming » – personne ne se le cache en conférence de presse tenue au Stade de la Pontaise jeudi 6 avril au matin – est un nouveau monde qui attise encore peu l’intérêt du grand public, peu de gens le comprenant véritablement pour ce qu’il est et ce qu’il propose. Le maître à bord de Grand Chelem Event SA loue pourtant – et désormais – l’importance de cette nouvelle culture même si, en face, la structure a encore à faire à des décideurs qui ne connaissent pas ce monde et ont donc encore de la peine à l’appréhender. Si aux États-Unis, l’eSport est devenu un acteur majeur du divertissement national, la discipline est encore peu en vogue en Suisse qui accuse tout de même un certain retard en la matière. Preuve en est que Jeff Collet lui-même peine encore à réaliser le potentiel (certain) que renferme la nouvelle structure: « C’est encore une surprise pour moi. J’ai encore un peu de peine à le considérer comme un vrai sport. Mais il faut dire que l’eSport demande des capacités particulière et le développement de ce monde m’a beaucoup surpris, étant donnée toute l’activité qui se développe autour des jeux électroniques avec les plus connus des YouTubeurs [ndlr, comme Squeezie ou encore Cyprien]. » Il faut dire que, diffusé en masse sur les réseaux sociaux, il apparaît une émergence d’un écosystème propre aux jeux vidéos dans le monde aujourd’hui, alors même que le lien entre le fonctionnement du sport et de l’eSport se veut de plus en plus limpide. La structure même du monde l’eSport est par ailleurs très proche de celle du football où le parallèle est particulièrement relevant, selon Jean-François Collet.
« L’audience peut à terme dépasser celle du football traditionnel »,
Jean-François Collet, ancien président du FC Lausanne-Sport
À en donner le tournis, les nombreux événements organisés aux États-Unis – comme par exemple au Staples Center de Los Angeles où 15 à 20’000 spectateurs suivent les rencontres de l’eSport – tendent à faire apparaître la discipline comme l’une des plus largement étendue à un public varié outre-Atlantique. La communion (et la rencontre) entre spectateurs et compétiteurs y est passablement intense, de quoi impressionner les personnes les moins averties. De quoi jouer la concurrence avec le sport et le football traditionnel physique ? « Les deux sont complémentaires plus qu’en compétition – débute Jeff Collet avant de poursuivre – Néanmoins, il est possible qu’en terme d’audience, l’eSport dépasse le football. Il ne remplacera pas le sport physique mais il peut le dépasser en popularité. Par ailleurs, l’eSport se nourrit surtout du sport traditionnel. » Moteur de l’univers du jeu électronique, le medium principal et nouvelle plateforme de diffusion en ligne de l’eSport depuis 2011, Twitch – par ailleurs racheté par Amazon pour 970 millions de dollars – témoigne de l’expansion du domaine. Rien qu’en 2015, 239 millions de spectateurs – où les spectateurs ne sont pas nécessairement des « gamers » – ont porté un intérêt à l’eSport, portant, en perspective, le poids économique de la discipline à quelque deux milliards de dollars d’ici à 2020. Indéniablement, la dotation des compétitions électroniques a triplé depuis le début d’année 2016, comptant également une évolution très importante auprès des médias comme ESPN qui diffuse les principales compétitions de eSport ou encore la BBC en Europe qui retransmet les quarts de finale de League of Legends. Cela est bien la marque du début d’un mouvement en pleine croissance et qui risque bien de devenir très conséquent dans un futur proche. Un cadre de rentabilité projeté qui laisse éprouver la nécessité pour certains clubs d’y adhérer; le Lausanne-Sport prend son tour, tout comme le Servette FC qui l’a publiquement annoncé le 16 mars dernier.
Créer un club en s’inspirant des valeurs du FC Lausanne-Sport
Lausanne Sport eSport n’est en réalité pas le premier club de sport électronique que la ville de Lausanne ait vu naître. En réalité, depuis le mois d’août 2015 et développé PolyLan, c’était Qualitas Helvetica qui avait, en premier, cultivé l’ambition de promouvoir le sport électronique au sein de la capitale olympique. Aujourd’hui, un an et demi plus tard, celle qui est devenue la meilleure équipe romande de eSport a accepté la fusion avec le projet du Lausanne-Sport qui lui permettra, en outre, de gagner en popularité et peut-être en fascination: « Nous avons l’intension de doubler le budget de Qualitas Helvetica, passant de 10’000 à 20’000 francs. Mais l’on vise principalement une expansion. Le marché du sponsoring est très tendu mais le retour des partenaires est très positif. C’est un nouveau monde, très novateur et une nouvelle manière de consommer le sport, notamment pour le très jeune public – précise Jeff Collet avant de poursuivre – Nous souhaitons véritablement créer une vraie équipe de eSport. Pas un seul très bon joueur de FIFA mais une équipe formée et plurielle. Le souhait est de créer un vrai club avec un véritable centre de formation et nous cherchons des joueurs qui puissent développer leur expérience. » Attaché à la qualité et au recrutement des joueurs, qui constituent des phases importantes pour la création sérieuse du club, Frédéric Boy, président du Lausanne-Sport eSports, vante déjà la présence d’individualités aguerries sur le plan national et pour certains déjà sélectionnés avec l’Équipe de Suisse dans leurs jeux respectifs, que ce soit sur FIFA, Counter-Strike Go, Hearthstone, League of Legends, Overwatch ou encore Rocket League (les six jeux vidéos sur lesquels se spécialise le nouveau LS eSports). Faut-il dire que pour la plupart de ces jeux, les line-ups sont déjà passablement bien fournis avec la présence d’un manager pour chaque équipe et de plusieurs champions, surtout pour l’équipe spécialisée sur Hearthstone (Yannick Widmer, champion suisse 2015 et 2016, David Backner, Top6 Dreamhack 2016, Romain Gaspoz, champion PolyLan 2016 & GGC et membre de l’équipe suisse 2017) ou sur FIFA (avec la présence d’Alexandre Jaumin, finaliste des qualifications Orange e-Ligue 1). Lire l’interview à Alexandre Jaumin.
« Le projet est intéressant et les deux mondes, celui de l’eSport et du vrai football sont très liés »,
Musa Araz, milieu de terrain du FC Lausanne-Sport
Les différents staffs se verront ensuite volontiers alimentés par un centre de formation stable et sérieux qu’il conviendra, pour les dirigeants, de mettre en place rapidement. « Le but est de proposer un encadrement complet, y compris dans la prévention. Les jeux de guerre ne doivent pas avoir de répercussion sur la vraie vie de certains jeunes sensibles. Mais il est clair que nous n’entraînerons pas un jeune de 10 ans à Call of Duty, alors que le jeu est réservé aux plus de 18 ans », explique et rassure Frédéric Boy. Aussi, de l’ancien Qualitas Helvetica et grâce à la fusion avec l’encadrement du LS, l’entière structure souhaite se positionner en principale formation d’eSport en Suisse, aligné sur les plus grands rendez-vous de « Gaming » nationaux et en Europe (PolyLan du 14 au 17 avril 2017, Swiss Gaming Challenge du 29 avril au 1er mai 2017, DreamHack Suède Summer du 17 au 20 juin 2017, GGC du 22 au 24 septembre 2017 ou encore, parmi d’autres, SwitzerLan du 12 au 15 octobre 2017 avant la rencontre majeure à l’International Gaming Show à Lausanne). Nous l’avons compris; l’académie eSportive et l’encadrement auprès des jeunes, mais aussi auprès des parents réfractaires, est mis en priorité pour le Lausanne-Sport eSports. L’heure est donc réellement à l’audace, à l’innovation et aux nouvelles collaborations. Tant mieux. « Le projet est intéressant et les deux mondes, celui de l’eSport et du vrai football sont très liés. Mais de notre côté, il faudra d’abord penser au maintien en Super League avant de penser à s’améliorer sur FIFA », rappelle justement Musa Araz, milieu de terrain du FC Lausanne-Sport, en conférence de presse.
La rentabilité financière du Lausanne-Sport eSports
La question budgétaire, au-delà des 20’000 francs qui se verront alloués au développement du club, est un sujet difficile à aborder à l’heure où la diffusion du eSport se veut encore quelque peu freinée. Aussi, sur un jeu tel que FIFA, le FC Lausanne-Sport ne perçoit aucun droit à l’image de la part EA Sports, le concepteur du jeu comme le rappelle Jeff Collet: « Aucun droit à l’image n’est payé au LS pour le jeu FIFA. Rien. Mais les sponsors sur les maillots sont en revanche réutilisés et reproduits sur les jeux électroniques. C’est donc par là qu’il peut arriver que l’eSport devienne un vrai commerce. » En effet, chaque jour, selon les données officielles du jeu, 20’000 matches sont joués sur FIFA 17 avec l’équipe du FC Lausanne-Sport, dans lesquels tous les maillots des joueurs sont reproduits à l’identique: « C’est bien quelque chose que nous faisons valoir auprès des sponsors. Leur logo est même reproduit dans le jeu », se satisfait justement Jeff Collet. Mais les perspectives de sponsoring se limitent à cela, pour l’instant. D’autant plus qu’il n’est pas prévu, pour cette première année, d’encaisser de longues liquidités liées à l’activité du club eSport: « Tous les Prize Money [ndlr, l’argent remporté pour les participations ou les victoires à des compétitions d’eSport] seront intégralement reversés aux joueurs pour cette première année », annonce Frédéric Boy. « Mais la redistribution des gains fait partie des choses sur lesquelles nous devrons réfléchir par le futur », complète Jeff Collet.