Une initiation ce 30 juin à l’histoire du festival au Casino Barrière et une visite guidée dans le pluralisme universel du Jazz et de ses variantes à l’Auditorium Stravinski en ce premier juillet 2016, le jubilé du festival historique de la Riviera sera chargé d’émotion, de joie et de significations. Une aventure pour souder encore plus la communauté artistique entre les organisateurs, les artistes mais aussi avec le public connaisseur du Montreux Jazz Festival. C’est ainsi qu’après Charles Lloyd et Alexander Monty, les festivités seront reproposées le lendemain par Anohni et le duo Air. Rencontre avec Mathieu Jaton, directeur général du MJF.
Le 50e Montreux Jazz Festival ouvre ses portes ce jeudi soir à 20 heures au Casino Barrière pour sa soirée de lancement en compagnie des plus grands noms qui ont forgé l’esprit de l’événement. Comme l’affirmait Mathieu Jaton en conférence de presse le matin de ce 30 juin 2016, il est important pour l’ensemble de la communauté montreusienne de souligner l’importance de l’amitié et surtout de l’attachement envers les artistes historiques du festival. On y reconnait toute la symbolique voulue par l’organisation à quelques minutes de la réception de Charles Lloyd et Alexander Monty qui ont littéralement marqué de leur empreinte l’aventure lancée par Claude Nobs en 1967. Charles Lloyd était d’ailleurs présent lors de cette première édition estampillant Montreux de son charisme et de sa bravoure musicale. De même pour Alexander Monty qui s’affirma dans un somptueux concert en 1976, duquel en sortira son album « Montreux Alexander« , véritable best-seller qui affirmait encore plus la carrière du Jamaïcain: « Une soirée d’ouverture légendaire » pour le directeur Mathieu Jaton qui nous a concédé une interview en cette veille de jubilé. Voilà donc que la Riviera s’apprête à vivre deux nouvelles semaines festives lors desquelles l’ensemble de la région et du patrimoine sera mis à disposition des plus férus; le recueil gigantesque de vidéos des concerts filmés lors des précédentes éditions faisant lui même partie du patrimoine mondial de l’UNESCO qui sera en partie reproposé lors de divers documentaires sur RTS Un les 30 juin et le 7 juillet 2016. Arrivés ainsi au seuil de leur cinquantenaire, l’ensemble de l’équipe du festival n’a plus qu’une seule envie: lancer les joyeusetés. « Nous sommes tous très excités et réjouis de cette édition car cela fait beaucoup de mois qu’on y travaille ensemble. Donc quand on arrive à bout touchant de cet anniversaire, on est très contents. On sent qu’il y a beaucoup de gens contents de ce qui a été réalisé. Il y a une sorte de douceur et de bonhommie. Nous ne sommes pas dans une frénésie ou une excitation. Montreux est un peu ce « home sweet home » qui véhicule des valeurs humaines et proches. On a juste envie d’y être parce que l’on s’y sent bien« , nous confie Mathieu Jaton, directeur général du Montreux Jazz Festival depuis 2013.
Des nouveautés mais beaucoup de simplicité
Pour cette année de célébration, le festival a misé sur de nombreuses nouveautés. Parmi celles-ci, la mise à disposition de Parc Vernex dans lequel les passants et festivaliers pourront, ensemble, solenniser la très grande fête attendue aux abords du Lac Léman. Cette scène investie en cette nonpareille occasion – « Music in the Park » – sera par ailleurs inaugurée ce premier juillet par nul autre que Bastian Baker. La venue du jeune prodige de la musique suisse s’était par ailleurs affirmé sur le « Stravinski » lors des années précédentes; une envie – et un signe – supplémentaire de revenir aux sources et le réinvitant pour cet anniversaire du Montreux Jazz Festival. Autres nouveautés: la mise à disposition de la piscine du Casino de Montreux – pour les désormais attendues « Pool Parties« , animées par de nombreux artistes de midi à 20 heures, sous réserves de caprices météorologiques – ainsi que l’élaboration de l’application « Cuts » qui permettra au public et aux professionnels d’enregistrer et de partager, en un simple geste du pouce, les 30 dernières secondes du concert passées avant le clic. Une première mondiale pour un festival qui étampe toujours plus son inscription dans la modernité. C’est un besoin pour les organisateurs d’être à la fois complets, excentriques tout en préservant la simplicité qui était celle de « Funky Claude »: « Pour moi, c’est fondamental – nous affirme Mathieu Jaton avant de poursuivre – Je me souviens quand j’étais plus jeune, à l’école hôtelière de Lausanne et que je retrouvais cette immense maison que j’admirais. Je regardais même dans le rétroviseur en me demandant pourquoi tout cela est tombé sur moi. J’ai envie de garder mes valeurs, mon éducation, dans le respect, dans la simplicité et l’authenticité. Je n’ai pas envie de jouer d’autres rôles que ceux-ci. Ce qui est beau pour moi, c’est la complémentarité entre les gens. J’ai toujours été ébahi par cette fourmilière de personnes qui s’investissent en faveur de ce festival dont je ne suis, finalement, que le transmetteur« . Une simplicité exacerbée dans tous les domaines, y compris dans celui de la programmation. En compagnie de nombreux maîtres historiques du festival, tels Quincy Jones – ancien coproducteur du MJF – Herbie Hancock, Santana, Al Jarreau ou encore Lisa Simone – fille de Nina Simone qui ébahit lors de son intervention en 1976 – Montreux tiendra a cœur de rendre hommage à tous ces piliers, à toute cette communauté historique du festival qui ont tant donné et contribué à la réussite de cette cérémonie incontournable depuis la fin des années 1960: « C’est l’essence-même du Montreux Jazz, à savoir garder la conscience que l’artiste reste avant tout un ami que l’on doit connaître. Claude Nobs pensait toujours comme ça; ne pas inclure simplement les artistes sur une liste de course pour la programmation. C’est pour cela que l’on parle de cohérence. C’est ce besoin de créer un vivier artistique où la magie peut opérer entre les uns et les autres et où ils vont se rencontrer. Ce sont des cadeaux pour nous quand des artistes viennent à Montreux et y restent pour les vacances parce qu’ils s’y sentent bien comme le font par exemple Quincy Jones ou encore John McLaughlin. Ces ponts entre l’histoire et le modernisme sont très importants. Le Lab en est d’ailleurs très symbolique avec un jeune artiste qui côtoie toujours un artiste de plus grand renom qui a créé sa propre tendance. Donc, encore une fois, créer cet univers entre artistes est très primordial« , confirme Mathieu Jaton.
Ouverture attendue à l’Auditorium Stravinski
Pour Mathieu Jaton, était-il symbolique que des artistes de la trempe d’Anohni et du duo Air ouvrent la programmation du Stravinski pour cette 50e édition. De retour en seul-en-scène, sans ses Johnson, Antony Hegarty fera notamment part des ses nombreuses revendications musicales avec un particularisme bien prononcé. Une (re)découverte de l’artiste qui sera rendue possible d’entrée de scène à l’Auditorium Stravinski ce vendredi premier juillet. Quant à Air – ayant eux-mêmes souhaité prendre part aux festivités de ce jubilé pour maintenir vivante cette tradition humaine et de rencontre – le Montreux Jazz Festival était un passage incontournable pour le tournée « de retour » après une absence scénique – une pause – de bien six années: « Si la soirée d’ouverture avec Charles Lloyd et Alexander Monty est légendaire, il restait néanmoins important d’ouvrir le Stravinski avec une vision de la musique assez différente. Notamment avec Anohni qui est un artiste qui bouscule les règles, casse des barrières et nous envoie dans des univers assez impressionnants. Et la complémentarité avec Air, ce groupe un peu plus établi qui reviendra avec tous ses hits et qui avait vraiment envie de participer à cette 50e édition, témoigne d’une très belle histoire. D’ailleurs Anonhi avait été découvert pour la première fois à Montreux dans une conférence de presse. Il nous suivait à Montreux, Zürich, Paris et Londres et à chaque fois, cet immense bonhomme derrière son piano jouait et se produisait. À nouveau, cela relève de la très belle évolution de cet homme qui a transformé toute sa vie et toute sa musique et qui revient pour ouvrir ces 50 ans de commémoration. J’adore tous ces symboles parce que je trouve qu’ils sont très importants« , conclut Mathieu Jaton.