Max Bird: « Quand Grégoire Furrer vous invite à Montreux, ça fait vraiment plaisir »

Max Bird, le biologiste qui a misé sur l'humour.

Le Français Max Bird a présenté son « Encyclo-spectacle » dimanche après-midi au Théâtre de Poche de la Grenette, dans le cadre de la quatrième journée du 27e Montreux Comedy Festival. Dans un contexte de promotion de la Riviera par la scène, comme annoncé par Grégoire Furrer en conférence de presse, la venue du “youtuber” a décliné sur scène, l’ensemble des effets de son one man show – les fondamentaux – le rire et la connaissance. Rencontre.

Ensemble noir et cravate verte sur scène ; tu défies les superstitions du théâtre… à l’image particulièrement de ton encyclo-spectacle.

Effectivement. À la base, je souhaitais porter un vêtement vert. Je voulais que le vert vif devienne mon code visuel avec le noir. Le vert représentant pour moi l’Amazonie, la nature, l’écologie et cette superstition m’a encore plus encouragé à porter le vert sur scène. Au moins, comme cela, personne ne pouvait me le “voler” et il pouvait en ce sens me faire remarquer. Et disons que pour l’instant, il me porte plutôt chance. Moi, qui aime bien déconstruire les idées reçues, je parviens à démonter une autre croyance simplement grâce à ma cravate verte.

Tu viens à Vevey dans le cadre du Montreux Comedy Festival. Quelles impressions ?

Cela fait un moment que je connais Montreux et depuis quatre ans que j’essaie de devenir humoriste – je suis monté à Paris, j’ai commencé à écrire des sketches – il faut dire que le Montreux Comedy Festival est un peu le nirvana des humoristes en Europe. J’ai d’ailleurs fait plusieurs concours qui m’avaient toujours mené en finale sans pour autant avoir eu la chance de franchir les portes du MCF. Et aujourd’hui, ça y est : j’y suis ! Je suis ravi, c’est une sorte de consécration lorsque l’on apprend à nos proches que l’on va participer au festival de Montreux. Il se crée alors une ambiance euphorique autour de moi.

Ta première en Suisse ; il faut dire que ton spectacle s’adresse à tout le monde…

Techniquement, ce n’est pas ma première en Suisse puisque j’ai déjà fait deux dates le mois dernier à la Grande Maison de Chandolin-près-Savièse. Mais il est vrai que mon spectacle est très grand public. Quand j’ai commencé, comme je n’étais pas dans l’idée d’un spectacle politique et que je n’étais pas dans le graveleux, ce qui semble être plutôt à la mode de nos jours, on m’a toujours classé parmi un humour plus calibré. Je l’ai fait justement pour séduire toutes les générations. Et même si tout le monde peut se retrouver dans la salle, c’est surtout les jeunes qui figureront parmi les plus touché par mon spectacle. Comme mon humour est un peu décalé, ce qui ne séduit pas forcément un public plus mûr, cela est plus susceptible de s’adresser à un public plus jeune.

« Rire de Tout » cette année à Montreux. Tu le fais à ta manière…

C’est cela. Je ne suis pas forcément la démonstration que l’on puisse rire de tout, en prenant des thèmes sulfureux. Mais j’aime bien l’idée que l’on puisse aborder des sujets barbants ; c’est plutôt là-dedans que je souhaite faire rire “de tout”. Aussi, quand j’ai commencé à faire de l’humour, je n’ai pas toujours osé faire des sketches sur les sciences, même si cela constituait ma plus grande passion. Si tout le monde fait des sketches sur la vie au quotidien, ce n’est pas pour rien ; le public a besoin de se sentir concerné. Cela me paraît logique. Je pensais que si personne ne parlait de ces sujets-ci, c’était bien parce que tout le monde n’y portait pas un grand intérêt. Et finalement, quand j’ai présenté mon premier sketch sur des thèmes plus scientifiques, et que j’ai vu le retour du public, j’ai compris que l’on pouvait aussi faire rire sur des sujets pareils. C’était très bien, étant donné que j’avais aussi des prédispositions – j’étais passionné par ces thèmes-ci depuis que je suis tout petit et que j’aime en parler. Et il faut dire, qu’inconsciemment, quand j’en parlais à des connaissances, j’y ai toujours apporté des vannes, tout comme des comparaisons avec la culture populaire. J’ai aussi misé sur des imitations corporelles pour que l’on comprenne mieux de quoi je parlais. J’ai alors toujours fait en sorte de rendre les choses plus digestes donc c’est comme si j’avais préparé ce spectacle toute ma vie.

Il y a un mélange d’absurde et de légende revisitée de la mythologie et des sciences. C’est l’effet que tu souhaitais apporter dans cette encyclopédie un peu décalée ?

Si je racontais texto sensu les légendes ou le mécanisme des molécules, cela s’en trouverait tout de suite moins intéressant pour un public peu intéressé par ces sujets. Il s’agit donc, avant tout, de faire rire et injecter, au passage, un peu de connaissance en passant donc par l’absurde, en passant par des références avec la culture populaire. Il faut faire naître l’intérêt du public instantanément pour le sujet dont on est en train de parler. Ce n’est pas forcément toujours une réussite, mais c’est là-dessus que je travaille.

Tu rends l’image, sans image…

Oui, c’est bien ce qui me plaît le plus dans le one man show. Si j’avais plus de moyens et plus de fonds, j’aurais adoré pouvoir réaliser un documentaire. Mais ce qui est appréciable dans les seul-en-scène, c’est que l’on peut, avec très peu de choses, en faire comprendre beaucoup. Et comme j’ai l’habitude d’être très visuel dans ma manière de parler – avec les mains et le corps – je parviens à rendre mon histoire visible inconsciemment. Quand je raconte l’histoire de cet oiseau en Amazonie (ndlr, une harpie féroce que Max a toujours rêvé photographier), je n’ai pas suffisamment le recul pour réellement savoir si le public me comprend et me suit dans mon histoire. Ce sont les autres finalement, qui m’expliquent qu’avec un petit geste, ils parviennent à se retrouver sur une pirogue et visualiser l’arbre et le soleil qui l’entourent. Or, je ne m’en rends même plus compte en le faisant.

Tu es notamment produit par Gérald Dahan. Tu es bien entouré dans le milieu…

Oui, tout-à-fait ! Je l’ai rencontré il y a trois ans et j’étais fan de lui. J’ai tout fait pour le rencontrer parce que je savais qu’il était parrain dans une scène ouverte. J’ai tout fait pour passer devant lui car je souhaitais vraiment le convaincre. Il est, par la suite, venu me voir en spectacle et c’est lui-même qui m’a fait la proposition de m’aider, soit en mettant en scène le spectacle, soit en m’aidant à l’écrire. Finalement, il a pensé qu’il n’y avait rien à modifier et il a simplement proposé de me produire. Et il n’a pas menti ; cela fait trois ans que l’on travaille ensemble, et même très bien. Il m’a fait faire des festivals d’humour et c’est grâce à ça que j’ai pu me confronter à d’autres humoristes et que j’ai été amené, en conséquence, à élaborer mon style scientifique qui n’était pas nécessairement – de base – au goût de Gérald Dahan. Il aimait bien mon côté absurde, décalé et très visuel. Mais c’est en m’obligeant à me confronter à des humoristes beaucoup plus expérimentés que moi qui m’a fait naître en moi ce besoin soudain de me démarquer et donc c’est grâce à lui que j’ai entrepris ce virage scientifico-barré.

La dynamique du festival de Montreux se veut – également et surtout – se décliner sur les réseaux sociaux et les médias de communications actuels comme celui que tu utilises : YouTube. On imagine que tes relations avec Grégoire Furrer, le président-fondateur du MCF sont assez proches.

Je l’ai rencontré, en effet et c’est d’ailleurs bien grâce à lui que je suis à Vevey pour ce 27e Montreux Comedy Festival. J’étais alors finaliste de Jokenation de l’an passé mais je n’avais pas été sélectionné pour partir à Montreux mais il avait déjà vu un extrait de mon spectacle à ce moment-là. Il n’y avait, alors, pas pour autant eu un coup de foudre. En revanche, je l’ai recroisé à Avignon cet été et je venais de me lancer sur YouTube et mes vidéos avaient explosé. Je lui en ai parlé – autant sur mes vidéos que sur l’avancement de mon spectacle – et il a annulé ses engagements pour l’après-midi pour venir me voir jouer. Et il en est ressorti convaincu ; l’alchimie avait opéré. Il m’a alors promis de me trouver une place pour cette édition du festival de Montreux, malgré une programmation qui était déjà très avancée. Quand Grégoire Furrer en personne vous invite à Montreux, ça fait vraiment plaisir.

Tu as raconté une si belle histoire en fin de spectacle sur ta passion pour les dinosaures, la forêt amazonienne et – en mélangeant l’un dans l’autre – pour la créature unique de la harpie féroce. On en conclut, à l’aune de cette histoire, qu’il faille suivre ses rêves.

Je n’aime pas donner de messages philosophiques dans mon spectacle mais il est vrai qu’il y en a un qui est sous-jacent dans mon histoire finale. Il faut vivre ses rêves même s’il n’y a aucune chance de les réaliser. Je pensais réellement pendant des années qu’il m’était impossible de trouver la harpie féroce que je recherchais depuis longtemps en Amazonie. Et quand je l’ai trouvée, je me suis rendu compte que le plus beau à vivre n’a pas été le moment lors duquel j’ai pris la photo, mais le meilleur moment était bien quand j’étais en pleines recherches, pendant des années lors desquelles je rêvais de la trouver. Une fois fini, le feu n’était plus le même. Je n’allais plus me balader dans la forêt pour cette même passion et donc il vaut mieux avoir des rêves et ne jamais les atteindre plutôt que de ne pas avoir de rêves. C’est pourquoi je parviens à prouver, à l’aune de ceci, mon changement de parcours dans la vie. Moi, qui étais destiné à aller dans la biologie, j’ai finalement fait dans le théâtre. Mes parents, mes amis n’avaient rien compris de ce changement de voie. Mais il fallait que j’aille sur une nouvelle route avec de nouveaux objectifs. Et plus l’objectif est démesuré, plus il est absurde, plus la route sera chouette, ceci même si je ne la terminerai jamais. « Il n’y a que les routes qui sont belles et peu importe où elles nous mènent », chantait Jean-Jacques Goldman. Je trouve que c’est une belle morale parce qu’il y a trop de gens qui vivent avec la peur d’échouer, que finalement ils vivent sans rêve. Or, l’important n’est pas de réussir ou échouer, l’important est de partir à l’aventure.

ndlr, Max tire son nom de scène “Bird” à sa passion pour la nature, l’Amazonie et plus particulièrement en référence à une harpie féroce, un aigle que l’on retrouve principalement en Amérique du Sud, du Guatemala au Brésil. Cet oiseau rare fit l’objet de longues et désespérées recherches de sa part, avant qu’il ne parvienne, lors d’un tour sur le fleuve Amazone, à finalement l’identifier, posée sur une branche d’un arbre. Ce fut alors un accomplissement pour Max qui savait ses recherches – et son rêve longtemps inatteignable – accomplis.