Le quintuor breton s’adonne au voyage et au partage dans un show renversant. De la Bretagne – socle de départ – à la Roumanie, en passant par le Burkina Faso et le Sénégal, ce groupe de deux DJ, un flûtiste et deux chanteurs d’origines diverses bascule la tradition pour mieux l’honorer. Notre rencontre au Paléo Festival.
Éclectique, initiatique, nomade; Turbo Sans Visa est décidément à l’image du Paléo. Cet amour pour la diversité, la richesse de la promiscuité culturelle, le voyage autour du monde, la transe. Turbo Sans Visa abat les frontières et replonge le public dans un Tout aussi archaïque que dansant: « C’est un voyage sonore, vocal et visuel. On passe d’un pays à un autre, voire on survole deux pays en même temps parfois. On peut être sur la Bretagne et en Roumanie au même moment, au Burkina Faso à un autre instant ou en Écosse à un autre« , débute Yuna Le Braz, DJ du groupe. Empreintes d’euphonies fort hétérogènes, la musique du groupe pavoise ses différentes esthétiques sonores, entre tendances un peu trash et autres pêches musicales locales plus traditionnelles: « Nous sommes à l’opposé des groupes qui produisent des sons somme toute purs, comme il en est usage de faire à l’époque du CD-Rom« , continue Yuna. Un penchant sensiblement assumé par le groupe breton qui se qualifie, disons, imparfait. Turbo Sans Visa est le maître du collage musical – ces patchwork créatifs et itinérants – entre chant breton, airs exotiques et instrumentation électro à laquelle s’ajoute également la flûte de Gurvan Le Gac. Un mélange impropre mais tout aussi azimuté qui fit danser le Dôme samedi soir. Une villégiature toute bretonne à l’orée de cet inconnu festif, à l’image de ces cultures allogènes que l’on oublie si facilement: le berbère, le touareg, le slave, le basque, autant d’identités satinées que revisite ce quintuor si typique. « Certains sons ont été récupérés lors de voyages en Afrique et nous les reproposons sur scène » – dans un habillage allusif – comme en témoigne Yuna, alias DJ Wonderbraz. Du politiquement soigné dans des compositions simples et sincères.
Une musique « en un sens » politique
« C’est d’une certaine manière politique« , avoue Yuna. Turbo Sans Visa rapproche les peuples, les cultures, les différences, abat les séparatismes et démure les communautés. Une vision fédératrice que le groupe admet avec Marion Gwenn et K-Smile au chant; la première s’illustrant dans un breton traditionnel, le second se distinguant en français, anglais et wolof, relatif à son origine sénégalaise. Voilà bien dévoilées l’ensemble de ces distinctes esthétiques auxquelles souhaite nous introduire Turbo Sans Visa. Ces pertes de repère constantes et fondamentales qui enjouent le spectateur dans ce style expérimental; le fait danser et l’initie à cet échange interculturel. « Le premier but de Turbo est de faire danser les gens grâce à la musique mais aussi par les images d’archive provenant autant de Bretagne que des voyages réalisés à travers le monde – avance DJ Wonderbraz avant de poursuivre – Dans cette logique, nous soutenons le mélange des styles; Il peut y avoir une gavotte bretonne sur un morceau roumain. Ce qui fait que les gens ne savent plus vraiment ce qu’il faut danser« . Dans cette sagesse, Turbo Sans Visa soutient les réunions, les retrouvailles entre peuples de provenance aussi proche que lointaine. Cette liberté de rassemblement qui annonce un penchant politique aussi fort que noble: « On milite pour la libre circulation des hommes et des artistes. On va travailler au mois d’août avec trois rapeurs turcs puis avec un rapeur burkinabé. Le but est de leur donner la voix, chose qu’ils n’ont pas forcément dans leur pays« , avance Yuna. Ce digne sens, Turbo Sans Visa l’expérimente autant aux platines – dégageant un son sensiblement animé – qu’à la flûte, cet instrument à la douceur manifeste. Un mariage d’intensités fort relevant qui véhicule un message plus que subtil. Voire Raffiné.
Traditionnel et contemporain à la fois
Contemporain pour rester dans l’ère du temps, celui de la danse et de la fête. Traditionnel pour respecter les origines, cette culture bretonne qui reste somme toute omniprésente dans les compositions de Turbo Sans Visa. Une mosaïque musicale qui vaut pour le groupe leur difficulté de catégorisation dans un style prédéfini: « Nous sommes en quelque sorte des ovnis, oui. On ne sait pas où nous caser: dans une tendance plus traditionnelle ? ou dans de la musique du monde ? Je dirais, dans cette optique, que nous appartenons à la musique du monde avec un socle typiquement breton car Marion chante uniquement en breton« , valide Yuna. « Le breton reste une dominante importante. Ça ne plait pas toujours à tout le monde mais à nous, ça nous va« , complète Marion Gwenn. Dans le traditionnel, la Breizh a appris à se mettre au goût de l’universel; de par la renaissance musicale de la musique celtique par Alan Stivell dans les années 1950, l’ennoblissement aux teintes blues et jazz par les Frères Guichen (1970), l’apanage de la beatbox sur le Kan Ha Diskan avancé par Krismenn et Alem (2010) et désormais le décloisonnement moderne et revigorant avancé par Turbo Sans Visa. Une musicographie qui ne cesse de vanter son évolution, voire son expansion à l’aune de la musique proposée par ce quintuor insolite et itinérant: « On est partis enregistrer en Roumanie et notre tout premier travail a été réalisé là-bas. L’année prochaine, on souhaiterait d’ailleurs partir au Sénégal – avance Yuna avant de continuer – Turbo Sans Visa est comme un carnet de voyages. On ramène des sonorités avec nos propres envies et on en produit un mélange tout en ayant la même ligne de direction: faire danser les gens« . Une ainsi belle et grande promotion d’une culture néo-celtique aux confins de cet horizon à la fois si large et si riche. Une promotion qui a notamment fait escale au au Village du Monde du Paléo Festival samedi après-midi.