Jeudi soir, l’auditorium Stravinski recevait deux briscards de la scène. Du blues, du rock, du jazz (Van Morrison) et de la soul (Charles Bradley) comme lors des débuts du festival. Voici un regard conquis sur cette soirée qui commence dans le train des CFF pour Montreux.
« No Time for Dreaming », l’un des tubes les plus célèbres de Charles Bradley résonnait dans ma tête à la gare de Lausanne lorsque je suis monté dans le train. Trois ans auparavant, j’assistai à la première de celui que l’on surnomme Soul of America au Jazz Club, enflammé par son show. Après le spectacle, le directeur du festival Mathieu Jaton était allé le féliciter et le remercier dans les coulisses pour sa performance. L’enfant de Brooklyn rentrait déjà dans l’histoire du festival. À mon arrivée à la gare, je me rends au 2M2C, et, avec une demi-heure d’avance, monte à l’étage de l’Auditorium Stravinski.
Quand le Jazz est éternel
Que ne sait pas faire Van Morrison ? À la guitare, au saxophone ou à l’harmonica, il joue sans faire de fausse note et chante avec sa voix douce. Pourtant, le patriarche du rock’n’roll ne paye pas de mine avec son look de parrain. Né à Belfast (en Irlande du Nord) lorsque la Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin, et, ayant été repris par The Rolling Stones et Ray Charles, il a livré un concert à la hauteur de son talent pour le public montreusien qu’il connaît depuis. Ses interprétations de Crazy Love et Browned Eyed Girl, en particulier, ont été ovationnées. Pour Charles Bradley, ce fut une soirée pleine d’émotion pour son troisième show à Montreux. Le festival, très célèbre aux États-Unis, est un certainement un grand honneur pour lui qui est venu chanter et amuser. Avec ses pas de danse plaisantins – il tente même un moonwalk – et sa voix stridente, le fils spirituel de James Brown seulement connu depuis 2011 s’offre une nouvelle jeunesse à 67 ans. Et que dire de sa tenue si excentrique ! Une robe bleue qui laisse deviner un costume deux pièces sans chemise mais avec un t-shirt à la tête d’un mort. Faut-il y voir le pessimisme qui plane sur l’égalité raciale aux Etats-Unis dont Bradley dit avoir souffert ? Comme tout chanteur de soul, il ne peut laisser indifférent sur scène. Face à un public qui le connaissait moins que Van Morrison, l’afro-américain a convaincu. Symboliquement, un « I thank you ! » venu d’un spectateur a émerveillé le chanteur qui lui répond « Oh, I thank you too ». Un remerciement pour le public montreusien qu’il ne pensait sans doute jamais voir il y a quelques années. Tout comme il y a un peuple éternel, il y a eu un Montreux Jazz éternel ce jeudi soir de 2016 qu’on confondrait presque avec un soir des années soixante.

Deux voix bien accompagnées
Van Morrison et Charles Bradley sont certes les principaux acteurs de la soirée, mais leurs musiciens sont également très talentueux. À noter, la performance du trompettiste Billy Aukstif qui a profité de quelques solos pour Bradley durant ses pas de danse. Ce dernier n’a pas non plus manqué de s’éclipser, le temps d’aller chercher un gâteau pour l’anniversaire du batteur Carlos Sanchesz, avant que le public ne lui chante « Happy Birthday ». Potache et rieur, Charles Bradley s’est amusé avec ses jeunes musiciens, mais ne l’est-il pas lui-même ?