Devant 21’500 spectateurs au Letzigrund Stadion, le FC Zürich s’est adjugé la Coupe de Suisse en finale face au FC Lugano. Quelques jours après le verdict de la relégation du club zürichois, cette « deuxième » finale a quelque peu séduit sur le plan sportif. Lancés sur le chemin de leur histoire, les hommes du président luganais Angelo Renzetti ne sont pas parvenus à mettre fin à leur 23 ans de disette dans la compétition.
Une semaine noire s’annonçait à Zürich suite à l’officialisation de la relégation du FC Zürich mercredi suite à la dernière journée de Super League. Le ciel s’était terni et la pluie n’a cessé de s’abattre sur l’enceinte du Letzigrund Stadion. C’est alors sous un temps plus que capricieux que les hommes d’Uli Forte retrouvaient leurs pires rivaux de la saison en finale de la Coupe de Suisse ; et ironie du sort, c’est le FC Lugano qui recevait la rencontre… à Zürich. De quoi perturber les esprits mais pas les joueurs apparemment car c’est une équipe zürichoise très apprêtée que le public suisse a retrouvé ce dimanche après-midi. Le match de la dernière chance ou le requiem final, c’est selon. Toujours est-il que l’issue du match ne rendrait pas le sourire aux milliers de supporters, en tout cas pas complètement. Les manifestations qui ont suivi la descente du FC Zürich au sein du championnat cadet du football suisse n’ont sans doute pas été apaisées. Auteur d’un spectacle aussi pyrotechnique qu’ahurissant, le secteur zürichois s’est illustré dans l’art de la provocation. Et difficile de les contre-attaquer car c’est l’ensemble de la communauté qui est heurtée, affaiblie et humiliée par les événements de ces dernières semaines. À croire que l’arrivée dernièrement d’Uli Forte a constitué le seul point positif de la saison. Et à vrai dire, pourquoi pas ? Ne marquait-il point la fin du cauchemar Hyypiä ? N’amorce-t-il point le début d’une nouvelle ère sportive en Challenge League à condition qu’il accepte de rester en fonction ? « On verra avec M. Canepa (ndlr, Président du club) – avoue le principal intéressé en conférence de presse avant de poursuivre – Je ne suis pas un entraîneur de Super League exclusivement. Si le projet est attrayant à Zürich, je resterai volontiers. J’ai commencé en entraînant en Challenge League avec le FC Wil, puis à Saint-Gall deux semaines après sa relégation comme c’est le cas aujourd’hui pour le FC Zürich, une situation équivalente ». Voilà qui commence à faire sourire, voilà qui redonne des forces à une équipe au trente-sixième dessous. Et cela a suffit pour reconduire le FC Zürich sur la voie d’un neuvième titre en Coupe de Suisse après les succès de 1966, 1970, 1972, 1973, 1976, 2000, 2005 et 2014. En revanche, pour le FC Lugano, l’heure est aux regrets. Après avoir manqué un pénalty à la demi-heure de jeu, les hommes de Zdenek Zeman ont perdu le fil de leur match avant de subir l’unique but de la rencontre peu avant la mi-temps. Toutefois, malgré un match plus qu’ouvert, l’ambiance ressemblait à tout sauf à une finale de Coupe de Suisse.
Des dynamiques différentes
Le tournant du match advient sans aucune contestation à la 32e minute de jeu. Avant le pénalty, le FC Lugano se voulait dominateur et en dépit d’une agressivité avérée des Zürichois sur le porteur du ballon, c’est par les fers de lance Ezgjan Alioski et Frédéric Veseli sur le flanc droit ainsi que Anastasios Donis sur le gauche que les Tessinois se montrent les plus dangereux. Le latéral gauche du FC Zürich Vinicius De Freitas Ribeiro en a d’ailleurs longtemps payé les frais avant que le rapport de force entre les deux finalistes ne bascule à l’avantage des alémaniques. Souvent mis en difficulté, le FC Zürich était alors contraint à arrêter les offensives tessinoises par l’irrégularité ; peu après le quart d’heure de jeu, faute providentielle du capitaine Gilles Yapi sur Donis alors qu’il s’apprêtait à faire cavalier seul jusqu’au but et quelques minutes plus tard, à la 32e minute, c’est le gardien Anthony Favre qui bloque Mattia Bottani dans les seize mètres et alloue un pénalty pour le FC Lugano. À cet instant, la finale prend une toute autre allure que lors de la première demi-heure. Le numéro 10 se présente des onze mètres, hésite vaguement – cela s’est ressenti – et choisi son côté. Mais son tir sera paré par la main solide du portier zürichois ; « un miracle » selon Uli Forte, « un très gros cadeau » selon le Président du FC Lugano Angelo Renzetti. Et comme le précise l’entraîneur du FC Zürich, les dynamiques changent dès cet instant : « La parade du pénalty a créé un réel électrochoc pour l’ensemble de l’équipe. Tout le monde a repris courage et s’est remobilisé ». Du côté luganais, les remords sont tout aussi présents comme le démontre le capitaine Antoine Rey : « [Bottani] a eu une balle de match dans le pied. On est bien évidemment tous déçus mais on le pardonne sans problème ; on est arrivés en finale ensemble, c’est donc ensemble que nous l’avons perdue. Nous ne pouvons rien lui reprocher. Pour moi, il reste un très grand joueur ». Pour le Président tessinois, le bilan est plus aigre : « Il n’a pas levé les yeux sur le gardien. Selon moi, il a raté son tir. Mais ça arrive à tout le monde même si Mattia a été très en dessous de ses capacités aujourd’hui ». Toujours est-il que pour le FC Zürich, la tâche devenait un peu plus intelligible ; faire monter les adversaires pour les contrer dans leur position avancée. Une tactique qui a pris tout son sens suite à l’ouverture du score par Sangoné Sarr à la 41e minute. Mais gageons rien, la messe était loin d’être dite : « Cela n’a pas empêché que l’on souffre jusqu’au bout après le but du 1-0. On a eu quelques contre-attaques très intéressantes avec notamment celle conduisant au poteau de Kerzhakov (ndlr, à la 56e minute) qui aurait pu définitivement fermer le match. À ce niveau-ci, il fallait à tout prix éviter les prolongations », confie Uli Forte devant les journalistes en fin de match.

Un FC Lugano diminué doit faire face à ses regrets
Cela ne signifie pas pour autant que Lugano ait subi le jeu des Zürichois durant toute la deuxième mi-temps. Bien au contraire. Matteo Tosetti offre une très belle occasion pour son équipe à l’heure de jeu (62e). Le Luganais élimine une bonne partie du milieu de terrain zürichois avant de servir Donis sur le flanc gauche. Le grec ajuste son pied droit et décroche une frappe qui s’écrase sur le montant gauche d’Anthony Favre. Mais les Tessinois se dissipent trop et souffrent d’une désorganisation chronique suite à l’ouverture du score par Sarr. D’autant plus que la forteresse défensive du FC Zürich semble insurmontable pour les hommes de Zdenek Zeman. Lugano a beau opérer le forcing avec Tosetti et Jozinovic mais ne parvient pas à fissurer la barrière protectrice zürichoise composée de Philippe Koch, Alain Nef, Anto Grgic (qui a remplacé Burim Kukeli sur blessure à la 20e minute), Ivan Kecojevic et Vinicius Ribeiro. Une stratégie très défensive prônée par Forte qui épuise les Tessinois qui s’en remettent aux coup de pieds arrêtés. Mais même dans cet exercice le FCZ domine et manque d’inscrire le 2-0 à la 83e minute sur coup-franc par Davide Chiumiento. Le ballon termine sur le fond alors même que Salvi semblait battu. Mais au-delà des possibilités offertes et des occasions procurées en début de rencontre, le FC Lugano a surtout manqué de concentration et de précision au milieu de terrain. Orlando Urbano a plusieurs fois perdu le ballon à hauteur des 60 mètres, ce qui a permis de réaffirmer les positions très providentielles du jeune Kevin Bua et Alexander Kerzhakov qui ont manqué à plusieurs reprises de marquer le 2-0. La tension s’est faite d’autant plus grande en fin de rencontre, lorsque une passe de Domen Crnigoj s’est à nouveau vue interceptée par les avant-centres zürichois. Le Slovène se tourne alors en direction de Karimi Rossi et se plaint de la passivité générale dont fait preuve l’ensemble du contingent du FC Lugano. Et rien n’est plus vrai. Voilà qui place les Tessinois dans une position très délicate. Mais la persévérance est de mise même si le 5-3-2 mis en place par Uli Forte résiste, solide et implacable. « On est bien sûr déçus parce que ce n’est pas tous les ans que l’on joue une finale de Coupe de Suisse. On aurait dû marquer en première mi-temps et prendre l’avantage avec deux buts d’écarts au vu des occasions procurées. On s’est compliqué la vie alors qu’on aurait pu contrôler le match. C’est dommage pour le public, c’était l’occasion d’entrer dans l’histoire et la prochaine n’arrivera très certainement pas de sitôt », affirme Angelo Renzetti. Une opinion pleinement partagée par le capitaine luganais Antoine Rey : « L’occasion que nous avons eue aujourd’hui est presque unique pour nous, joueurs. Cela ne nous arrive pas toutes les saisons. De plus, c’était un match ouvert dans lequel on aurait pu rapidement prendre l’avantage. Ça fait mal de la perdre de cette manière »
Organiser le futur pour les deux finalistes
Ce neuvième sacre est-il à même de résorber la déception de la relégation ? « Soyons clairs, ce titre n’effacera pas ce qu’il s’est produit en championnat – témoigne Uli Forte – Notre relégation est solvable uniquement avec la promesse d’une promotion l’année prochaine. Le FC Zürich devra s’efforcer de retrouver rapidement la Super League ». C’est dit. Pour Zürich, il s’agira avant tout de retrouver une âme et un esprit d’équipe loin du désastre sportif de cette longue et douloureuse saison marquée par un rendement très faible à domicile. Au Letzigrund Stadion, les (protégés ?) du contesté Ancillo Canepa n’ont validé que quatre succès en championnat pour sept matches nul et autant de défaites. Ces statistiques peuvent néanmoins être atténuées par une rentabilité nettement plus ambitieuse dans leur parcours en Coupe de Suisse ; les Zürichois ont inscrit 17 buts – pour seulement trois encaissés – dans l’ensemble de leur campagne. Voilà qui pouvait leur laisser présager une issue heureuse pour cette finale « à domicile », même si dans l’historique des face-à-face, Lugano menait dix victoires à quatre dans la compétition avant cet après-midi. Qualifiés en conséquence en Europa League, le relégués en Challenge League auront très certainement à cœur de mener à bien leurs affaires. Attention toutefois au surplus de fatigue que pourrait accumuler un calendrier européen important. En revanche, du côté du président Angelo Renzetti, la réalité est sensiblement différente. S’il est satisfait de la saison de son équipe, il semble tout aussi moins enthousiaste pour la suite à cet instant précis : « Il faut dire que je suis satisfait de notre saison parce que notre objectif premier était de nous maintenir en Super League et celui-ci a été atteint – débute-il – Mais une victoire nous aurait beaucoup apporté. Cela nous aurait rendus plus compétitif du point de vue des moyens mais aussi des joueurs. Mais je ne pense pas que tout se résoudra rapidement ; très certainement, nous devrons diminuer le budget et nous inventer une suite viable pour la saison qui arrive. Et c’est très stressant car le temps à disposition est très court. Il faut nous préparer avec les joueurs que nous avons et les périodes de mercato sont toujours très compliquées ». Néanmoins, Lugano peut au moins se contenter des apprentissages réalisés lors de cette première saison dans l’élite du football suisse comme l’explique Antoine Rey : « Le facteur clé de la saison résidait du fait que nous ne nous soyons pas désunis suite aux très lourdes défaites que nous avons pu encaisser. On a su nous remobiliser et nous avons résisté à cette saison très tendue ». Quant à la présence de Zdenek Zeman sur le banc de l’équipe, le président se montre encore prudent même s’il avoue que Zeman, lui-même, « souhaiterait rester » : « Il faudrait essayer de renforcer notre équipe parce que des championnats tel que celui que l’on vient de vivre sont très épuisants et Zdenek ne supporterait plus une nouvelle saison dans ces conditions. Il est très ambitieux et pour parvenir à une équipe ambitieuse, il faut des moyens. Son travail cette saison a été très important mais il a aussi un certain âge et il souhaite pouvoir continuer avec une bonne équipe. Mais pour la concrétiser, il faudra attendre que les choses se mettent en quelque sorte en ordre ». Le FC Lugano n’aura alors qu’à apprendre de ses précédentes erreurs, y compris les nombreuses commises ce dimanche en finale de Coupe de Suisse. « Nous allons tout pardonner ce soir, de Salvi (ndlr, le gardien jugé fautif sur le but de Sarr) à Bottani », conclura le président Renzetti.