Fabien Olicard, du mentalisme à la scène de la passion

Fabien Olicard a mentalisé le CPO d'Ouchy vendredi et samedi soir dans le cadre des “off” de Morges Sous Rire.

C’est le retour des “off” de Morges Sous Rire au CPO d’Ouchy. Rendez-vous phare de l’ancien Lido Comedy & Club de Lausanne, l’entière programmation a migré pour livrer toujours plus les pépites de ses nombreux talents. Ce week-end, c’est Fabien Olicard qui s’est prêté au jeu. Foulera-t-il les planches à Morges ? À vous de le décider.

Disons que c’était de la pédagogie, ou de la thaumaturgie ; une divination, une diablerie. Ne semble-t-il que Fabien Olicard ne s’en empêche jamais : du mentalisme, sous-genre de lascar scénique, troublant nos envies et nos sentiments, dans le but de mieux manipuler. Un art sans jamais ne l’abâtardir, sans jamais tomber dans une facilité qui le rendrait suranné. Une amnésie mise en scène, un public estourbi, un talent inné, an ingeni. Fabien Olicard, c’est tout cela : un désordre dans l’établi et un spectacle qui ébahit. Bref, Olicard aime berner, mais à sa manière : « J’ai juste envie de jouer. Ce n’est pas grave si je rate des choses, je n’ai pas peur. Toute ma démarche va au-delà du bluff et ne dépend pas sans arrêt du sans faute. Cela dit, je peux également aller très loin dans la mise en danger. Si je réussis, je suis très content mais si je rate, ce n’est pas très grave ; la complicité entre le public et moi sera tellement grande que l’on pourra rire ensemble d’un raté. Essayons d’explorer ensemble tous les chemins possibles ». C’est ainsi qu’au centre pluriculturel d’Ouchy (CPO) – on migre dans les bas de la région de Lausanne – on retrouve aussi une effluve, un esprit, une réalité indicible d’un passé encore bien présent. Et ensemble, artistes et programmateur ont cultivé la flamme du spectacle, de la culture et du divertissement. Ensemble, ils ont rapporté, quelques lieues plus loin, le souffle du Lido Comedy & Club. Après la Comédie Musicale Improvisée et Improlido, c’est au tour de Fabien Olicard – et des “off” du festival Morges Sous Rire – de faire leur coming-back sur les nouvelles planches découvertes de Lausanne, pérennisant ainsi toujours plus les rendez-vous phares du Lido. On n’en demandait pas plus.

Le Lido Comedy & Club, un attachement tout sauf matériel

« Je me suis rendu compte que le Lido n’était pas qu’un lieu bâti par des murs, c’était avant tout un esprit, entretenu en les personnes de Thomas [ndlr, Lécuyer, le programmateur] et de Nethänael [ndlr, le régisseur]. Et ce soir, on a prouvé que si l’on déplace les bonnes personnes et le bon état d’esprit de ces derniers dans n’importe quel quatre-murs de la ville, on retrouve le Lido, de la même manière », avoue Fabien Olicard, quelques minutes après être sorti de scène au CPO d’Ouchy, samedi soir. Ce week-end à Lausanne marquait alors, pour le mentaliste parisien, de belles retrouvailles avec un public qu’il avait l’habitude de croiser. « J’y retrouve la même “magie” et le même plaisir et, de surcroît, le même public. Les personnes qui venaient au Lido sont restées fidèles au souffle du Lido. C’est magnifique », explique-t-il. Et à vrai dire l’énergie de la scène ne change pas non plus ; Fabien Olicard est toujours aussi électrique, tout autant que moqueur et bon ami. Le retrouver sur scène n’est alors subir que le contrecoup de notre étourdissement car, avec Fabien, il n’est pas permis – ou pas conseillé – d’être inattentif, quand bien même l’on voudrait se dérober de sa propre griserie. Et il y a quelque chose d’excitant, cette relation affable avec ses spectateurs, cette contiguïté entre la scène et le public toujours plus mise en évidence par un humoriste qui mélange les styles et les effets de plume ; être mentaliste et humoriste est plus qu’un métier, c’est un instinct. Et tout le monde en profite, quelques en soient les dispositions : « Je crois que j’ai un humour universel, disons transgénérationnel. Tout le monde peut être intéressé par Fabien Olicard. Une intimité de fête se crée que la salle soit petite ou grande. D’ailleurs lors des premières parties de Jeff Panacloc, dans des salles de 7500 spectateurs, on avait la même relation de ce soir face à 150 personnes. Je ressens exactement le même plaisir et je retrouve la même énergie avec le public. J’ai la chance que la magie puisse opérer quelque soit la jauge », nous livre l’artiste en interview. Même qu’un jour, explique-t-il, se produisait-il à Tahiti avec Jeff Panacloc pour réaliser un spectacle d’enfant ; Fabien Olicard se fond dans l’environnement qui l’entoure, et toujours avec le même panache. Aussi car Fabien sait se faire des amis : « Dès les premières minutes du spectacle, j’essaie de m’intégrer au sein de cette bande de potes qui est dans la salle. Et sans me montrer « démonstrationiste », j’essaie de temps en temps de les bluffer, tout en leur prouvant que je suis légitime dans mes dires et actions. J’essaie avant tout de leur faire découvrir ma passion ». Et pour ce faire, Fabien Olicard n’a pas hésité à fonder la propre dimension pédagogique de son propre tour de main. Une caractéristique, pourtant, qui n’a pas toujours fait l’objet de son spectacle depuis ses débuts sur scène : « La pédagogie, j’essayais de la gommer au tout début de mes spectacles. C’est assez drôle ; quand j’ai commencé la scène, je n’essayais pas d’expliquer mes tours, je me cantonnais à l’idée de faire rire et de surprendre. Et je me suis rendu compte que, d’une manière innée, j’aime transmettre. Et le partage que j’essayais de gommer hier, j’en ai fait une force aujourd’hui. Je prends d’ailleurs même volontiers le temps après le spectacle pour répondre aux questions du public parce que cela me passionne réellement ».

Trois signatures, sans ventriloquie

Seul-en-scène, Fabien Olicard n’est toutefois pas seul dans son arrière-scène. Aidé, conseillé et – disons même – mis en scène par le travail de trois amis, le mentaliste est passablement bien entouré. Et pourtant, les domaines d’action ne sont pas les mêmes. Il y a qui attaque sa posture scénique – « Aude Galliou est une personne que j’ai rencontrée il y a quelques années et je lui ai demandé d’intervenir sur mon expression scénique, étant donné que je ne suis pas comédien de formation. Elle a travaillé un peu avec moi sur la mise en scène et sur le texte, mais principalement sur le jeu. C’était très important d’être entouré ». Qui affine sa prestidigitation – « Julien Losa est un ami mentaliste qui habite au Brésil et il m’a aidé à travailler la discipline. Nous avons fait quelques brainstorming ensemble et cela est très important de pouvoir le faire avec des personnes de confiance ». Et enfin, qui le soutient depuis ses débuts – « Et Jeff, c’est un très grand ami de longue date. Nous avons commencé ensemble dans les cabarets parisiens. Je co-écrivais ses passages télé chez Patrick Sébastien et quand j’ai lancé mon spectacle, il m’a régulièrement donné ses conseils ». Aussi, avec le célèbre ventriloque pour qui Fabien Olicard faisait les premières parties, existent des relations de très grande affinité. « On est partis une fois à Tahiti ensemble et des fois aussi, il m’invitait à manger. Ensuite, sa carrière a décollé, lors de ses passages à la télévision, et on voulait encore travailler plus ensemble. Alors même que sa carrière prenait le large, on est restés les meilleurs amis ». Et que dire du rapprochement – pourquoi pas « magique » – liant aussi bien le mentalisme et la ventriloquie ? À vrai dire, entre l’observateur et l’inquisiteur – en la personnification de Jean-Marc, la peluche de Jeff Panacloc – il y a trait, ici, à deux domaines forts analogues, se rattachant, par là, à la branche mère de la magie. Alors, croiser les talents, c’est au programme ? « Je pense que pour Jeff, comme pour moi – débute Fabien Olicard – ce que l’on fait n’était pas à la base reboutant ou ringard. Mais nous sommes passés outre cette réflexion et l’on a décidé que l’on en avait rien à faire ; on était tellement passionnés et on a avancé comme ça. Ensuite Jeff a gagné en notoriété et l’on s’est un peu moins vus. Toujours est-il que l’on ne se croise pas beaucoup au niveau du travail, cela pourrait mettre à mal notre relation. On préfère rester dans l’amicalité pure sans mélanger notre travail », conclut-il. À Fabien alors de se risquer à la ventriloquie…

« Qualifications » du Festival Morges Sous Rires
Un festival que Fabien Olicard connaît déjà !

« J’ai appris que très récemment que mon spectacle ce soir s’inscrivait dans le cadre des « off » de Morges Sous Rire. Mais je dois dire que j’ai passé de très grands moments à Morges, dans la petite salle, où Roxanne a eu la délicatesse de me programmer. C’est seulement ensuite que j’ai appris que le festival était associé au CPO et lié aux idées de Thomas Lécuyer et je n’ai eu la surprise que très récemment qu’aujourd’hui, je concourrais pour les qualifications de Morges Sous Rire. Et c’est une très bonne surprise mais ce n’était pas le moteur principal de ma venue à Lausanne ce soir. Cela me permet de toute évidence de remarquer et de souligne le très bon travail que font Roxanne et le festival pour les humoristes francophones. J’en suis d’autant plus ravi ».