Il y a Lindçay, il y a Arnaud, il y a Pierre-Jean et il y a Sacha. Quatre musiciens dans le vent montreusien, venus éblouir le public du Parc Vernex pour leur set au Montreux Jazz Festival. Leur talent et leur rockabilly américain des années 1950, revisité certes, ne manquèrent pas d’éblouir les festivaliers en ce jeudi soir. Rencontre avec le groupe originaire de… Toulouse.
Retour dans les années 1950’s, là où les Johnny Cash, les Elvis Presley et les tout grands bonhommes du rock n’ roll, blues et compagnie se défiaient à coup de swing et de délices psychédéliques en tout genre. Voilà toute une dimension que les Jerry Khan Bangers ont souhaité (re)vivre. Du haut de leur jeune génération, la question de leur volonté de faire revenir les fifties dans nos temps serait toute faite. Or, la particularité reste inaperçue, insondée auprès du groupe. À Toulouse, semble-t-il, le Texas a réemergé sous la houlette de Lindçay et de ses trois boys. Face à ce rock ancien, mais loin d’être vieillissant, les Jerry Khan Bangers retrouvent un sentiment de liberté, celui de la joie distillée au contact de leur micro, de leur guitare, batterie ou bien même contrebasse, signes imparfaits du rockabilly d’antan. À l’image de leur morceau « Bang Bang », titre de leur premier album éponyme sorti en mars 2015, la bande française retient tout de son excentricité. Et à Montreux, la voix tailladée de Lindçay contribue à façonner le style. Rien de commun, les Jerry Khan Bangers sillonnent depuis quelque trois ans, scènes et studios d’enregistrement à la recherche affinée de leur unicité. Et, semble-t-il, c’est réussi. Après un premier album de chauffe, les quatre artistes reviennent sur le devant de la scène avec ce qu’ils considèrent être leur premier vrai accomplissement ; « Get Movin’ On », fraîchement sorti en juin dernier, ce disque entraînant et au carrefour de leurs différentes natures. Ainsi, au Parc Vernex, la soirée était dansante loin des péripéties marseillaises de l’Euro 2016. Une ambiance montreusienne unique pour les artistes français : « C’est le plus grand festival en Europe, c’est quelque chose de jouissif. Tout à l’heure, nous sommes passés dans la salle principale et voir, exposées, toutes les photos des artistes qui sont venus jouer ici avant nous, c’est un sacré exaucement », concordent en groupe les Jerry Khan Bangers.
« Get Movin’ On », un deuxième album révélateur
« Le premier album n’est pas à compter. Nous l’avions sorti au bout d’un mois d’existence de notre band. Ce n’est plus représentatif de ce que l’on donne en concert ». Pour la chanteuse Lindçay, le groupe a mûri en trois années d’existence ; le style s’est affiné, l’expérience aussi. « C’était représentatif du niveau que l’on avait à ce moment précis, alors que l’on se connaissait encore mal musicalement. On a tous progressé dans cet espace-ci qui n’était pas forcément notre style de prédilection à la base. Et l’enregistrement du second album a été tourné dans des cadres et des conditions plus professionnelles que le premier », affirme quant à lui Arnaud, le charismatique guitariste du groupe. Ainsi, « Get Movin’ On » s’inscrit tel le véritable album de maturité des Jerry Khan Bangers. Un disque pleinement – et finalement – représentatif de l’esprit allègre et de l’épanouissante progression de l’entier de la bande ; une vrai « frustration » pour Lindçay avant la sortie de ce nouvel opus révélateur car « pendant deux ans, nous avions ce CD qui n’inspirait rien de notre groupe ». Mais ce recueil témoigne aussi toute l’aisance partagée de créativité relayée autant sur scène qu’en studio. Dans « Get Movin’ On », le groupe toulousain a justement « enregistré des compositions ». Aussi car « cet album est la matérialisation de ce que nous faisons depuis trois ans », selon Lindçay. Et « plus nous jouons ensemble, plus nous devenons complémentaires. Désormais, l’on commence à bien se connaître et pour composer ensemble, il faut bien se connaître », nous témoigne Arnaud. Alors instables musicalement à leurs débuts, les quatre membres actuels des Jerry Khan Bangers – à compter Lindçay au chant, Arnaud à la guitare, Pierre-Jean à la basse et contrebasse et Sacha à la batterie – ont solidement fondé les bases de leur musique et par là, de leur réussite : « Cette recette-ci nous a réellement permis de nous débloquer et de nous sortir de la pudeur », confirme pour sa part Pierre-Jean.
Une identité artistique solidifiée
Si les bases du groupe ont sensiblement changé tout au long de ces trois années d’existence, les Jerry Khan Bangers ont toutefois su rester inconditionnellement fidèles à eux mêmes face à ce style atypique. Cet esprit fifties qui éloigne considérablement le spleen de la nostalgie et qui a soulevé les tendances instinctives du public montreusien ce jeudi soir sur la scène du « Music in the Park ». De ce rock des années d’après-guerre, la bande y a progressivement teinté une touche de blues plus moderne bien que de base, la volonté était de reproduire la musique cadre des années 1950. Dans ce vagabondage des entre-styles – rock, rock n’ roll, rockabilly, blues – les Jerry Khan Bangers ne se fixent aucune limite, aussi car les influences étasuniennes de cette époque sont nombreuses : « C’est pour cela que nous sommes à Montreux aujourd’hui, car nous ne faisons pas que du pur rockabilly », argue Lindçay. Toutefois, les apparences du groupe font parcimonieusement référence à cette culture populaire américaine du demi-siècle précédent. La voix rauque et saccadée de Lindçay, les moustaches en croc d’Arnaud, la batterie « réduite » de Sacha et surtout la contrebasse de Pierre-Jean, marque typique de l’instrumentation du rockabilly. Le raffinement de cette contrebasse qui rappelle, en outre, l’élégance et la surprenante aura de Johnny Montreuil au Blues Rules Crissier Festival. « C’est un instrument qui nous réserve chaque jour beaucoup de surprises – débute Pierre-Jean avant de poursuivre – C’est un instrument qui n’est pas facile à manipuler. On a, à peu près, tous ce rapport amour-haine avec la contrebasse. Et il est vrai que je la redécouvre à chaque fois que je la sors de la housse ». Une réalité qui redonne à la scène toute sa splendeur et sa magnificence ; une magnificence tout autant ressentie par l’ensemble du groupe comme en témoigne Lindçay : « Sur scène, on arrive à se surprendre finalement et on s’en rend compte uniquement quand le show est terminé ». « Nous sommes dans un état second – ajoute Arnaud – nos prouesses musicales sont souvent instinctives et par là incontrôlées. Tout réside dans les tripes et la fusion avec l’instrument ». Nul doute alors que les Jerry Khan Bangers vivent la scène autant que possible dans cette ambiance festive qu’ils aiment propager de par leurs improvisations et leur talent. Vivre le moment semble être le motto incontestable de ces jeunes artistes en quête de satisfaction et de béatitude. Un stade véritablement acquis sur la scène du Parc Vernex ce jeudi soir.