Cœur à Cœur, le programme de la RTS en faveur de la lutte contre la précarité

Philippa De Roten, cheffe des programmes “Société & Culture” de la RTS, en conférence de presse à La Sallaz mardi 1er novembre 2016. © Oreste Di Cristino

Une opération de 147 heures de direct non-stop en faveur de la lutte contre la précarité. À Lausanne, la RTS investira son énergie du 17 au 23 décembre, en compagnie de trois de ses animateurs phares. Lumières. Lire également l’interview complète avec Jonas Schneiter.

L’entière opération caritative fait sens pour le service public, annonce Philippa De Roten, cheffe des programmes “Société et Culture” de la RTS depuis le 1er juillet 2016. Importée des Pays-Bas et de Belgique – les pays ayant initialement élaboré le concept – le programme intermedium “Cœur à Cœur” mobilisera trois animateurs aux profils variés dans un cube de verre, six jours et six nuits durant (du samedi 17 au vendredi 23 décembre 2016) pour une durée totale de 147 heures de direct. Le défi: tenir et animer, à tour de rôle, l’antenne du service public au contact avec le public dans le but de récolter des fonds en faveur de la lutte contre la précarité. L’entier de la somme sera ensuite versée à la Chaîne du Bonheur qui se chargera de répartir le pactole entre les diverses associations caritatives luttant contre la pauvreté en Suisse. «Le but est d’ouvrir les cœurs et les esprits dans la période de Noël.», avance Philippa De Roten. Aussi car la précarité est une réalité qui a mobilisé et «convaincu nos animateurs», ajoute la chef des programmes de la Radio Télévision Suisse. Au micro, pour la durée de cet entier marathon médiatique, trois profils aussi diversifiés qu’excentriques. Pauline Seiterle (33 ans) – animatrice radio à Option Musique, puis sur le programme “Paradiso” sur La Première –, Philippe Robin (54 ans) – animateur de télévision depuis 1988 (présentateur de “Télé la Question” puis de “Le Grand Quiz” sur RTS Un) et animateur sur Option Musique depuis 2005 – et Jonas Schneiter (26 ans) – jeune présentateur de radio depuis 2014 (“Namasté” sur Couleur 3 puis dès janvier 2017 sur La Première) et de télévision depuis août 2016 (avec “C’est Ma Question” sur RTS Un) – sont les trois sacrifiés de l’opération qui les mettra à défi de la cohabitation et de la promiscuité, une semaine durant.

«J'espère que nous arriverons à être tous un peu en décalage l'un par rapport à l'autre. Le but n'est pas d'avoir trois Jean-Marc Richard dans le cube, ça manquerait de saveur (rires). Nous devrons friser avec la limite du correct de temps en temps même si cela reste la RTS. Il y aura très certainement quelques divergences entre les animateurs; nous sommes tous très différents avec trois égos bien trempés. Il sera alors fort possible que l'on retrouve quelques incompréhensions entre générations. C'est ce qui rendra l'expérience marrante.»

Jonas Schneiter, animateur sur RTS Un

L’animation de l’avant-veille de Noël aura lieu sur la Place Centrale de Lausanne, «ville choisie pour son engagement extraordinaire en faveur de la solidarité», explique Jean-Marc Richard, producteur et animateur sur La Première et RTS Un, en conférence de presse mardi matin à La Sallaz, lors de laquelle était présent également le syndic lausannois Grégoire Junod. Le socialiste élu, au poste depuis cet été, n’a par ailleurs pas manqué de rappeler l’exercice de la Ville en faveur de la charité. «Lausanne, c’est une politique sociale forte. Son dispositif, cofinancé aussi par le Canton, s’est renforcé au cours du temps.», exprime-t-il devant les journalistes avant de saluer le projet mis en place par la RTS: «Il n’a pas été simple de trouver un espace où réaliser l’idée compte tenu les nombreuses animations de Noël déjà programmées. Mais le projet fait sens pour Lausanne et il viendra en complément des nombreux programmes sociaux déjà développés car c’est une réalité que les personnes vulnérables viennent trouver refuge en ville.» conclut-il.

Une importation hollandaise

Ces 147 heures de mobilisation à l’antenne ne sont toutefois pas un pur produit RTS. Si la SRF (Schweizer Radio Fernsehen) en a déjà tenté l’expérience, le concept a principalement été développé aux Pays-Bas sur la chaîne de radio 3FM en 2004. «Cela va au-delà d’une simple émission de radio car les animateurs seront en direct absolu pendant tout ce temps», rappelle pour sa part Jean-Luc Lehmann, chef de projet à la RTS. Une télé-réalité somme toute assez particulière qui mobilisera l’ensemble des canaux du service public; le streaming web, la télévision (le cube de verre sera filmé tout le long de la prise d’antenne) ou encore les canaux FM traditionnels de radio. Et ce, en plus du direct sur place.

«Cette expérience est le parfait exemple du cross-médias. En ce sens, c'est assez novateur. Nous serons à la fois sur les réseaux sociaux, sur la télévision et la radio. Toutefois, l'opération n'est pas tout-à-fait nouvelle, car elle a été inventée en Hollande. À l'époque, en 2004, la RTS n'en était pas encore là mais aujourd'hui, c'est un concept qui est totalement cohérent avec notre manière de consommer les médias. J'imagine parfaitement, à ce titre, une personne qui nous écoutera à 17 heures dans sa voiture, passera à la Place Centrale de Lausanne à 18h pour écouter un concert, rentrera à la maison à 19h pour montrer l'opération à ses enfants sur internet et qui allumera sa télévision le soir avant d'aller se coucher. En faisant cela, il aura fait le tour des médias qui lui sont mis à disposition. Cela fait sens, mais il y a deux ou trois ans, ce n'était pas encore le cas. Or, de nos jours nous devons maintenir nos auditeurs très captifs et c'est un sacré casse-tête.»

Jonas Schneiter, animateur sur RTS Un

Les trois animateurs volontaires, ouverts aux autres, incarneront avec force cette solidarité sur l’antenne d’Option Musique, qui se voudra alors fortement relayée sur les réseaux sociaux. Face à de nombreuses personnalités, qui seront invitées au sein de cette cage de verre – autant d’entrepreneurs de solidarité répartis dans toute la Suisse Romande – il s’agira alors de décrocher les sourires tout en jouant d’une certaine exubérance à l’antenne.

«Il y a un peu de “navigateur de l’Atlantique”.»

150 personnes travailleront sur le projet, dont une centaine tout au long de l’opération, annonce de plus Philippa De Roten. Une véritable chevauchée à laquelle se préparent déjà les trois animateurs. «Il y a un peu de “navigateur de l’Atlantique” – lance Pauline Seiterle avant de poursuivre – Le but de ce projet est bien de se maintenir et vivre dans cette intensité.» Tout est en revanche pensé pour favoriser un (minimum) de confort pour les animateurs, interdits de sortir de la structure pour les six jours d’opération. Avec quatre heures d’émission pour huit heures de repos, à l’étage du cube de verre, il suffira de trouver tous les moyens pour se reposer.

«Nous sommes encore en discussion sur les heures de passage. Néanmoins, la logique sera d'animer et dormir un peu, sans arrêt pendant 6 jours. Il faut se rendre compte qu'il y aura également un brouhaha constant dans ce cube et qu'il faudra trouver en tous les cas un moyen de dormir. Il est même possible qu'on en perde les notions de “jour” et de “nuit”, tant notre mobilisation sera grande et intense. Le concept veut cela; fragiliser les animateurs pour qu'ils perdent, sur la longueur, leurs repères et génèrent de la “bonne” radio. Le but en est de retrouver une émotion.»

Jonas Schneiter, animateur sur RTS Un

Aussi, dans cet état particulier d’échange entre l’intérieur et l’extérieur de ce cube de verre, il s’agit de remettre l’importance sur la finalité totale de cet enfermement quotidien. «Il y aura beaucoup de happening – affirme Philippe Robin avant de continuer – Nous espérons pouvoir remettre un chèque conséquent à la Chaîne du Bonheur.» «Nous allons payer de notre personne et c’est l’objectif.», complète Pauline Seiterle. Du 17 au 23 décembre, l’appel sera pourtant général car, pour ces téméraires animateurs, il s’agira également de porter écho de l’entière opération à l’antenne. Aussi car «nous sommes tous confrontés aux problèmes de la précarité et chacun est acteur de la solidarité», avouait Jonas Schneiter lors de la conférence de presse. Que la récolte ne soit pas langoureuse…

Jean-Marc Richard, l’ambassadeur du cœur de la RTS

«La fatalité a subsisté pendant plusieurs années, puis la solidarité s’est organisée.» affirme en conférence de presse le producteur du service public mardi à La Sallaz. À tel point que l’on se félicite d’une réalité: la fatalité n’existe plus aujourd’hui. Et la RTS le prouve en s’y engageant vivement. «60% des projets de la RTS soutiennent les initiatives contre la précarité. Je suis heureux que nous arrivions à en parler de nos jours.» ajoute Jean-Marc Richard. Dans le but de démontrer que la précarité a des visages, justifiant une réalité humaine par-delà les chiffres, la Radio Télévision Suisse contribue à la mise en lumière d’une réalité croissante. «Grâce à rtscoeur.ch, nous prouvons bien qu’aujourd’hui, des réseaux de solidarité se sont créés. C’est un combat permanent pour que les gens dans le besoin puissent être aidés.» conclut l’animateur radio et télévision qui interviendra tous les jours lors de l’opération de 7h à 20h sur Option Musique. Pour réaliser l’opération, la RTS a choisi de collaborer avec la Chaîne du Bonheur à qui reviendra le chèque final. «Le service public n’a pas le droit de faire du caritatif, par le simple fait que la RTS ne peut pas favoriser une association plus qu’une autre. C’est pour cela que nous avons collaboré avec la Chaîne du Bonheur afin qu’elle gère elle-même la répartition des dons récoltés», explique pour sa part Jonas Schneiter. Il conviendra ainsi à cette dernière de répartir l’argent aux diverses associations de solidarité. Sophie Balbo, porte-parole de la Chaîne du Bonheur, rappelle quant à elle que quelque un million de personnes sont en risque de tomber dans la pauvreté, soit une personne sur huit. Un quinzième – entre adultes en difficulté, jeunes en réinsertion professionnelle et mineurs sans parents, sans gardiens – vit déjà sous le seuil de pauvreté. Une réalité.