Parmi les 300 licenciées féminines de rugby en Suisse, comptent les 25 engagées avec la nouvelle équipe de l’Albaladejo Rugby Club. Après avoir disputé leur premier match officiel à 15s le 13 novembre dernier à Chavannes-près-Renens face à Winterthur, les filles du club lausannois à l’histoire riche ont pu goûter à la compétition en cette fin d’année dans un tournoi les ayant notamment opposé face à trois des meilleures équipes du pays. Une jauge particulièrement bénéfique pour un groupe qui souhaite atteindre la ligue nationale féminine (LNF) dès le mois de juillet prochain. Reportage.
À Lausanne, dans le quartier de Boissonnet – quand ils ne partagent pas le terrain de Chavannes-près-Renens – Yannis Moullet et Matthieu Husson se rencontrent, se saluent, élaborent les préparatifs de la séance d’entraînement, s’échangent le ballon ovale et sourient. Ensemble, ils s’apprêtent à faire vivre un rêve, à l’élaborer, le perpétuer, le partager avec une vingtaine de jeunes filles relatant une passion commune. Car oui, le rugby féminin existe en Suisse, paraît-il. Et semble-t-il, les passions s’organisent parmi les dignes représentantes de ce sport. C’est ce que veut mettre en évidence l’Albaladejo, club de rugby lausannois depuis 1969. Première formation du canton et du pays née le ballon ovale dans les mains, l’Alba réunit aujourd’hui tous les passionnés et passionnées d’un sport encore si peu médiatisé dans nos contrées. Le club possède fièrement une équipe masculine, évoluant en Ligue nationale B (troisième division suisse) et une école de rugby qui fit déjà l’objet de précédentes chroniques (lire l’interview à Frank Souyris, alors président du club). C’est alors en 2015 que naît la première équipe féminine de la capitale olympique, co-entraînée par Yannis et Matthieu. D’abord pensée par un groupe de filles volontaires et entreprenantes, l’Albaladejo s’est montré réceptif à la mise en place d’un projet qui se veut plus que jamais rassembleur. Loin du niveau professionnel par les faits, c’est par le courage, la loyauté est la fraternité que les filles de l’Alba puisent leur motivation. « Nous sommes une grande famille depuis 1969 avec des liens très forts entre l’ensemble des membres et l’on a la chance d’accueillir cette équipe féminine depuis maintenant plus d’une année, d’agrandir cette famille tout en pouvant en perpétuer nos valeurs », précise Xavier Mirabaud, président du club. Néanmoins, fraîchement créée, la formation compte déjà plusieurs licenciées – 25 pour la précision – qui s’entraînent et pratiquent désormais le rugby toutes les semaines. C’est bien une belle page de son histoire que le club historique de Lausanne est en train d’écrire comme le confirme Xavier Mirabaud : « C’est une histoire de jeunes filles dont certaines jouaient déjà dans différents clubs de la région et voulaient perpétuer le rugby. Elles trouvaient assez curieux qu’il n’existe aucun club à Lausanne, sachant que l’Albaladejo est le premier club de rugby en Suisse. Il aura donc fallu attendre pas moins de 55 ans avant de pouvoir créer cette excision féminine. » C’est ainsi sur un si prompt envol que l’Albaladejo peut se parer des défis qui l’attendent d’ici à 2017.
Les défis pleuvent, la motivation grandit
Parmi les attentes de ces jeunes filles, habituées au rugby à sept, apparaissent les volontés de se confronter au 15s, le rugby pratiqué en ligue nationale féminine que le club prévoit de rejoindre dès la saison prochaine. C’est bien là, l’un des principaux objectif de l’Alba. Mais pour y parvenir, le club devra investir sur le recrutement de nouvelles joueuses afin de croître son nombre de licenciées au seuil de 30. Ce sera tout l’enjeu dès février 2017. « Les défis qui nous attendent pour cette équipe sont plusieurs. Le premier relève avant tout d’un souci de recrutement. Le rugby est un sport qui se joue à quinze contre quinze, parmi lesquelles il faut toujours compter des remplaçantes et malheureusement aussi quelques blessées. Ensuite, nous souhaitons réellement faire monter en compétence notre équipe féminine. Nous avons beaucoup de filles qui nous rejoignent et qui sont débutantes que l’on doit former et intégrer très rapidement, tout en prenant énormément de plaisir. » À ce titre, l’Albaladejo Rugby Club témoigne sincèrement de son ascension depuis plus d’une année. Et pour y parvenir, l’équipe féminine peut également compter sur plusieurs de ses joueuses cadres comme Sandra Lecci et Christa Herrmann toutes deux sélectionnées avec l’équipe nationale suisse ; la première héritière de la seconde au sein du XV de l’Edelweiss, car après cinq années de service au sein de la nationale, Christa a décidé de laisser sa place. C’est ce qui lui permit de disputer à Yverdon-les-Bains, samedi 26 novembre, son premier tournoi avec les filles de l’Alba. Quoi qu’il en soit, l’expérience parlera au sein de l’équipe lausannoise, créant par là, une dynamique effective et solide. « C’est quelque chose de très important dans la phase de construction de l’équipe parce que ce sont des joueuses qui peuvent apporter énormément aux autres. Au sein de la ligue nationale de développement (ndlr, la division inférieure à la ligue nationale), nous sommes la seule équipe à bénéficier de joueuses nationales. Celles-ci permettent donc de tirer vers le haut les joueuses qui ont déjà un certain vécu mais vont aussi beaucoup aider les jeunes joueuses qui débarquent et apprennent le rugby. Cela est très motivant », confirme le président du club.
« Nous avons montré que nous avons de la hargne et de l’envie. Nous devrons continuer l’année prochaine pour monter une équipe à Lausanne qui puisse être réellement compétitive sur le long terme. »
Yannis Moullet attend beaucoup de ses joueuses. « C’est un club qui vit, qui grandit mais tout en restant familial. », disait Xavier Mirabaud. C’est bien ce que partagent également les deux co-entraîneurs de l’équipe. Au terme du dernier tournoi de l’année, à Yverdon-les-Bains, lors duquel les filles de l’Alba ont combattu face à diverses équipes de ligue nationale féminine (LNF), les réactions en sont par ailleurs fort positives ; l’équipe parvient désormais à rivaliser face à des équipes de plus gros calibre : « Nous avons montré que nous avons de la hargne et de l’envie – témoigne Yannis avant de poursuivre – Nous devrons continuer l’année prochaine pour monter une équipe à Lausanne qui puisse être réellement compétitive sur le long terme. Nous devons démontrer que malgré le peu d’expérience – deux, trois ans de pratique pour les plus expérimentées à quelques mois pour les plus débutantes –, nous pouvons rivaliser face à des équipes comme Lucerne, Bâle ou le CERN qui sont en ligue féminine. Nous devons partir en progression. » C’est ce qu’on fait les filles de l’Alba, samedi 26 novembre, engagées dans des matches à sept de 14 minutes, tenant le choc notamment face au CERN (3-3), Bâle (3-4) et les championnes suisses en titre, Lucerne, dans une défaite plus qu’encourageante de deux essais contre quatre. C’est alors que l’équipe a eu l’occasion de mesurer tout son potentiel pour une équipe qui se veut très jeune, à l’image de Jessica Bailat, 16 ans et engagée avec les M18 de l’équipe de Suisse : « C’est super de pouvoir pratiquer un sport avec du fair-play, de la détermination et de l’envie de jouer. Il y a une très bonne ambiance au sein de l’équipe », explique-t-elle. Un message encourageant aux siennes pour les prochains matches et tournois à venir.