Le 78e Bol d’Or Mirabaud entre sécurité, exploits et découvertes

L'équipage champion de "Ladycat powered by Spindrift racing" sur le podium. © Oreste Di Cristino

Suspense et surprises : un Bol d’Or Mirabaud exceptionnel a pris fin ce dimanche soir à la Société Nautique de Genève. L’équipage du « Ladycat powered by Spindrift racing » composé par Xavier Revil (barreur), Erwan Israel (tacticien), Fred Moreau, Jacques Guichard, Malo Bessec et Benjamin Amiot a remporté la régate samedi en fin d’après-midi. Une nouvelle défaite pour Alinghi, qui se contente une nouvelle fois de la place de dauphin. Pour le « Challenge Bol de Vermeil », c’est le monocoque « Implant Centre Raffica » qui s’est définitivement adjugé la distinction. En revanche, pour le « Challenge ACVL-SRS », l’« Ardizio » de Dominique Wavre a été devancé par un autre TCF1, le « Triumvirat » du barreur Yves Tournier. Nos propos conclusifs de ce riche Bol d’Or.

« Ladycat powered by Spindrift racing » a remporté l’édition 2016 du Bol d’Or Mirabaud en devançant Alinghi de quatre minutes. Voilà qui devient intéressant pour Ernesto Bertarelli, skipper du syndicat suisse. Déjà devancé l’année dernière de 18 secondes par Team Tilt, c’est par le Décision 35 barré par Xavier Revil qu’Alinghi a été doublé sur la route du retour, du Bouveret au retour à la Société Nautique de Genève. Et semble-t-il, tout est une question d’empannage ou plutôt de changement feinté d’armure de la part de Ladycat powered by Spindrift racing ; une tactique gagnante pour le D35 de Dona Bertarelli qui voyait son poursuivant Alinghi franchir la marque du Bouveret en tête. Un réel Bol d’Or marqué sous l’égide de la stratégie et d’un esprit lacustre bien ancré. Une réalité que n’a pas manqué de préciser Rodolphe Gautier, le président de cette plus grande régate au monde en bassin fermé au moment de la remise des prix à la SNG : « 511 bateaux étaient sur la ligne de départ sur les 520 inscrits et bien quelque 428 bateaux ont franchi la ligne d’arrivée entre samedi et dimanche. Je suis heureux de voir que le sens marin était bien au rendez-vous », affirme le skipper Safram sur le podium de la célébration finale. Mais au-delà des chiffres, ce sont les conditions de dure labeur dans le haut lac qu’ont bravées tous les navigateurs tout au long du week-end qui impressionnent. Face à des conditions bien changeantes, vent sans pluie au départ puis orage sans vent dès Saint-Prex pour conclure avec un soleil sans rayon dès le Bouveret, les bateaux ont fait preuve d’une grande bravoure tout au long de la course : « Il y a eu trois appels de sécurité durant l’orage avec, au final, un mât cassé, un bateau échoué au large de Nyon et une personne qui a été secourue mais ce n’est rien au vu du contexte observé », témoigne Rodolphe Gautier. Une organisation qui a ainsi prouvé toutes ses compétences en matière sécuritaire. Mais non seulement. Bien accueillis par la Société Nautique de Genève, ouverte au grand public pour ce week-end de régate, les plus passionnés mais aussi les grands novices de la voile ont eu l’occasion de faire de très belles découvertes. C’est le cas de l’emblématique capitaine du Servette FC, Tibert Pont. Arrivé sixième sous un soleil radieux en compagnie de Yann Lambiel, Cynthia Racine et la navigatrice Elodie Mettraux lors de la désormais traditionnelle « Celebrity Race » tenue vendredi en début d’après-midi, Tibert a eu l’opportunité unique de découvrir un sport à mille lieues du contexte du Stade de Genève : « On a eu beaucoup de chance avec le temps. C’était une magnifique expérience, d’une part parce que je n’ai jamais mis les pieds sur un voilier – j’ai la chance d’avoir un bateau à moteur – mais la voile se prête à de la vraie navigation ; il y a tout un aspect stratégique indéniable qui m’a beaucoup alerté. Mais il y a également énormément de solidarité qui ressemble au football ; tout le monde doit tirer sur la même corde. C’était vraiment intéressant », explique-t-il. Un sport d’équipe avec un esprit tout aussi compétitif qui rappelle celui du ballon rond ? « Oui, c’est une sorte de partie d’échec à plusieurs – raconte-t-il avant de poursuivre – Il faut vraiment tout régler à la seconde près et être très attentif à tous les détails. De plus, mes coéquipiers étaient de vrais passionnés qui ont su partager leur connaissances et leur fougue avec moi. Avoir la chance de monter sur un voilier dans le cadre d’une course est une expérience unique pour moi. On en retire des éléments qui nous étaient complètement cachés auparavant. Que ce soit en terme de solidarité ou de stratégie, on navigue dans des domaines totalement oubliés par notre activité usuelle ». Quoi qu’il en soit : une expérience enrichissante pour tous, y compris pour certains navigateurs qui concourraient pour la première fois sur le Lac Léman.

Eagle 20XXL, un exploit historique

Robin Maeder et Félicien Ischer ont été désignés champions dans la série des petits catamarans C1. Après 15 heures et 28 minutes de course, leur bateau « Eagle 20XXL » a franchi, dimanche nuit, seul la ligne d’arrivée, validant la meilleure performance de ces catamarans à l’allure imprévisible. Coudoyés peu avant la cérémonie de la remise des prix à 19 heures dimanche à la Société Nautique de Genève, les deux jeunes navigateurs, fatigués mais fiers à très juste titre de leur performance, ont commenté sobrement leur victoire : « C’est une belle expérience, parfois longue, parfois pénible mais c’était extraordinaire. On a eu toutes sortes de vents mais c’était vraiment top », débute Félicien Ischer. « Humainement, c’est une grande expérience parce que c’était 15 heures avec des conditions pas faciles sur le Léman. Et c’est quelque chose que l’on a jamais faite, à deux sous un orage », complète Robin Maeder. C’est donc une double première pour les deux promesses de la voile ; première participation au Bol d’Or Mirabaud et donc, première victoire. Une première due également à l’ouverture de la compétition aux catamarans survitaminés de catégorie C1 comme le confirmait Rodolphe Gautier lors de la conférence de presse d’ouverture de la manifestation. Une nouveauté saluée par l’équipage des Eagle 20XXL : « Je pense que l’ouverture de la course aux C1 est somme toute assez normale car ce sont des bateaux qui avancent quasiment au même rythme que les M2. Les règles de sécurité sont d’autant plus strictes maintenant et c’est très bien (notamment les balises sur les bateaux qui nous permettent d’être localisés au moindre problème). Il y a toujours des risques mais si l’on ne prend aucun risque, on ne fait pas de régates », commente Robin Maeder. Néanmoins, cette victoire s’apparente à un sacré exploit, aussi car imaginer le duo, trempé de la tête aux pieds, sous les caprices d’une météo tantôt violente, tantôt apaisée témoigne d’une grande robustesse d’esprit : « On a un bateau qui avance bien en petit temps par rapport aux autres. Quand il y avait du vent au départ, on a très bien su nous adapter. Et quand l’orage est arrivé, on a beaucoup discuté tactiquement et nous ne sommes pas partis sur des à priori ; nous avons observé les endroits où il y avait des risées et nous nous y sommes engouffrés », débute Robin avant de laisser la parole à son équipier : « On a très bien travaillé à deux : on regarde et on décide ensemble ». Voilà qui témoigne d’une organisation précise : « C’est la grande force que l’on a : on est deux mais il y a un cerveau », conclut pour sa part le premier.

Un bol de Vermeil hongrois

« Pour l’équipage hongrois de l’« Implant Centre Raffica », c’est bien deux Bol d’Or pour rejoindre les eaux hongroises au Léman », commente le présentateur lors de remise des prix dimanche après-midi. Et c’est peu dire. Ayant participé pour la première fois au Bol d’Or Mirabaud en 2012, le skipper Király Zsolt et son équipage s’étaient fixés le gain définitif du Bol de Vermeil après la victoire de leur monocoque en 2012 puis en 2013. Pour parvenir à leurs souhaits, il faut rappeler qu’il était nécessaire de remporter le titre à trois reprises en cinq ans ; ce qu’« Implant Centre Raffica » est parvenu à concrétiser cette année après deux échecs consécutifs, devancés en 2015 par Oyster Funds, barré par Philippe Gay. Créé en 1996, le Bol de Vermeil a été remporté seulement deux fois, d’abord par le voilier italien Raffica, puis par Team Tilt. En cette 78e édition de la régate, la distinction a finalement été attribuée définitivement au voilier de Király Zsolt. Un bel accomplissement pour Bálint Sarmáy, membre de l’équipage du monocoque vainqueur : « Pour notre cinquième participation au Bol d’Or, c’est un immense plaisir de remporter le Bol de Vermeil. C’est une régate très longue aussi bien techniquement que tactiquement. C’est très fort ». D’autant plus fort dans des conditions météorologiques bien changeantes, mais semble-t-il, pour Implant Centre Raffica, ces circonstances étaient idéales : « C’était un énorme plaisir de percevoir ces différents climats. Nous avons l’habitude de ces conditions changeantes et nous sommes très bons dans cet exercice d’adaptation. Au final, ce sont les conditions de rêve pour nous. Nous avons bien réussi à négocier les transitions, sans erreur avec quelques petits problèmes mais qui ont été résolus. Nous sommes donc très contents », conclut Bálint. Le suspense aura alors été total pour cette 78e volée du Bol d’Or Mirabaud. Le rendez-vous est alors donné : la 79e édition aura lieu les 16, 17 et 18 juin 2017.