C’est bien 49 ans de collaboration entre le service public suisse et le Montreux Jazz Festival que la RTS a tenu à fêter à l’occasion de sa conférence de presse mardi 14 juin à La Sallaz. Exposition de la programmation télévisée qui sera dédiée au jubilé du festival les 30 juin et 7 juillet au soir et projection en avant-première du documentaire « Spirit of Music » qui réanimait la mémoire de l’inénarrable Claude Nobs, disparu tragiquement en janvier 2013.
Un demi-siècle d’histoire, voir plus. Claude Nobs avait redonné à Montreux un prestige bien singulier, à la création en 1967 de ce qui deviendra plus tard un rendez-vous incontournable du jazz mondial: le Montreux Jazz Festival. C’est ce dont la Radio Télévision Suisse (RTS) souhaite saluer à l’occasion du 49e anniversaire de leur collaboration. En effet, le service public suisse a depuis longtemps contribué à la couverture audiovisuelle du festival et ce, bien avant 1968, année de leur première capture filmée des concerts. Semble-t-il qu’il existe – comme l’affirmait Blaise Duc, directeur du Design et de la Promotion à la RTS à l’occasion de la conférence de presse à la Sallaz ce mardi 14 juin 2016 – une « préhistoire à l’histoire« . Une préhistoire d’amitié et de générosité, celle incontournable de celui qui a autrefois été appelé « Funky Claude ». Quoi qu’il en soit, ce sont cinq projets télévisés répartis sur deux soirées inédites que la RTS a préparés pour cette année de jubilé. C’est ainsi que le 30 juin, sur RTS Un, le documentaire exclusif « Spirit of Music », réalisé par Francesco Cesalli, en compagnie de la journaliste Béatrice Guelpa sera diffusé en mémoire du grand Claude Nobs, fils de boulanger qui a intelligemment et ambitieusement provoqué son destin. Cependant, la programmation de la RTS est fort bien fournie. Après « Spirit of Music » seront proposés deux autres documentaires; le premier de David Brun-Lambert et Olivier Horner, « Festivals, le nouvel Eldorado » (à 23h35) racontant à quel point les festivals de musique (à l’image du Paléo Festival de Nyon et le Montreux Jazz Festival) sont devenus le « nouvel eldorado » du business musical et font l’objet d’une guerre économique importante. S’ensuivra également « Charles Lloyd, dreamer of Sound » (00h35), un documentaire d’Yvan Ischer, présent notamment à l’occasion du tout premier concert du saxophoniste lors de la première édition du festival en 1967. Charles Lloyd reviendra en outre pour cette 50e édition dans un concert d’ouverture exceptionnel au Casino Barrière en compagnie de Jason Moran, Reuben Rogers et Éric Harland. En somme, ce sont trois compositions inédites de la RTS, émouvantes et originales consacrées et offertes au Montreux Jazz Festival pour son demi-centenaire qui seront accompagnées, le 7 juillet sur RTS Un, par deux nouveaux documentaires qui nous replongerons aussi bien dans les archives du festival dans « More than Jazz » (23h40, coproduction hétéroclite entre la RTS, SSR, Arte, la blogothèque et le festival lui-même) que lors d’un entretien d’Iris Jimenez avec des musiciens et des témoins du temps du MJF dans « La puce à l’oreille, Éditions Spéciale » (22h40) en compagnie d’Yves Bigot, directeur de TV5 Monde, Arnaud Robert, journaliste et auteur du livre « 50 Summers of Music » et le nouveau directeur général du festival depuis 2013, Mathieu Jaton. Les deux compositions phares des deux soirées « Spirit of Music » et « More than Jazz » ont d’ailleurs été offertes à la presse à l’occasion de la conférence qui s’est tenue en début de semaine dernière.

Claude Nobs et son « Spirit of Music »
« Montreux est un peu plus qu’un temple de la musique« , témoigne Romaine Jean, rédactrice en chef de la rédaction « Société » de la RTS. En effet, Montreux est avant tout une petite ville paisible sur les bords du lac Léman, pas forcément destinée à être inscrite sur la carte du monde. Mais un téméraire en a proposé un autre destin; un destin culturel, musical mais surtout innovant et féérique. « La ville a pris la marque de l’audace et de l’esprit précurseur et innovant de Claude Nobs« , continue Romaine Jean. Le documentaire de Francesco Cesalli et Béatrice Guelpa rend compte justement de ce changement de destinée pour un passionné, mais bien au-delà, d’une ville voire même d’une région entière. Car la Riviera vit au rythme de ce rendez-vous annuel et prestigieux. Et pour ce 50e anniversaire, autant dire que les attentes sont nombreuses. Ainsi, dans ce « grand voyage de 61 minutes« , comme le proposait le réalisateur Cesalli, cette merveilleuse « balade à travers les archives » – insistait la journaliste Guelpa – le Montreux Jazz Festival y est présenté tel un réel événement culte, qu’il est indéniablement. Voilà qu’on y retrouve « Funky Claude » dans son entreprise de valorisation du jazz et des artistes qui lui ont prêté confiance et main forte. On y redécouvre sa folie rationnelle, son aveugle persévérance depuis 1967, sa boulimie pour les captures vidéo, son extrême générosité – comme lorsqu’il offrait un collier à Nina Simone, auteure d’un concert mémorable en 1976 et devenue l’emblème de l’entière manifestation (sa fille sera présente le samedi 9 juillet au Stravinski) – mais surtout sa passion illimitée pour l’harmonica qu’il partageait parfois sur scène en compagnie des artistes dans un jeu d’improvisation inédit. Et puis, vers la fin, on en ressent la tristesse, l’émotion de son départ mais aussi le soutien inconsidéré apporté au nouveau directeur Mathieu Jaton. « Beaucoup d’émotion, beaucoup de larmes« , s’exprimait par ailleurs ce dernier lors de la conférence de presse de la RTS à La Sallaz. Mais tout au long de cette fantastique épopée, réapparaissent les artistes de renom qui ont foulé les planches montreusiennes de l’ancien casino au 2M2C: le premier concert d’Aretha Franklin en Suisse, la chanson hommage des Deep Purple « Smoke on the Water » suite à l’incendie causé par un feu d’artifice en 1971, le dernier concert de Miles Davis en 1991 mais aussi la coproduction du festival avec Quincy Jones pendant plusieurs années (l’artiste viendra présenter la célébration du jubilé du festival dans une soirée exceptionnelle prévue le vendredi 8 juillet à l’Auditorium Stravinski), entre bien d’autres… Dans un récit marquant, le documentaire « Spirit of Music » retrace l’histoire mais aussi l’Histoire du festival, agrémenté de commentaires engagés et émouvants notamment de Jacquelyne Ledent-Vilain, responsable de l’accueil et du bien-être des artistes. Une pièce de légende totalement inédite à découvrir le 30 juin sur RTS Un à 22h40, soit lors de la soirée de l' »Opening Night » de la 50e volée du festival.
« More than Jazz », un Montreux Jazz Festival sacré
Plus tard, c’est un second voyage dans les archives que la RTS, en collaboration avec la SSR, Arte et la blogothèque, vous propose. D’un autre genre. On y retrouve Claude Nobs, bien sûr mais surtout les récits uniques des grandes scènes qui ont ému le festival pendant 50 ans, d’Eddie Harris en 1969 jusqu’à David Bowie en 2002. Un véritable mémorial aux nombreux talents qui ont fait les beaux jours du festival. Tout cela dans un même esprit, celui voulu par « Funky Claude » mais aussi Quincy Jones qui souhaitaient soumettre le jazz à une large audience (« bring jazz to a large audience« ) comme en témoigne ce dernier dans « More than Jazz », ce second documentaire qui sera proposé aux téléspectateurs le 7 juillet 2016 à 23h40 sur RTS Un. Et puis nous y voilà, le train en marche, explorant les cavernes historiques du Montreux Jazz Festival, tantôt avec des souvenirs pour les amateurs les plus fidèles, tantôt avec émerveillement pour les plus jeunes curieux. On y retrouve Marvin Gaye, dans son costume rouge en 1980, dans ce qui est le seul concert enregistré qu’il avait accepté de tourner; cet artiste « qui a inspiré tant de musiciens actuels« , selon Thierry Amsallem, président de la « Claude Nobs Foundation ». On y retrouve également le saxophoniste Eddie Harris dans son set improvisé avec Les McCann en 1969 dont le disque d’enregistrement s’était vendu à plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis. D’autant plus que les deux hommes n’avaient jamais joué ensemble auparavant (« they haven’t perform together before« ), selon le pianiste jamaïcain Alexander Monty. Alexander Monty que l’on retrouve également dans ce voyage d’archives dans son interprétation de « Feelings » en 1976 – « the most well done record of me« . Il avait notamment précédé sur scène Nina Simone qui offrit au public montreusien une réappropriation mythique et vécue de cette chanson d’Albert Morris. Cette femme qui terrorisa une salle pleine de 5’000 personnes était vraisemblablement dans « un moment très vulnérable« , comme l’on voit s’exprimer Jacquelyne Ledent-Vilain, responsable des artistes, émue devant les images de la pianiste américaine. « Every words she says, the life is on the song » (sa vie est dans chaque parole qu’elle prononce), commente également pour sa part Alexander Monty. On retrouve également dans ce documentaire – réalisé par Guillaume Delapierre – la soirée brésilienne de 1982 portée par le chanteur et compositeur Gilberto Gil, le duo « stone » entre Herbie Hancock et Chick Corea en 1979, les vocalises poignantes de Bobby McFerrin en 1984 – « the history of music« , selon Monty – la confrontation entre traditions et spectacle proposée par Dorothy Donegan – « the best moment captured« , selon Herbie Hancock – le concert événement d’Etta James en 1975 – on y voit par ailleurs Charles Bradley (présent le 7 juillet 2016 au Stravinski) transporté dès les premières notes face aux images – le set d’improvisation de Quincy Jones avec Miles Davis en 1991 – « You can’t forget a night like that » (tu ne peux pas oublier une nuit comme celle-ci), affirme le premier – et puis, l’inoubliable Jam entre Carlos Santana, Al Jarreau (présent au Montreux Jazz Club le 3 juillet 2016) et Claude Nobs à l’harmonica en 1980 – « le summum du festival pour Claude« , selon Jacquelyne Ledent-Vilain. Finalement tout y est. Ou presque. Voilà reproposé tout le « patrimoine de la musique« , selon Ledent-Vilain. « Thanks for showing that, Claude » (merci pour nous permettre de revoir tout cela), entend-t-on dire des lèvres d’Alexander Monty. Tout cela conclu par un commentaire émerveillé de l’actuel directeur général du festival, Mathieu Jaton: « Avec la numérisation des archives, on arrive à revisionner tout ce que l’on a« , affirme-t-il. Un beau cadeau à Claude Nobs selon lui. C’en est un sacré, en effet.