Paléo: Anach Cuan inaugure le Dôme pour la quarante-et-unième

Lucas Fitoussi à l'exaltation de son bodhrán sur la scène du Dôme au 41e Paléo Festival. © Oreste Di Cristino

Le groupe valaisan Anach Cuan a baptisé les planches du Dôme, estampillée culture celtique, pour la 41e ouverture du Paléo Festival Nyon. Leur rock celtique exclusif a autant animé la scène plénière du Village du Monde que le décor plus intimiste de la Tour Vagabonde. Rencontre avec ces huit artistes musicalement désaxés entre le folklore irlandais et la pop-rock sensiblement plus commerciale.

On en croyait disparue leur âme gaélique, leur admiration pour cette gracieuse Irlande. Aux premières notes d’Anima, les sonorités apparaissent plus indurées, les rythmes plus cadencés, les instruments plus balancés. Et puis arrivent les premières notes de cette vielle à roue traditionnelle, cet instrument dont on en accuse toute l’affection du grand public pour une musicalité bien trop connue désormais: le celtique. Pour ce vieux groupe d’amis (ils étaient huit à faire vibrer leur esprit sur la scène du Dôme), tout est une question de maturité finalement. Avec trois premiers albums sortis il y a quelques printemps de cela (Syndrôme Celtique en 2008, Celtic Park en 2010 et Un Peu De Tenue S’il Vous Plaît en 2012 – contenant le morceau Anima), ce collectif de passionnés a parcouru l’ensemble de leurs influences pour en arriver, finalement cette année – avec la sortie de leur quatrième album le 29 octobre 2016 – à une maturité reconnue. Aussi Anach Cuan a évolué en quelque quinze ans d’activité: « Nous voulions, au départ, simplement faire une activité ensemble dans le garage. Au début, c’était très traditionnel et puis on s’est rendu compte que ce qui nous animait vraiment était l’énergie et l’optimisme qui revient constamment dans la musique celtique. On a gardé cela tout en évoluant en un peu plus de 15 ans« , nous témoigne Lucas Fitoussi, chanteur du groupe quelques minutes avant de fouler les planches de la scène du Village du Monde de ce 41e Paléo Festival à Nyon. Voilà donc qui éclaire la dérogation du titre Anima figurant sur leur troisième disque: « Le style plus pop-rock et plus commercial d’Anima est un essai sur le troisième album et on y a vu ce qui marchait et ce qui marchait un peu moins. Mais on va garder ce format pour le quatrième album, aussi car l’idée est de partager la musique avec les gens, la présenter dans un registre qui puisse être le plus accessible pour tout le monde« , nous explique Mike Fayolle, second chanteur du groupe en interview. Voilà que l’on (re)découvre Anach Cuan, à l’aube de la reddition de cette pure tradition celtique, pour s’ancrer dans un registre qui s’apparente à un rock celtique qui rappelle l’idiolecte des Genesis ou encore du breton Alan Stivell.

Un rock celtique animé au Village du Monde

Et pourtant les influences communes des huit membres du groupe se réfèrent à des patronymes bien plus inspirés, à l’exemple de Soldat Louis, attraction du groupe à leurs tous débuts à l’époque de leur 14 ans. Et puis il y a eu Zebda: « Ce n’étaient pas des groupes très connus mais ils nous ont donné de très bons points de repère« , nous témoigne Anach Cuan. « Le fait de voyager nous a aussi beaucoup apporté parce que nous n’avons pas des apparences celtiques de base« , ajoute Lucas Fitoussi. C’est alors dans un magma d’influences partagées et morcelées que l’élaboration de ce rock celtique avenant est apparu dans les gênes d’Anach Cuan. Une diversité d’univers musicaux de chaque membre qui s’avère primordiale dans l’apparence exigüe de l’identité du groupe: « Chaque morceau est une sorte de rencontre de toutes nos influences respectives. Il y a ce versant à la fois très acoustique avec des instruments comme la vielle à roue, le violon et l’accordéon et à la fois très dansant, pop-rock avec la basse électrique et la batterie. Je pense que notre première influence se résume avant tout par nos parcours musicaux à chacun« , nous témoigne Mike Fayolle. C’est ainsi qu’on retrouve volontiers sur scène l’accordéon de David Clivaz, la vielle à roue de Frédéric Favre et surtout le bodhrán de Lucas Fitoussi. Autant se prémunir diligemment avant d’apercevoir l’excentricité, de base très religieuse, de ce tambour vieillissant, dérivé du daf oriental. Aussi car la délicatesse de frappe de l’artiste relève d’une approche quelque peu pusillanime tout autant qu’harmonieuse au vis-à-vis de cet instrument. « Le bodhrán, je l’ai approché de manière assez particulière. Mon père faisait du bodhrán et pendant deux ans, quand j’ai commencé à y jouer, je ne réalisais même pas qu’il fallait mettre la main derrière pour moduler le son – nous raconte Lucas Fitoussi dans une complaisante historiette – J’ai eu une approche très autodidacte de cet instrument. Et la manière dont on en joue, comme la vielle à roue par ailleurs, est toute novice. D’ailleurs, à chaque fois que de grands bodhránistes viennent faire des master class, j’ai l’impression d’avoir deux ans. Toute la technique fine ne me captive pas énormément au final, même si je respecte énormément l’instrument. Mais disons que j’aime bien envoyer la purée« .

Du Dôme à l’Escale, un vagabondage parfaitement maîtrisé

De cette scène distinguée – ce Dôme à périples multiples – on en retient toute l’énergie et surtout la constance d’Anach Cuan. De l’euphonie contrastée des huit membres de cette band, de ce virevoltant – et très rock music – solo à la batterie de Mathias Cochard, à cette maîtrise arpentée de Frédéric Favre à la vielle à roue mais aussi les multiples dédicaces musicales satisfaites – à l’image de leur titre La Pavane, dédié à la peuplade valaisanne d’Evolène ou encore à ce supergroupe de Détroit, The Raconteurs; références multiples à en constater. On se rend tout autant compte que l’identité celtique traditionnelle brandie par le groupe n’est qu’un joyeux simulacre: « Il est vrai aussi que la musique purement celtique ne nous correspondait pas beaucoup non plus. C’est la réflexion que l’on s’est faite après le premier album. Ça n’avait pas beaucoup de sens de copier les Irlandais dans ce style qui ne nous rassasiait pas vraiment« , avance Lucas Fitoussi. Dans cette énergie impétueuse, heureux celui qui se retrouve à l’écoute de ces Valaisans déjantés et de leurs assonances pop-rock triomphantes. C’est d’ailleurs toute l’aventure que nous proposera le groupe à la sortie de leur quatrième opus fin octobre; un album qui vient par ailleurs d’avoir accompli sa semaine d’enregistrement peu avant l’expérience du Paléo Festival, cette dernière autant marquée par un concert flamboyant au Dôme que par un set plus intimiste très attendu sur la scène de l’Escale, logée au sein même de la Tour Vagabonde. Et le plaisir n’a de loin pas été altéré au change: « On a l’habitude de faire les deux, autant de grandes scènes que de structures plus petites proches du public. On aime bien cela aussi. Pour faire danser les gens, c’est plus confortable d’être proches d’eux. Ce partage avec le public, quand les gens sont pratiquement sur scène, c’est une autre énergie. Autant dire qu’on a vraiment envie de garder les deux« , conclut Frédéric Favre. Festoyant commencement au Village du Monde !