Aliose, ces deux amoureux de la langue française à Paléo

Qui a versé des larmes, qui sa joie, le duo, qui a notamment écrit pour Maria Mettral, a foulé son deuxième Paléo Festival samedi après-midi. Une rencontre émotionnelle de haut vol.

Fût-il normal de verser quelques larmes pour les paroles d’Aliose; de dédier ces mélodies à sa chère. Car indubitablement, Alizé et Xavier sont des chercheurs d’or, poétiques et sensibles aux belles formules. Savants éclairés, conquistadors de la langue française qui nous dévorent, leur musique est empreinte de rêves. Ces rêves que l’on oublie difficilement, portés par un sommeil profond et qui se veulent parfois être prémonitoires. C’est ce que nous voulons croire, somme toute. Mais la réalité est souvent bien différente, subtils espoirs enfouis dans les méandres de nos pensées. Mais Aliose a tout le mérite de la vie; le duo parvient à nous faire revivre ces chimères imaginaires d’une octave pianotée, d’un accord sur une guitare, d’une légèreté incomparable. Car rien n’ébranle l’irréel. Rien n’empêche le songe et voilà tout le message qui s’est vu transmis avec Pixels, leur nouvel album sorti le 3 juin 2016. Avec le titre, l’on (tente de) se remémore(r) le moindre pixel de son visage, de cette figure envoûtante qui emplit les nuits de chaque être depuis sa naissance. Avec Pixels, l’on redécouvre toutes ces minuscules imperfections que l’on adore. Ce beau visage que l’on honore, cet amour que l’on croyait perdu. C’est ainsi qu’Aliose, lors de son set au Club Tent samedi après-midi, invite au périple amoureux, à la traversée des océans de mers et de sentiments. Parfois pour découvrir l’inconnu, souvent pour prétendre à l’espoir. Le voyage dans ce parallèle est exaucé et c’est magique. Et surtout, c’est en français: « Tout a toujours été très spontané. Xavier écrit depuis très jeune et pas que des chansons. Notre langue d’expression est le français et il est inutile que l’on fasse semblant dans nos chansons. C’est une langue qui est très exigeante, tout autant que belle et c’est un vertueux exercice que de la travailler même si l’on doit parfois sortir le gants de boxe« , avance Alizé Oswald.

Un moment d’émotion

Aliose a grandi, a gagné en maturité et cela se ressent dans la profondeur des paroles, dans l’imaginaire tendrement proposé: « Manifestement, dans notre manière de composer, d’écrire les textes et d’harmoniser les voix, il commence à y avoir une vraie patte Aliose. Et souvent les gens reconnaissent notre touche. C’est un vrai gage de qualité car nous essayons vraiment de ne pas copier malgré que nous soyons sans cesse influencés par tout ce que l’on écoute. Et cette reconnaissance marque notre identité« . Pour Alizé, la richesse du duo s’est matérialisée, une identité s’est solidement forgée; une romance est définitivement née dans les vers, dans ces rimes chaloupées, dans ces paroles imprégnées d’effluves poétiques et mélodiques. À tel point que leur nouvel EP retrace ostensiblement et indéniablement leur univers céleste. Un cinq titres qui sait maintenir toute sa dimension intimiste, véritable souche du duo. Dans ce mélange piano, guitare, voix, le vrai défi « est d’habiller ces chansons, les arranger tout en gardant l’identité et la fragilité du duo« , affirme Xavier Michel. Aussi, le set proposé au Paléo s’est voué à une étoffe plus rigoureuse avec la présence du guitariste Roman Chelminski et notamment du batteur Félix Bergeron avec lequel le duo joue depuis longtemps. Une prestation qui a su donner corps à des émotions encore et toujours plus vives: « Nous voulons apporter quelque chose de plus affirmé et de plus abouti qu’en 2011 (ndlr, année de leur première scène à Paléo). On revient sans doute un peu plus matures« , confirme Xavier. Une version passablement revérifiée après 2011, alors accompagnés du violoncelliste Zéphyrin Rey-Bellet. C’est d’ailleurs ce qui vaut à leur titre Le Vent a Tourné (single et titre de leur deuxième album sorti en 2012) une chaleur tout aussi émotive que passionnée. De plus, engagés dans une instrumentation réfléchie – Alizé assurant le rôle des basses sur un micro corde, puis Xavier se prêtant à la solennité des percussions en fin de concert – Aliose a su mettre en valeur son duo. C’est par ailleurs ce qui amène Alizé à soutenir que « même si nous sommes quatre, la personnalité du duo se voit vraiment parce que nous sommes les deux en avant-scène et que nous chantons les deux. D’autant plus que le duo s’est affirmé naturellement par la scène. Et c’est la scène qui justifie tout le reste et donne sens à tout ce que l’on fait« . Toujours, Aliose admet la variation sur les planches; mise en abyme de ces silences porteurs enchaînés par ces pointes de slam qui nous achèvent avant de finir sur un final aux percussions qui appelle au frisson. Une heure de chaleur et d’émotion que nous a offert Aliose ce samedi après-midi.

Un style affiné mais pas altéré

Depuis 2009 – année de leur premier album, plus discret mais qui s’avéra porteur – Aliose a purifié son style mais a surtout créé sa propre galaxie. Après un premier disque réussi, le duo a su affiner sa verve parolière tout en suivant le sillage emprunté depuis leurs débuts. Une solide constance – après Le Vent a Tourné en 2012 – qui a éveillé leur maturité artistique et identitaire dès 2016. « Au fil des albums, nous avons vraiment trouvé notre identité avec le mélange des deux voix« , débute Xavier. « Cette période est assez charnière pour le duo et notre façon d’écrire et de composer. On est loin d’avoir atteint l’excellence mais on est bien dans nos baskets et c’est très agréable – poursuit Alizé – Le premier album a été fait assez naïvement. Il est très inégal. Par contre, un des titres a totalement lancé notre carrière. Ça a été une phase qui nous a rendus adultes, à l’image de l’adolescence. Donc, ce nouvel EP nous correspond vraiment mais il n’aurait pas pu exister sans le premier« . Mais Aliose ne se distingue pas uniquement par ses créations mais aussi par l’adaptation de tubes à succès anglophones à l’image de Mad World de Gary Jules ou encore Somebody That I Used To Know de Gotye, laquelle a attendri le public du Club Tent samedi dans un séduisant acoustique. « C’est quelque chose qui ne se fait pas tant que cela maintenant. Travailler différemment le français est très intéressant et  stimulant. C’est le petit hobby à côté des compositions » avoue Xavier. Une nouvelle adaptation est d’ailleurs en préparation sur le titre Catch & Release de Matt Simons. Des reprises intelligentes, aussi car elle ne sont pas simplement traduites mot-à-mot comme le confirme Alizé: « Xavier va vraiment rechercher les images et les rythmes et c’est d’ailleurs tout le charme de l’exercice« . Des mélodies qui correspondent parfaitement à l’identité du duo, aussi car Alizé – tout comme Xavier, attendri par la musique de Ben Harper entre beaucoup d’autres – a, dès son plus jeune âge, été influencée par nombre d’auteurs-compositeurs anglophones. Quoi qu’il en soit, rien n’enlève l’originalité d’Aliose: « cette alliance des deux voix radicalement différentes et en français ! C’est une identité un peu à part« , concordent les deux jeunes artistes de Nyon. Artistes talentueux et locaux, donc.