Krismenn & Alem: « Le Kan Ha Beatbox est une expérience qui se ressent physiquement »

Si l’on veut faire l’éloge de l’extravagance, faut-il rencontrer Krismenn & Alem; le premier, traditionnel du chant breton, le second champion du monde de beatbox. Et ensemble sur la scène du Dôme du Paléo Festival, c’est l’insolite qui y prédomine. Rencontre avec le duo, tenant de – ce qu’ils ont nommé – le Kan Ha Beatbox.

D’où vous vient cette pulsion de lier ces deux musiques – disons-le a cappella – le Kan Ha Diskan et la beatbox, qui vont si bien ensemble dans un même et unique chant ?

Krismenn: Depuis le début, je suis tourné vers le chant à danser breton – c’est ce que j’ai l’habitude de faire en Fest-Noz, cette soirée de danse traditionnelle. J’ai vraiment travaillé et opéré dans ce domaine depuis longtemps et c’est vraiment le terreau de notre activité en duo – le Kan Ha Diskan est vraiment un chant a cappella très rythmique. Et en m’immergeant toujours plus dans ce patrimoine, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres formes de chant tout aussi festives, comme le rap ou justement le human beatbox. J’ai eu envie de rencontrer des beatboxeur et c’est comme ça que j’ai rencontré Alem. Je l’ai invité à découvrir la Bretagne et on a essayé à faire de la musique ensemble tout en cherchant des ponts à faire entre le Kan Ha Diskan et la beatbox qui sont deux formes, à très juste titre, très rythmiques et a cappella.

Ce qui est tout particulier dans votre musique par ailleurs est que ce n’est pas qu’un simple couplage. C’est une réelle fusion entre les deux genres dans laquelle la beatbox est travaillée pour qu’elle s’adapte le mieux possible à la gavotte.

Alem: Tout-à-fait ! Il a d’abord fallu que je m’intéresse à ce que faisait Krismenn pour que l’on puisse concorder. Le but n’était pas simplement et uniquement d’accompagner le style, il s’agissait aussi de s’immerger dans l’univers de Krismenn et de suivre cette tradition bretonne.

Krismenn: Au début, nous avions vraiment commencé avec des danses bretonnes, à savoir aussi que les danseurs sont très exigeant en Bretagne. Si l’on avait seulement mis un rythme hip-hop sur une gavotte, cela n’aurait fait aucun sens. Nous n’aurions pas réussi à sensibiliser le public pour qu’il danse. Donc Alem s’est investi dans l’apprentissage des variations présente au sein-même du chant avant que l’on puisse réellement diversifier notre répertoire et aller plus vers des styles sensiblement plus rap ou électro. Désormais, toutes ces influences sont mélangées dans notre musique.

« Quand il nous prend de chanter la vrai chanson traditionnelle, nous le faisons avec exactitude et précision »

Il y a quarante ans, Alan Stivell – puis les Frères Guichen – avaient introduit le rock dans le chant breizh de manière très rigoureuse. Aujourd’hui, nous sommes passés à l’étape supérieure. Vous avez en quelque sorte, réinventé le Kan Ha Diskan en y rajoutant de l’instrumentation, par le biais de la voix soit.

Krismenn: Qu’en pensent les puristes ? – En réalité, les vrais puristes, ce sont nous. Nous avons tous les deux un univers bien défini; Alem est champion du monde 2015 de beatbox et pour ma part, je viens du champ de la trap. Notre idée première, par ailleurs, n’était pas d’opérer une fusion mais bien avant tout, de faire ce dont nous sommes capables de faire et ensemble. Mais disons que le Kan Ha Diskan n’est, certes, pas une tradition de chant accompagné. Les seuls instruments que l’on pouvait percevoir en milieu breizh étaient le biniou, la bombarde ou la clarinette. Mais jamais les deux – le chant et les instruments – ne se mélangeaient. Vraiment peu d’accompagnement. Tout était donc à inventer en ce sens-ci. Il y a eu d’ailleurs beaucoup de nouveautés dans les années 1970 avec le mouvement folk qui avait pris l’habitude de rajouter guitares et accordéons. Et pour le coup, rajouter de la beatbox restait dans la mouvance de ce milieu redécouvert. Seulement, quand il nous prend de chanter la vrai chanson traditionnelle, nous le faisons avec exactitude et précision. Quand nous dansons la gavotte, nous le faisons dans le juste esprit du chanteur traditionnel du Kan Ha Diskan, qui est encore plus rituel et originel qu’un bagad ou qu’un groupe accompagné par une guitare. Voilà sans doute la seule particularité que nous ayons.

Vous avez sorti votre premier EP il y a quelques mois maintenant mais la tradition de la beatbox, elle, invite plutôt à la scène.

Alem: Absolument. L’EP permet simplement de donner un aperçu de notre ce que nous faisons sur scène. Mais Krismenn & Alem est vraiment un duo de live et ne prend son sens que sur scène. Nous jouons beaucoup avec la dynamique que nous apporte le public et la puissance du son que l’on retrouve sur les planches avec les subwoofer. C’est une discipline dont on a vraiment besoin d’entendre les basses et, chez soi, au travers d’un disque, ce n’est pas la même chose. C’est une expérience qui se vit et se ressent physiquement. Donc il faut venir en concert, aussi parce que la matière est très visuelle; il faut montrer que nous possédons une basse en nous.

« Le Paléo est une expérience enrichissante »

L’accompagnement sur des musiques bretonnes t’a permis d’affiner la maîtrise de ta voix, en vue aussi des championnats du monde remportés en 2015 ?

Alem: Disons qu’auparavant, je n’avais pas autant l’expérience de la scène, qui aide à affronter le public et à s’adapter sur divers systèmes de son. C’est une pratique qui m’a particulièrement soulevé pour le mondial, en effet.

Vous vous produisez deux jours (vendredi et samedi 23 juillet 2016) lors de cette 41e volée du Paléo Festival, estampillée celtique. Quel ressenti avez-vous eu lors de votre premier passage au Dôme ?

Krismenn: C’est une expérience très enrichissante. Nous revenons du Festival des Vieilles Charrues en Bretagne, proche de chez moi, qui s’est également beaucoup inspiré du Paléo. Donc, le découvrir de l’intérieur est une expédition complètement folle. C’est tout autant agréable de voir un aussi beau site et nous avons hâte de le découvrir dans son intégralité.