William Grand-Pierre raconte les débuts du rugby genevois

William Grand-Pierre devant les terrains du centre sportif des Cherpines. © Oreste Di Cristino

Les jours de match, William Grand-Pierre longe encore les terrains des Cherpines ou du Stade de Genève. À bientôt 80 ans ans, l’ex-éducateur livre ses mémoires de plus de trente ans à l’école de rugby de Genève. Ses aventures au ballon ovale ont directement touché sa vie de famille, puisque son fils Laurent a joué pour la sélection suisse. Si le rugby suisse fait partie de son cœur, il regrette son intimité et la fébrilité des médias pour raconter son histoire. Comme lors de notre rencontre avec Vincent Ducros en octobre dernier, voici la parole d’un éducateur qui a contribué à transmettre le rugby à ceux, qui, une fois fidélisés, en feront sa publicité d’eux-mêmes toute leur vie : les enfants.

Comment est né l’école de rugby à Genève ?

Quand l’époque de rugby s’est créée à Genève, c’était en 1975-76, la première école s’est créée et j’en ai fait partie. L’école a démarré du CERN ; c’est André Cordaillat, qui était un physicien français qui l’a créée. Il y avait des maillots bleus, sponsorisés par le CERN et on avait des gamins, mais on n’arrivait uniquement à faire une équipe parce que les gamins avaient entre 4 et 10 ans et il fallait faire des catégories au rugby comme dans les autres sports. Sauf qu’il n’y avait pas cinq enfants de chaque côté du terrain ! Mais bon, ça s’est vite développé parce qu’au CERN il y a beaucoup d’anglais. Des enfants sont rapidement arrivés. Ensuite, on s’est rendus compte que c’était difficile pour les enfants de Genève de s’entraîner au CERN, alors au bout de deux ans on s’est scindé. Le CERN a gardé une école et on a créée la nôtre à Genève.

C’était les premiers pas du rugby suisse…

Oui, et c’était les premiers pas de mon fils ! L’équipe existait déjà, car Laurent [le fils] est né en 1972. M. Cordaillat a beaucoup fait pour les écoles de rugby genevoises.

William Grand-Pierre, le sourire aux lèvres pour raconter ses aventures avec l'école de rugby de Genève. © Oreste Di Cristino
William Grand-Pierre, le sourire aux lèvres pour raconter ses aventures avec l’école de rugby de Genève. © Oreste Di Cristino

De quelle nature était votre implication dans le rugby suisse ?

J’ai joué au rugby sans percer, d’ailleurs je n’ai jamais joué dans l’équipe suisse. Ensuite, je me suis consacré pendant trente ans aux enfants du rugby avec un ami français, Gérard Beneret. Nous allions beaucoup jouer en France à Saint-Julien, Bellegarde ou encore Belley, où nous étions très souvent invités ! On n’y allait pas pour gagner (rires). Souvent, on avait que cinq enfants, alors les équipes adversaires nous prêtaient des joueurs et ils pouvaient jouer à 8 contre 8. Si on ne faisait pas ça, les enfants ne jouaient pas et ils ne revenaient plus aux entraînements. Et on devait tout payer ! Nous étions deux, trois à prendre des voitures, de quoi casser la croûte et c’était tout. Tout ce qu’on touchait, c’était quelques subventions grâce à un contrôle de présence des enfants.

Que pensez-vous du rugby suisse actuel, quarante ans après ses premiers pas ?

On ne progresse pas beaucoup. L’équipe suisse vivote. Mon fils a joué avec l’équipe de Suisse, et il a dû payer lui-même son billet d’avion pour aller en Russie. Il a payé 500 francs ! Quand il échangeait son maillot à la fin du match, il devait le rembourser. Aujourd’hui, les bons joueurs qu’on a ne sont pas suisses mais étrangers. Au niveau des spectateurs, cela se limite à peu de monde. La télévision vient parfois filmer du rugby, mais on en obtient que 10 secondes quand c’est diffusé. On pourrait faire mieux, si seulement on en parlait vraiment. Regardez le Servette FC qui a eu une année catastrophique il y a deux ans. Il y avait tous les jours une demi-page dans les journaux ! On ne peut pas faire payer les spectateurs pour financer le rugby étant donné que l’accès aux terrains n’est pas clos. Le Servette Rugby Club, lui, fait payer l’entrée au Stade de Genève [ndlr, l’entrée coûte dix francs]. C’est le seul à avoir fait parler du rugby, car les médias français en ont parlé quand ils ont été champions de France de 3e série. Quant aux carrières des joueurs, il y a Alain Studer [ndlr, l’actuel directeur sportif de Servette] qui a joué en Top 14, mais c’est une exception. Si on veut développer le rugby en Suisse, il faut fidéliser les jeunes parce que ce n’est pas en commençant à 30 ans qu’on y arrive.

Ne pensez-vous pas qu’en Suisse, quelque soient les sports, il est délicat de grandir et de devenir professionnel ?

Ce qui est sûr chez nous, c’est qu’il faut prouver coûte que coûte que l’on existe pour gagner de l’argent. J’ai connu une nageuse qui marchait bien sur le plan sportif, mais il fallait faire des sacrifices financiers pour l’aider. Heureusement que son père était médecin, car à l’école, elle n’était pas du tout aidée, il n’y avait pas de formule alliant sport et études.