Dimanche dernier au Stade de Genève, le nouveau XV servettien a fait le job en battant 90 à 3 le RC Forezien, très nettement inférieur. Ce résultat, étrangement classique depuis deux ans pour le club, pourrait à tout moment altérer la concentration de l’équipe. Pourtant, de la 1ère à la 80e minute, les joueurs sont soudés et appliqués. Un réflexe de pro, comme l’est la structure dans laquelle ils évoluent.
« C’est un beau retour à la Praille (ndlr, l’autre nom du Stade de Genève), on développe beaucoup de jeu mais ça nous demande énormément d’investissement physique, rapporte Julien Laurin, capitaine des Grenat. De plus, le nouvel entraîneur (ndlr, Guillaume Boussès) apporte énormément de rigueur : celle du haut niveau ». Avec deux entraînements par semaine et une troisième de musculation en option, le travail fourni par les joueurs satisfait le staff et les spectateurs. Et visiblement, toute l’équipe prend du plaisir.
Un lancement de jeu, du soutien jusqu’à l’essai et on recommence
Généralement avec Servette, la règle est de tuer le suspense. C’est simplement comme ça que l’on respecte l’adversaire. « Les quinze premières minutes, on a essayé d’y croire », explique Laurent Boigné, entraîneur des trois-quarts du RC Forezien. Cependant, dimanche dernier Servette n’a pas changé ses habitudes pour l’adversaire du jour. Au rendez-vous : des lancements de jeu sur l’extérieur, des retours à l’intérieur vers les avants et surtout des passes après contact qui ont fait toute la différence. Tous les ingrédients réunis pour de beaux essais. Le RC Forezien, privé de ballons, n’a pu se montrer dangereux que dix minutes en fin de première mi-temps sans concrétiser ses occasions. Hormis quatre transformations de Jonathan Torossian ratées (sur quatorze), tout a réussi aux Genevois. « Tant pis, on est content d’être venu, ajoute Laurent Boigné. De plus, c’était le dernier match de notre numéro 9 (ndlr, Loïc Dugelas) qui nous a beaucoup apporté dans le passé ».
Un projet ambitieux à l’aune du professionnalisme
Avec des résultats pareils, une question peut se poser : le club est-il professionnel, ou du moins souhaite-t-il l’être un jour ? Fort de quatorze ans d’expérience en Top 14 et Pro D2, deux championnats professionnels, Guillaume Boussès vient de rejoindre le club en tant qu’entraîneur pour apporter « une pierre à l’édifice ». De son point de vue, Servette n’est pas pro : « Le contenu n’y est pas, dit-il. On n’est pas du tout professionnel et c’est même ça qui est bien. Les 55 licenciés viennent après le boulot se défouler à l’entraînement. Le but est d’attirer plus de monde […] et de faire découvrir le rugby aux Genevois ». Et plus précisément le jeune public du Grand Genève. Si l’équipe adulte est une excellente vitrine, le véritable projet du club est de former les enfants de l’Ecole de Rugby et adolescents de l’Académie. Cependant, exporter un sport n’est pas chose aisé, et, le rugby suisse, déjà limité depuis une quarantaine d’années, le sait bien.
Afin de relever le défi, Servette a débuté un projet très ambitieux lors de sa création en 2014 impulsée par les clubs Genevois. Grâce à 600 000 francs de budget débloqués à cette époque, la Suisse voit une chance inédite de développer le ballon ovale chez elle. Pour la direction, cela commence par une opération de séduction des plus jeunes en investissant dans les structures les concernant. « On parle souvent de l’équipe première qui brille, mais notre projet se situe à la base », précise Marc Bouchet, Président du club. Qui sait si les adolescents souhaiteront se fixer des objectifs professionnels ? Or pour voir émerger des talents de la région, le club souhaite proposer une formation spécifique : « La construction d’un centre de formation est un de nos objectifs prioritaires. Pour cela, on discute avec le DIP (ndlr, département de l’instruction publique du canton de Genève) pour avoir un centre de formation mais cela prend du temps. Il faut notamment un encadrement certifié Jeunesse+Sport (ndlr, un brevet d’éducateur sportif de la Confédération) ». Non moins important, la marque Servette est déjà bien développée grâce aux équipes de football et hockey. L’administration du FC et du RC est déjà mutualisée et le Stade de Genève doit être payé pour la location du terrain. En somme, le niveau de jeu n’est pas professionnel mais toute la structure administrative l’est. Que pourrait donc empêcher le club de développer à terme un centre de formation pour voir émerger des pros ? L’argent est justement l’une des principales différences entre l’amateurisme et le professionnalisme et si les finances suivent suffisamment, le club peut aller encore plus loin et qui sait jusqu’où il s’arrêtera…